(Photo: Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. Certaines clauses des conventions collectives nuisent aux performances des sociétés de transport.
Ce n’est pas Geneviève Guilbault qui le dit, mais les conclusions d’un rapport de la firme Raymond Chabot Grant Thornton mandaté et payé par Mme Guilbault! On ne peut pas les blâmer s’ils arrivent aux mêmes conclusions que la CAQ! Elle n’a pas influencé leur méthodologie, mais leurs conclusions sont alignées avec ce qu’elle attendait d’eux. C’est fou comment la vie fait bien les choses, surtout lorsqu’elles nous arrangent ou sont favorables à nos actions!
Le rapport est clair quant aux faits que certaines clauses des conventions collectives nuisent aux performances des sociétés de transport, dont le cloisonnement des postes, l’impossibilité de sous-traiter, et les clauses de mouvement de main-d’œuvre.
S’ils le disent, c’est que ça doit être vrai!
Rendu public le 7 novembre, le rapport de la firme concluait que les sociétés de transport pourraient réduire leurs dépenses de 350 millions de dollars (M$).
Ainsi présentée, la CAQ ne se fait pas accuser de partisanerie. Ce sont les experts, et non la CAQ, qui proposent de sous-traiter le service de chauffeurs, une mesure qui dégagerait 72M$. Le rapport estime qu’environ 64% des dépenses des transporteurs viennent des salaires des employés. À ce titre, la rémunération moyenne des chauffeurs d’autobus de la STM est estimée à 119 809$.
Flexibilité ou affaiblissement syndical?
Le rapport souligne que faire de la sous-traitance et revoir les conventions collectives seraient des solutions afin de réduire les dépenses. Que ça soit vrai ou non, il n’en a pas fallu davantage pour que la vice-première ministre lance un appel à «aller chercher de la flexibilité». Geneviève Guilbault a par ailleurs défendu cette nécessité puisque certaines actions, qui pourraient générer des économies, sont limitées par des clauses de conventions collectives. Il s’agirait donc d’injecter un peu plus de souplesse dans ces contrats de travail.
Connaissez-vous les concepts de flexibilités numériques, de flexibilité occupationnelle et de flexibilité dans les conditions de travail? Pour notre compréhension, ces concepts s’inscrivent dans le renouveau des conventions collectives et des négociations. Souvent trop rigides aux yeux de certains syndiqués et des gens n’étant pas favorable aux syndicats, ces concepts tentent de faire évoluer la vision restrictive qu’ont les employeurs et les syndicats face à la portée des conventions collectives. Si plus d’une personne peut occuper un poste et remplir la fonction, pourquoi limiter le nombre d’individus pouvant effectuer le travail quand le titulaire est absent? Si on sait que nous aurons une période mouvementée ou bien si nous anticipons une baisse de la demande, pourquoi avoir des planchers ou des plafonds d’emploi?
Selon le rapport de la firme, la structure empêche des employés moins occupés d’aller soutenir d’autres secteurs. On estime aussi que les horaires de travail sont trop rigides. Ses experts y voient un assouplissement qui entraîne des coûts supplémentaires, car elle complique, voire empêche la remise en question des façons de faire.
En réaction à ce rapport, le syndicat des chauffeurs d’autobus et des opérateurs de métro de la STM, a dénoncé le fait que c’est encore sur le dos des travailleurs que se feront les coupes. Pour la présidente de la CSN, Caroline Senneville, faire des économies en misant sur la sous-traitance n’est pas une bonne façon de voir les choses. Elle soutient que l’on perdrait de l’expertise et on créerait des problèmes de coordination dans le réseau.
Mais de quelle expertise parle-t-on? Cette expertise, liée à faire 5 tours de boulon plutôt que 4 tours, doit rester d’actualité combien de temps? L’expertise d’une maintenance préventive ne peut-elle pas se transférer ou s’apprendre? Avons-nous vraiment besoin d’un postdoctorat pour comprendre qu’après un certain temps, avec un plan de formation précis et des outils adéquats, nous pouvons demander à quelqu’un d’autre d’effectuer le travail afin que nous puissions nous concentrer sur autre chose?
