Écart salarial: les Québécoises ne seront plus rémunérées d’ici la fin de l’année
Catherine Charron|Publié à 7h37 | Mis à jour il y a 25 minutes«Ce sont des données qui doivent être rappelées à l’occasion, dit sa directrice générale, Nathalie Guay, en marge de la diffusion du rapport.
RHÉVEIL-MATIN. Puisque le salaire moyen des Québécoises représentait, en 2023, 91% de celui des Québécois, c’est comme si, à partir d’aujourd’hui et d’ici à la fin de l’année, elles cesseront «d’être rémunérées pour leur travail».
C’est ce que dénonce l’Observatoire québécois des inégalités dans «Pourquoi les femmes gagnent-elles toujours moins que les hommes en emploi au Québec?», une analyse publiée afin de marquer pour la première fois ce jour symbolique.
«Ce sont des données qui doivent être rappelées à l’occasion, dit sa directrice générale, Nathalie Guay, en marge de sa diffusion. On fait beaucoup de bruit à leur propos autour du 8 mars, c’est donc un moment intéressant dans l’année pour le faire à nouveau.»
Ce document est le fruit d’une longue recherche qu’elle a mené afin d’apprécier l’évolution des multiples facteurs qui alimentent cet écart entre la rémunération horaire moyenne des hommes et des femmes.
D’entrée de jeu, elle souligne qu’il s’estompe avec les années. La différence était de l’ordre de 86% en 2005, et de 84% au moment où la Loi sur l’équité salariale est entrée en vigueur, soit en 1996.
Les femmes immigrantes sont plus pénalisées, indique la dirigeante : leur taux horaire moyen est inférieur de 4,36 dollars de l’heure par rapport à celui des travailleurs également nés à l’étranger. Entre les hommes et les femmes qui ont vu le jour ici, la divergence est de 3 dollars de l’heure.
Leur genre semble toutefois plomber davantage leur rémunération que leur statut migratoire, puisque la cagnotte versée aux femmes nées ici est de 2$ de l’heure moindre que celle des hommes nés ailleurs, fait-on remarquer dans le rapport.
Un écart persistant
Bien que la plupart des indicateurs se rapprochent de la parité, de nombreux facteurs socioéconomiques contribuent encore à ce retard, a pu observer Nathalie Guay dans sa revue de la littérature.
Les femmes occupent par exemple encore une place prédominante dans de nombreux métiers traditionnellement féminins et peu valorisés et une part plus importante d’entre elles occupent des emplois «de faible qualité», soit qui procurent un «faible salaire, de qualification faible, occupé par une personne surqualifiée, instable et à plus de 40 heures semaines.»
Cependant, presque autant de femmes que d’hommes occupent des emplois de qualité élevés dorénavant, souligne l’autrice.
Mieux représentées dans les postes de cadres supérieurs ou intermédiaires que par le passé, les travailleuses ne campaient que 31% et 40% de ces rôles en 2022.
La maternité affecte toujours davantage leurs revenus bien plus que la paternité peut le faire chez les hommes.
Les femmes exécutent encore davantage de tâches domestiques non rémunérées que leurs conjoints, y accordant 3,4 heures de leur quotidien plutôt que 2,4h en 2022. En 2015, ils accomplissaient respectivement 3,5h et 2,5h.
Passer à l’action
Au-delà de respecter le cadre légal – une condition sine qua non à l’équité salariale -, les employeurs devraient réviser sur leur politique de conciliation travail vie personnelle pour réduire les inégalités, estime Nathalie Guay.
L’environnement de travail doit permettre à tous les membres de l’équipe de faire progresser leur carrière, en donnant par exemple aux mères l’occasion de rattraper le retard accumulé pendant les premières années de vie de leurs enfants.
La directrice générale suggère aux entreprises de consulter leurs employés, anonymement si nécessaire, pour aller à la pêche aux bonnes idées. De petits ajustements peuvent avoir d’importantes retombées, rappelle-t-elle.
«Ça peut parfois être aussi simple que de revoir les moments où on organise des activités sociales, pour que les mères puissent également y participer, d’après Nathalie Guay. Lors de ces événements, il y a souvent de ces échanges informels qui servent à faire progresser sa carrière par la suite.»
L’employeur devrait encourager les pères à utiliser l’ensemble de leur congé de paternité, et même à profiter du changement apporté au Régime québécois d’assurance parentale et qui permet d’obtenir du temps additionnel dès que les deux parents se sont absentés pendant 8 semaines.
«La manière d’en parler aura une portée sur sa prise ou pas. Si les hommes pensent qu’au contraire, ça pourrait les empêcher de décrocher des promotions, ça peut les freiner», soulève-t-elle.
La directrice générale de l’Observatoire des iniquités appelle également à ce que l’État modernise la Loi sur l’équité salariale. La création d’un registre ou d’un comparatif par taille d’entreprise ou secteur d’activité permettrait de faire un meilleur examen du salaire accordé à chacun de ses, tout en allégeant cette analyse, estime-t-elle.