Sa menace d'imposer des droits de douane de 10% sur certains produits inquiète. (Photo: La Presse canadienne)
EXPERT INVITÉ. Les États-Unis ont finalement élu Donald Trump à sa présidence. Depuis, un fort vent d’incertitude souffle sur l’économie canadienne et québécoise alors que bon nombre d’entreprises s’inquiètent de ses menaces d’imposer des droits de douane de 10% sur tous les produits importés en sol américain, peu importe le pays d’origine.
Cette menace est-elle réelle? Rien n’est moins sûr. D’abord, parce qu’il est possible qu’il ne puisse pas mettre en œuvre toutes les promesses de son agenda politique et économique. Mais aussi, parce que certaines mesures annoncées pendant sa campagne électorale auraient un effet mitigé sur notre économie. Si l’imposition de tarifs pouvait freiner les échanges commerciaux entre les deux pays, d’autres propositions devraient par ailleurs stimuler la croissance des deux côtés de la frontière.
Des droits de douane auraient sans aucun doute pour effet de perturber non seulement l’économie canadienne, mais aussi le commerce mondial. Les tarifs de 10% imposés au Canada pourraient toutefois s’avérer une stratégie américaine et ainsi faire l’objet de négociations, notamment dans l’optique de la renégociation de l’accord sur le libre-échange liant le Canada, les États-Unis et le Mexique, prévue en 2026. Rappelons-nous par ailleurs que la renégociation de 2018, survenue pendant le premier mandat de Donald Trump, n’avait pas modifié en profondeur l’entente originale signée en 1994 et avait eu très peu de répercussions sur l’économie canadienne et québécoise.
Réduction du PIB de 0,3%
Si la nouvelle administration américaine allait néanmoins de l’avant avec l’imposition de tarifs douaniers de 10%, cela entraînerait une réduction du PIB canadien de 7 milliards de dollars l’année, soit une baisse de 0,3% par rapport au scénario de base. Un tel recul de l’activité économique, qui se traduirait aussi par la perte d’environ 20 000 emplois au Canada, n’est donc pas si dramatique et inquiétant qu’il n’y paraît.
Bien sûr, certaines industries seraient plus touchées que d’autres. Certains secteurs d’activité pourraient toutefois bénéficier d’exceptions, en raison de l’étroite intégration de la chaîne d’approvisionnement entre les deux pays. Au cours de son premier mandat, Donald Trump n’avait pas imposé de droits de douane sur le commerce de l’énergie et il y a tout lieu de croire que ce secteur serait à nouveau épargné. Donald Trump avait d’ailleurs soutenu l’expansion de l’oléoduc Keystone XL, qui aurait permis d’acheminer davantage de pétrole brut de l’Ouest canadien vers les États-Unis.
Autre rappel: l’imposition par les États-Unis d’une surtaxe de 10% sur les importations d’aluminium et de 25% sur l’acier, pendant le premier séjour du nouveau président à la Maison-Blanche, avait certainement eu des conséquences sur ces industries, mais l’ensemble de l’économie canadienne s’en était toutefois très peu ressentie.
Il importe aussi de mettre certaines choses en perspectives. Il est vrai que les États-Unis accaparent plus de 70% des produits québécois et canadiens expédiés à l’international. Mais, soulignons qu’il n’y a seulement que 10% des entreprises au pays qui exportent. Donc, encore là, l’imposition de tarifs de 10% toucherait assurément des entreprises et des secteurs d’activité, mais l’effet sur l’ensemble de l’économie ne serait pas catastrophique.
Il importe aussi de mentionner que l’imposition de tarifs de 10% serait en partie compensée par la faiblesse du dollar canadien qui, déjà en chute libre depuis quelques mois, risque même de glisser sous le seuil des 70 cents.
Enfin, le gouvernement Trump prévoit d’importantes baisses d’impôts pour les travailleurs américains. Or, ces réductions entraîneraient donc une augmentation des dépenses de consommation, ce qui se traduirait par une croissance de l’activité économique aux États-Unis, laquelle viendrait du même coup soutenir nos exportations et notre croissance.
Voilà autant de raisons de croire que, malgré des inquiétudes bien légitimes, l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait ne pas avoir des effets économiques aussi néfastes qu’anticipés.