Il y a cinq ans, en 2018, Nétur prenait la décision de miser sur l’impression 3D pour améliorer sa compétitivité : elle a fait l’achat de trois imprimantes au coût de 1 million de dollars chacune. (Photo: courtoisie)
PRODUCTIVITÉ MANUFACTURIÈRE. Dans une industrie carburant aux technologies de pointe, la meilleure manière de rester au-devant de la concurrence est sans doute d’être à la fine pointe de la technologie. C’est du moins l’approche de Nétur, une entreprise qui développe et fabrique des pièces aérospatiales de haute précision.
Il y a cinq ans, en 2018, Nétur prenait la décision de miser sur l’impression 3D pour améliorer sa compétitivité : elle a fait l’achat de trois imprimantes au coût de 1 million de dollars chacune.
La réalisation du projet n’avait toutefois rien de simple. En effet, l’installation et l’utilisation de ces machines demandent une expertise particulièrement spécialisée. Pour avoir du soutien dans son initiative, l’entreprise de Saint-Hubert a donc fait appel à Mathieu Brochu, un professeur de l’Université McGill spécialisé en ingénierie des matériaux. C’est lui qui dirige le Laboratory for Powder Processing and Additive Manufacturing of Advanced Materials, du Département de génie des mines et des matériaux de McGill.
« Lui et son équipe nous aident depuis le début à mieux maîtriser l’impression 3D », dit Stéphane Turcotte, président de Nétur. « Ils nous aident par exemple sur le plan de la métallurgie, de l’ajustement des paramètres d’impression, et aussi de la conformité des matériaux en ce qui a trait à leur porosité. »
Continuer d’innover
Dans le domaine de l’aéronautique, les grands donneurs d’ordre exigent de leurs fournisseurs qu’une imprimante soit consacrée à un seul matériau. Dans le cas de Nétur, la première imprimante fabrique donc des pièces en aluminium, et les deux autres, en Inconel, un alliage à forte teneur en nickel, chrome ou cobalt.
L’entreprise a cependant dû laisser passer plusieurs appels d’offres parce qu’elle ne pouvait pas imprimer de pièces en titane. Par conséquent, Nétur prévoit faire l’acquisition d’une quatrième imprimante 3D d’ici la fin de 2024.
« Notre prochaine imprimante sera consacrée entièrement au titane parce qu’il y a actuellement une grande demande des motoristes pour des pièces fabriquées avec ce métal », explique Stéphane Turcotte. Son entreprise vient également de lancer deux autres projets pour améliorer sa productivité. Le premier sera réalisé avec le Digifab QG, un centre d’expertise industrielle basé à Longueuil, et visera à améliorer le flux des opérateurs sur ses différentes machines de fabrication.
Le second durera 18 mois, sera réalisé avec l’équipe de Mathieu Brochu, et visera à accélérer la fabrication des pièces. « L’impression métallique reste un procédé assez lent, alors on veut être plus rapides pour être encore plus compétitifs. »
Des projets qui rapportent
De quelles retombées concrètes Nétur a-t-elle bénéficié jusqu’ici de son adoption de l’impression 3D ?
Comme l’impression 3D est un processus additif et non soustractif, comme l’usinage, le premier avantage consiste en des économies sur les différents matériaux utilisés dans la fabrication de pièces. « On frise les 20 % de réduction sur le plan de la quantité de métal utilisé », chiffre Stéphane Turcotte, un avantage important en ce qui a trait aux coûts.
Le président note cependant qu’il y a aussi des avantages sur le plan de l’approvisionnement étant donné que son fournisseur de poudre métallique est un joueur québécois. « On est très proche de notre chaîne d’approvisionnement », dit Stéphane Turcotte. Dans un contexte où les prix de l’Inconel, provenant surtout des États-Unis, et du titane, de Russie, ont fluctué beaucoup dans les derniers mois, Nétur est aussi un peu plus à l’abri des variations de prix.
Grâce à tous ces investissements en impression 3D de même qu’à la possibilité de produire des pièces en différents matériaux, le président estime que son entreprise sera mieux placée pour aller décrocher de nouveaux clients et faire sa place dans de nouveaux segments de marché.
« Toutes industries confondues, nous sommes cinq ou six entreprises au Québec à faire usage des technologies que l’on utilise, et deux seulement en aéronautique », relève Stéphane Turcotte.
Selon lui, si cette exclusivité lui confère un avantage concurrentiel, le défi correspondant est celui de la main-d’œuvre. « C’est une expertise pointue, alors on a besoin de diplômés de niveau maîtrise, ou postdoctorat, dit-il. Ce serait bien d’avoir une technique en génie mécanique dans ce domaine, mais pour l’instant, j’imagine qu’il y a peu de demandes. »
Quant aux politiques américaines, Stéphane Turcotte n’est pas inquiet d’une mesure législative en particulier, mais il admet que le discours protectionniste des différents gouvernements au pouvoir depuis quelques années est parfois source de préoccupations.
« On se demande si certains de nos clients, comme GE Aviation ou Pratt & Whitney, aux États-Unis, pourraient être amenés à préférer des fournisseurs au sein de leurs frontières », dit-il.
Quoiqu’il en soit, le président demeure en mode solution.
« On cherche à faire une acquisition en sol américain d’ici un an, explique Stéphane Turcotte. C’est encore embryonnaire, mais on a une cible en Arizona et une autre en Nouvelle-Angleterre. Ce faisant, on espère garder de bonnes relations avec nos voisins. »