La sortie du rapport et la sortie de Geneviève Guilbault ne sont pas anodines puisque les négociations avec la STM viennent justement de s’ouvrir. La convention collective arrivera à échéance le 5 janvier prochain.
La ministre Guilbault a rappelé que les sociétés de transport sont des entités autonomes qui relèvent des municipalités. Or, depuis quelques années, les diverses sociétés de transport du Québec s’attendent à ce que le gouvernement éponge les déficits. Depuis la pandémie, c’est 2,4G$ que le gouvernement a octroyés pour assurer la continuité des services de transport collectif. Pour 2025, Québec a accepté de verser 200M$ supplémentaires aux municipalités en soutien aux déficits d’exploitation.
C’est dans ce contexte que Geneviève Guilbault appelle les syndicats à collaborer.
Ingérence étatique ou entrave aux activités syndicales?
Si les syndicats résistent à la collaboration, il y a fort à parier que la CAQ interviendra, inspirée par les recommandations de la firme, et ça ne sera pas la première fois que le gouvernement s’immisce dans les activités syndicales. Le gouvernement de la CAQ a une historique longue comme le bras avec les syndicats, et bien que les règles du jeu soient encadrées, le gouvernement se donne le droit d’intervenir.
La notion d’entrave se trouve à l’article 12 du Code du travail qui prévoit qu’aucun employeur ne cherchera d’aucune manière à dominer, entraver ou financer la formation ou les activités d’une association de salariés ni à y participer. L’article 53 alinéa 2 prévoit quant à lui que les négociations doivent commencer et se poursuivre avec diligence et bonne foi.
Dans une décision du Tribunal administratif du travail, le gouvernement de la CAQ a une fois de plus été reconnu coupable de négociation de mauvaise foi et d’entrave aux activités syndicales. Le TAT, dans son jugement rendu le 28 février 2024, imposait des dommages punitifs d’un total de 65 000$ aux organisations syndicales visées. Rappelons que le 15 décembre 2023, le gouvernement avait aussi été reconnu coupable d’entrave syndicale et de négociation de mauvaise foi en lien avec l’imposition de mesures COVID, imposant ainsi des dommages punitifs exemplaires pour un total de 315 000$.
Quelques jours plus tôt, soit le 7 décembre 2023, le Syndicat de professionnelles du gouvernement du Québec avait remporté une victoire éclatante contre Revenu Québec. En effet, le 30 novembre 2023, le TAT avait reconnu le fisc québécois coupable d’entrave aux activités syndicales, ainsi que d’avoir enfreint la liberté d’association. Par conséquent, le TAT ordonnait à Revenu-Québec de verser au syndicat 5000$ à titre de dommages moraux et 20 000$ à titre de dommages punitifs.
La pénurie de personnel dans le réseau québécois de la santé ne date pas d’hier. Dans ce contexte, les primes salariales de 15 000$ annoncées par le gouvernement du Québec en septembre 2021 ont pu sembler un bon moyen d’attirer et de retenir du personnel. Or, le 9 août 2022, le TAT avait conclu que le gouvernement avait contrevenu au Code du travail en annonçant ces mesures sans avoir négocié avec les syndicats.
Quand le gouvernement perd ou est débouté, il revient à la charge! Quand ce gouvernement antisyndical a une idée en tête, il s’arrange pour aller trouver des indéfectibles comme qui le supporteront.
Si le gouvernement a gain de cause, il justifiera ses interventions illégales comme justifiées, et s’il perd, c’est vous et moi qui payerons à même nos impôts les centaines de milliers de dollars qu’il doit débourser.
Geneviève Guilbault le sait!