Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

Une chaîne d’approvisionnement plus durable

Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2024

Une chaîne d’approvisionnement plus durable

Le défi reste la visibilité sur l’ensemble de la chaîne, dans un contexte où les sous-traitants des entreprises ont eux-mêmes des fournisseurs étrangers. (Photo: Adobe Stock)

LOGISTIQUE ET APPROVISIONNEMENT. Que ce soit pour des raisons de conformité ou pour répondre aux attentes de leurs clients, les entreprises accordent plus d’importance à la durabilité de leur chaîne d’approvisionnement. Obtenir la visibilité nécessaire pour y arriver demeure un défi.

Les changements climatiques ont donné un coup d’accélérateur à la préoccupation des entreprises envers la durabilité de leur approvisionnement. Certaines juridictions, notamment l’Union européenne, adoptent des règles qui obligent les entreprises à divulguer les émissions de gaz à effet de serre (GES) de portée 3. Ces émissions se partagent entre celles qui sont émises par les fournisseurs et celles qui sont émises lors de l’utilisation des produits et services d’une entreprise. 

« Les attentes de déclaration des GES de portée 3 continuent d’augmenter, que ce soit de la part des gouvernements ou des grands donneurs d’ordre, explique Julie-Anne Chayer, vice-président responsabilité d’entreprise au Groupe AGÉCO. Dans la plupart des secteurs, c’est la plus grosse part des émissions de GES de l’entreprise. »

Agir sur les fournisseurs et les produits

La première étape pour répondre à ces attentes consiste à cartographier ses chaînes d’approvisionnement. Ensuite, on peut déterminer les meilleures stratégies pour décarboner la chaîne. « Il y a deux approches principales, résume Julie-Anne Chayer. On peut se concentrer sur les produits très carbonés, en diminuant les quantités ou en les troquant pour d’autres, ou on peut changer de fournisseurs ou travailler avec eux pour qu’ils réduisent leurs émissions dans leur processus. »

La durabilité de la chaîne ne concerne d’ailleurs pas que les émissions de GES. « Les appels d’offres et les contrats contiennent également de plus en plus de questions et de clauses au sujet de l’esclavagisme, du travail des enfants ou de la déforestation », souligne Antoine Grand’Maison, directeur de la firme de conseil GCL.

Depuis le 1er janvier 2024, une loi canadienne exige que certaines entreprises désignées publient les mesures qu’elles prennent pour réduire le risque de travail forcé ou de travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement. Les entreprises qui exportent doivent aussi se conformer à d’autres règlements, comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et le règlement contre la déforestation de l’Union européenne, ou le règlement américain contre le travail forcé des Ouïghours.

Le défi reste la visibilité sur l’ensemble de la chaîne, dans un contexte où les sous-traitants des entreprises ont eux-mêmes des fournisseurs étrangers. En Allemagne, on demande que les entreprises respectent certaines règles d’approvisionnement responsable pour leur fournisseur et le fournisseur de ce dernier. Mais si on ajoute un troisième fournisseur, les exigences tombent et on perd la visibilité.

« C’est difficile pour les entreprises de s’assurer de la conformité de toute la chaîne d’approvisionnement, surtout avec des fournisseurs étrangers, avance Antoine Grand’Maison. On peut aller les visiter, ou encore avoir recours à des audits, mais ne n’est pas très fréquent. »

Des outils pour aider

Les partenaires technologiques qui proposent des services d’automatisation et de gestion de l’approvisionnement peuvent aussi aider. L’entreprise française Esker, active dans plusieurs pays dont le Canada, offre notamment une suite « Source-to-Pay » intégrée qui aide à gérer les relations avec les fournisseurs. Ces outils contribuent à mesurer l’empreinte carbone des fournisseurs et de leurs différents produits.

Par exemple, Esker a récemment ajouté l’empreinte carbone des produits et le score environnemental des fournisseurs dans la fiche descriptive des produits, ce qui facilite la comparaison entre des articles similaires. Esker affiche en outre beaucoup d’informations au sujet de l’empreinte carbone sur les factures.

« Nous catégorisons les émissions de GES pour identifier celles qui relèvent de la portée 3, explique Catherine Dupuy-Holdich, cheffe de produit Source-to-Pay. C’est crucial, car elles représentent la grosse majorité des émissions de la plupart des entreprises et elles sont aussi les plus difficiles à évaluer en raison du manque de disponibilité de certaines données. »

Pour calculer l’équivalent carbone d’un article, Esker s’appuie soit sur les données rapportées par le fournisseur ou sur des bases de données, soit sur une estimation basée sur un ratio entre l’empreinte carbone de l’entreprise, son chiffre d’affaires total et le montant de la facture. « Le plus important, c’est de conserver le même système de mesure d’année en année, ce qui permet de constater la progression positive ou négative », précise la cheffe de produit.

De son côté, Julie-Anne Chayer estime que l’on vit actuellement une période de transition vers des bilans carbone plus précis, notamment par l’entremise d’audits et de suivis plus serrés. « La notion de qualité de la donnée émerge avec force en ce moment, et les entreprises doivent s’ajuster », explique-t-elle.