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Gérer les risques d’approvisionnement

Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2024

Gérer les risques d’approvisionnement

Les responsables de l’approvisionnement misent desormais sur la résilience, l’agilité et la transparence de leur entreprise. (Photo: 123RF)

LOGISTIQUE ET APPROVISIONNEMENT. La vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement constitue un souci constant pour les entreprises. Bousculées par les changements climatiques, les tensions géopolitiques et les conflits de travail, elles se tournent vers les nouvelles technologies pour gérer les risques.

Les entreprises canadiennes sont bien implantées dans des chaînes de valeurs mondiales. En 2023, près de la moitié (47 %) des importations de marchandises du Canada étaient des biens intermédiaires, qui servaient dans la fabrication de produits finaux, selon Affaires mondiales Canada.

Pendant longtemps, les responsables de l’approvisionnement et de la logistique n’avaient qu’un mot à la bouche : efficacité. Les entreprises souhaitaient importer ou exporter au plus faible coût possible, ce qui a présidé à la montée des longues chaînes internationales dans les années 1990 et 2000. Toutefois, depuis la pandémie, le discours a changé. Les nouveaux mots clés sont « résilience », « agilité » et « transparence ».

« Depuis 2020, on a vu beaucoup de perturbations dans des chaînes d’approvisionnement devenues plus vulnérables en raison de leur longueur et de leur complexité. Donc la tendance est à la gestion des risques », indique Claudia Rebolledo, professeure au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal.

Polycrise

Les principaux risques peuvent être scindés en quatre catégories : les changements climatiques, les aléas humains et organisationnels, l’augmentation des exigences environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et les bouleversements géopolitiques. La plupart de ces risques connaissent une tendance à la hausse.

Des inondations, des tempêtes, des feux de forêt ou la baisse du niveau des eaux dans le canal de Panama ont affecté l’approvisionnement ces dernières années. Le Brexit, les tensions entre la Chine et les États-Unis ou encore la guerre entre Israël et le Hamas, au cours de laquelle les milices houthis ont attaqué des navires commerciaux en mer Rouge, ont également nui. Sans parler des conflits de travail au CN, au CPKC, et dans les ports de Vancouver et de Montréal.

« Les entreprises ne peuvent pas éliminer tous les risques, mais doivent identifier ceux qui les menacent le plus en fonction des particularités de leur approvisionnement et de leur logistique, afin d’adopter des mesures pour être plus résilientes », poursuit Claudia Rebolledo.

Parmi les solutions envisageables, on peut répartir ses fournisseurs entre plusieurs pays, choisir des partenaires situés plus près de l’entreprise, leur offrir de meilleures conditions pour qu’ils nous privilégient en cas de problème ou encore augmenter la taille des stocks. « Cependant, toutes ces approches font grimper les coûts », note Claudia Rebolledo.

Le rôle des technologies

De nouveaux outils numériques peuvent aider les entreprises à mieux gérer leur logistique et leur approvisionnement. « Les technologies permettent d’avoir une meilleure visibilité de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et de la logistique, et à réagir rapidement en cas de problème », estime Daniel Vendette, président de Conseil 2.0, une firme-conseil en chaîne d’approvisionnement.

Les entreprises peuvent par exemple produire un jumeau numérique de leur circuit d’approvisionnement et observer en temps réel les grandes tendances mondiales. Au moment de réserver un transport de marchandises, elles peuvent alors choisir la meilleure option à ce moment-là. L’IA, notamment, permet d’effectuer des simulations en tenant compte de plusieurs données.

Dans un récent rapport, KPMG soutient que la « chaîne d’approvisionnement intelligente » est appelée à devenir de plus en plus répandue. Elle combine l’IA, l’automatisation de l’analyse de données, l’apprentissage machine, l’Internet des objets et les chaînes de blocs, entre autres. « Ces nouvelles approches posent deux défis majeurs : la gestion des données et la cybersécurité », précise toutefois Daniel Vendette.

PME à la traîne

Dans les faits, une numérisation aussi poussée reste l’apanage de grosses multinationales pour l’instant. Les PME possèdent moins de moyens et d’expertise pour aller aussi loin, bien qu’elles fassent tout de même une place aux technologies numériques pour administrer l’entreposage et les relations avec les fournisseurs, ou pour prévoir les fluctuations de la demande.

« Nous voyons encore des entreprises qui gèrent avec un mélange de documents papiers, du logiciel Excel et de Post-it, note Antoine Grand’Maison, directeur de la firme-conseil GCL. Les PME peuvent buter sur la capacité à payer pour les nouveaux outils et surtout à les comprendre, à effectuer les bons choix et à bien les utiliser. »

Claudia Rebolledo propose d’ailleurs d’améliorer l’attraction et la rétention des talents spécialisés dans l’approvisionnement et la logistique. « Ces métiers exigent beaucoup de compétences relationnelles, analytiques et technologiques et ce n’est pas toujours facile pour les entreprises de recruter ou de garder ces travailleurs », note-t-elle. Elle suggère aux entreprises d’investir davantage dans les salaires et la formation du personnel dans ces services si névralgiques pour les entreprises.