Les nouvelles mesures en matière d’immigration inquiètent cet employeur
Catherine Charron|Publié à 7h05 | Mis à jour à 9h14Ce sont surtout ses employés de sa carrière et de son entrepôt qui son concernés par les changements législatifs. (Photo: courtoisie)
RHÉVEIL-MATIN. Depuis le début de l’année, Ottawa et Québec ferment les portes aux travailleurs temporaires étrangers, ce qui cause bien des maux de tête aux dirigeants d’entreprises comme Atwill-Morin.
Parmi la quarantaine de ses employés qui ont ce statut, une douzaine ne pourront poursuivre leur aventure au sein de l’organisation dès 2025. Puisqu’ils occupent des postes dans son entrepôt et sa carrière requérant peu de qualifications ou de formation, leur rémunération est désormais en deçà du nouveau seuil qui sépare les hauts des bas salaires entré en vigueur le 8 novembre 2024, explique son président, Matthew Atwill-Morin.
Grâce à ces travailleurs, «on a connu [depuis 2022] une stabilité qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. Ces personnes valorisaient leur emploi. Notre taux de roulement avait chuté drastiquement, tout comme nos coûts de formation, puisque ce sont les mêmes qui manoeuvraient les machines», indique l’entrepreneur qui dénonce la rapidité avec laquelle ces changements ont été adoptés.
Peinant à embaucher autant pour gérer des projets de construction que pour bosser dans son entrepôt, la spécialiste de la maçonnerie, du béton et de l’échafaudage s’est tournée vers l’international ces dernières années. Elle a mené au fil des ans un grand chantier afin de bien accueillir et intégrer sa main-d’œuvre immigrante qui représente près de 150 de ses 1000 travailleurs.
Atwill-Morin a épongé leurs coûts de déplacement et les a épaulés dans leur paperasse. Elle a accueilli à l’aéroport ses employés à bas salaires, leur a trouvé un logement, fourni un transport, et offert leur première épicerie.
«On voulait qu’ils s’intègrent bien à notre culture d’entreprise, qu’ils participent à son bon fonctionnement. On a fait traduire certains documents pour assurer leur santé et leur sécurité, en plus de les aider dans leur francisation. Il y a une quantité de travail énorme qui a été faite par notre organisation», explique le président.
D’après lui, 8000$ ont été investis dans chaque travailleur – sans compter le temps et l’énergie des membres de ses équipes des ressources humaines et légales – pour leur permettre de mettre les pieds ici. Le jeu en valait toutefois la chandelle, puisqu’ils campaient des postes laissés vacants par les candidats déjà au Québec.
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«C’est dommage que ça ait changé, car ce seront des postes très difficiles à combler pour nous. Ce l’est également pour nos employés, qui croyaient pouvoir venir gagner leur vie ici en toute dignité, déplore Matthew Atwill-Morin. On se pose beaucoup de questions sur comment on va s’y prendre en ce moment.»
Une année 2025 qui s’annonce difficile
Pour l’instant, l’entreprise encaisse le coup de tous ces changements de réglementation. Son équipe épluche notamment les accords commerciaux afin de déterminer si certains de ses travailleurs temporaires étrangers pourraient être exemptés. Elle tente même de les relocaliser dans d’autres fonctions.
«C’est saisonnier comme emploi. Certains revenaient, année après année, avaient l’équipement qu’on leur avait donné à leur arrivée. Il y a un attachement qui s’est fait de part et d’autre», dit l’entrepreneur de troisième génération.
Dès janvier prochain, Atwill-Morin devra revoir ses méthodes de travail et sa planification de la main-d’oeuvre afin de s’adapter à leur absence. Le PDG s’attend déjà à ne pas être en mesure de pourvoir certains postes laissés vacants, ce qui nuira à leurs opérations.
L’automatisation de certains processus est envisagée, mais cette démarche ne sera pas complétée dès l’été 2025. Ça ne faisait toutefois pas partie du plan stratégique actuel de l’entreprise, elle qui s’attelait plutôt à réduire son empreinte écologique.
Bien que l’effet de la pénurie de main-d’œuvre se soit fait moins important en 2024, le dirigeant craint d’observer à nouveau une augmentation de son taux de roulement du côté de son entrepôt et de sa carrière, ce qui n’augure rien de bon selon lui alors que la demande en construction est forte.
«Ça va être coûteux pour nous, dit-il. En tant qu’employeur, la pénurie ne sera pas un problème d’un mois, d’un trimestre ou d’une année, mais bien de ma carrière. On semblait avoir trouvé un élément pour nous aider, mais là on est de retour à la case départ.»