Le testament permet de garder un contrôle sur ses actifs au bénéfice de ses héritiers. (Photo: Aaron Burden pour Unsplash)
MARCHÉ DES AÎNÉS. L’un des principaux défis des personnes de 65 ans et plus consiste « à mettre leur testament et leur plan successoral à jour », a constaté l’Agence de la consommation en matière financière du Canada à la suite de son Enquête canadienne sur les capacités financières (ECCF) de 2019.
Cette enquête quinquennale indique en effet que 53 % des répondants aînés n’ont pas mis à jour leur testament au cours des cinq dernières années. Il s’agit d’une situation jugée inquiétante par l’Agence, « puisque ces documents pourraient ne plus refléter leurs volontés ».
« Le testament, c’est pourtant notre dernière occasion de faire respecter nos intentions, alors pourquoi ne pas la saisir et en faire le meilleur usage ? », se questionne Audrey Lapointe, vice-présidente et directrice régionale des services fiduciaires pour le Québec et l’Atlantique à BMO Gestion privée / Société de fiducie BMO.
Elle est d’avis qu’il faut relire son testament plus régulièrement à mesure que l’on avance en âge, ainsi que chaque fois que des changements importants surviennent – une séparation, un décès ou un proche qui développe des besoins particuliers, par exemple.
Le testament permet de garder un contrôle sur ses actifs au bénéfice de ses héritiers, rappelle celle qui est aussi notaire. « Dans le cas où l’on désigne un enfant mineur, le testament peut inclure une clause d’administration prolongée qui permet d’étendre les versements au-delà de la majorité, que ce soit jusqu’à 21 ou 25 ans », cite-t-elle.
La directrice évoque aussi la possibilité de créer une fiducie à même le testament, que ce soit « au bénéfice de ses enfants, de son frère qui a des problèmes intellectuels ou de consommation et que je veux protéger, ou encore pour son conjoint ».
La fiducie testamentaire possède son propre patrimoine désigné, à l’écart des autres actifs compris dans le testament. « Le Code civil du Québec permet à une personne de créer un “patrimoine d’affectation” autonome et distinct du sien, qui est reconnu comme un contribuable aux fins fiscales », précise l’Institut québécois de planification financière (IQPF).
La fiducie testamentaire détaille non seulement qui seront les bénéficiaires de ce patrimoine, mais également la manière dont il sera distribué et à quelles conditions, dont la dévolution du patrimoine sur plus d’une génération, « puisqu’il est possible de prévoir qui deviendra bénéficiaire de la fiducie après le décès des bénéficiaires initiaux », note l’IQPF.
Être accompagné… et transparent
Au moment de faire son testament, Audrey Lapointe suggère de rechercher un professionnel – notaire ou avocat – qui sera prêt à effectuer un bilan et à étudier sa situation, plutôt qu’un professionnel qui offrira un service « standard » sans poser trop de questions.
« On veut qu’il y ait une conversation afin d’obtenir des conseils appropriés, surtout si notre situation est complexe en raison de la taille de notre actif ou parce que l’on est entrepreneur, fait-elle valoir. Il est important de trouver un professionnel qui convienne à nos valeurs et à nos besoins. »
Le testateur devrait aussi s’assurer de mettre en ordre toute sa documentation et de la tenir à jour, par exemple la convention entre actionnaires. Le soutien d’un professionnel de confiance, comme un fiscaliste, peut alors être utile. « Bien qu’ils soient conscients des conséquences financières et fiscales pour les héritiers et les partenaires d’affaires, certains clients, par inertie ou parce qu’ils ont des biais comportementaux qui les amènent à maintenir le statu quo, négligent de mettre à jour leur documentation », constate Martin Dupras, fiscaliste, planificateur financier et propriétaire de ConFor financiers inc.
La convention entre actionnaires, couplée d’une clause de rachat d’actions, peut pourtant contribuer à assurer une transition en douceur de la propriété de l’entreprise. Selon la formule, le rachat d’actions est souvent effectué par l’entremise du produit de la police d’assurance vie de l’actionnaire décédé.
Mettre son testament à jour permet aussi de repenser à son choix de liquidateur. « Il faut bien évaluer les raisons qui motivent notre choix, car cette personne sera chargée de régler l’ensemble des détails de notre succession », rappelle Audrey Lapointe, qui agit à titre de liquidatrice testamentaire dans le cadre de dossiers où des clients ont nommé la Société de fiducie BMO à ce titre.
La notaire estime qu’une fois le choix arrêté, le testateur devrait en parler avec son liquidateur potentiel, afin de voir avec lui s’il se sent capable d’assumer cette tâche. Peut-être celui-ci ne voudra-t-il pas s’engager ou souhaitera-t-il recevoir de l’aide. Il est alors possible de nommer un coliquidateur ou de charger un professionnel de l’accompagner en amont et le moment venu.
Finalement, Audrey Lapointe est d’avis qu’il faut se montrer très transparent avec ses proches quant à nos intentions testamentaires, notamment si l’on prévoit des clauses particulières susceptibles d’avantager un héritier aux dépens d’un autre. « Les raisons peuvent être multiples et parfois très personnelles. Avoir une discussion à l’avance avec les personnes concernées peut certainement prévenir des différends, qui surviendraient au moment où ces personnes ont un deuil à vivre », explique-t-elle.