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Contrer les tentatives de fraude envers les aînés

Richard Cloutier|Édition de la mi‑mai 2021

Contrer les tentatives de fraude envers les aînés

L'hameçonnage est une tactique de fraude par courriels ou messages texte qui vise souvent les aînés. (Photo: 123RF)

MARCHÉ DES AÎNÉS. Un peu moins de 11 000 aînés ont été victimes de maltraitance matérielle ou financière en 2019, selon les estimations établies par la plus récente Enquête sur la maltraitance envers les personnes aînées publiée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) en octobre dernier; ce qui représente proportionnellement 0,8% des 8 860 répondants. «Aucun écart significatif selon le sexe ou selon le groupe d’âge n’a été observé», note l’ISQ.

Les exemples de maltraitance matérielle ou financière envers cette tranche de la population sont nombreux: faire des pressions pour modifier un testament, réaliser des transactions bancaires sans consentement, détourner des fonds ou des biens, demander un prix excessif pour des services rendus, usurper l’identité, gérer les biens dans le non-respect des intérêts de la personne, refuser ou négliger de lui fournir les biens nécessaires, de même qu’ignorer l’aptitude d’une personne à bien comprendre sa situation financière, a par exemple énuméré le gouvernement du Québec, en marge de son plus récent Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a quant à elle soulevé trois fraudes courantes ciblant les aînés. 

D’abord, la fraude par affinité, qui consiste à se faire recommander un investissement par un membre d’un groupe auquel on appartient. «Les associations de loisirs, les résidences pour aînés et les lieux de culte constituent des endroits de prédilection pour certains fraudeurs, qui viennent y tisser des liens avec des victimes potentielles», illustre l’AMF.

Le stratagème du «proche en détresse», aussi appelé «fraude des grands-parents», consiste quant à lui à soutirer de l’argent en se faisant passer pour un proche. Au cours d’un appel téléphonique ou par un message sur les réseaux sociaux, le fraudeur s’identifie comme un proche, souvent un petit-enfant, et affirme être en détresse avant de demander qu’on lui transfère de l’argent rapidement.

Le troisième scénario est l’hameçonnage, qui implique la réception de courriels ou de messages textes qui ressemblent à ceux que pourraient expédier des entreprises, des institutions financières et des organismes gouvernementaux. Ces messages ont pour seul but de soutirer des renseignements personnels et financiers confidentiels, comme un numéro de carte de crédit, d’identification personnelle ou d’assurance sociale. «Avec ces informations, les fraudeurs peuvent agir rapidement et extorquer des sommes importantes à leurs victimes», met en garde l’AMF.

La pandémie a d’ailleurs «offert un contexte particulièrement propice à la sollicitation et aux offres frauduleuses», constate Sylvain Théberge, directeur des relations médias à la Direction des affaires publiques et des communications de l’AMF.

 

Vigilance et prévention

Le professionnel de l’industrie financière peut toutefois se révéler «un témoin de première ligne quand il s’agit de détecter les situations de vulnérabilité et d’abus financiers potentiels à l’égard des personnes âgées», fait valoir la Chambre de la sécurité financière (CSF).

«Le conseiller doit davantage s’assurer de la protection de ses clients âgés, c’est-à-dire veiller à ce que leurs avoirs soient bien gérés et sécurisés, leur transmettre avec un soin particulier les renseignements nécessaires selon leurs besoins, vérifier leur compréhension et mettre leur dossier à jour plus fréquemment», rappelle d’ailleurs l’InfoDéonto de la CSF. 

Gaétan Veillette, planificateur financier à IG Gestion de patrimoine, partage cet avis. Il précise que les signaux de risques d’abus peuvent être de diverses natures. Les signes d’abus peuvent paraître clairs — comme «lorsque l’aîné demande de faire des retraits inhabituels qui semblent déraisonnables ou lorsque des proches lui proposent des choix déraisonnables à son égard» —, mais ce n’est pas toujours le cas. 

Il évoque des situations à première vue légitimes, mais dont les motivations méritent d’être plus amplement analysées. Parfois, les proches de l’aîné souhaiteraient libérer son appartement au moment qui leur convient ou alors favorisent, par leurs actions, un abus de soins, de diagnostics et d’approches thérapeutiques. «Il peut s’agir aussi d’abus de qualité de vie, au point d’épuiser le patrimoine de l’aîné», ajoute-t-il.

L’AMF a développé plusieurs initiatives à l’intention des professionnels du secteur financier au cours des dernières années afin d’orienter et de soutenir les professionnels à cet égard. C’est le cas de Protéger un client en situation de vulnérabilité. Guide pratique pour l’industrie des services financiers, publié en 2019, et de l’aide-mémoire Repérer une situation de maltraitance financière, publié l’année suivante. 

Sylvain Théberge souligne que le guide pratique «a été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme», parce qu’il «répondait à un réel besoin».

Les régulateurs du secteur financier accentuent d’ailleurs leurs démarches afin de prévenir les risques de maltraitance et d’abus financiers envers les aînés. Ainsi, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM), dont l’AMF est partie prenante, ont annoncé la publication, prévue pour le début de l’été, des modifications réglementaires qui rehausseront la protection des clients âgés et vulnérables dans l’ensemble du Canada.

Cette démarche se traduira par des outils et des indications utiles pour les professionnels du secteur financier, afin qu’ils puissent mieux «faire face aux éventuelles situations d’exploitation financière ou de diminution des facultés mentales chez leurs clients âgés ou vulnérables», résument les ACVM.