Charles Deguire président et cofondateur de Kinova: « L’impression 3D n’est pas LA solution, mais c’est un des éléments de la solution pour augmenter la relocalisation de la production.» (Photo: courtoisie)
MATÉRIAUX AVANCÉS. C’est l’une des belles histoires positives qui apportent un peu de contraste à cette sombre crise. Le 20 mars dernier, un groupe Facebook et un site web intitulés Covid 3D QC sont créés afin de rassembler les propriétaires d’imprimantes 3D de la province. L’objectif de cette initiative sans but lucratif est de produire du matériel de sécurité, notamment médical, et donc d’éviter les risques de pénurie. «Il y avait tellement d’imprimantes 3D au Québec qui ne servaient pas. Nous étions une usine qui dormait», indique Marc-Olivier Girard, un des initiateurs du mouvement.
Résultats ? Plus de 65 000 équipements, comme des visières de protection, ont depuis été produits et distribués par 500 imprimeurs, en majorité des particuliers. Des chiffres qui ne surprennent qu’à moitié cet ingénieur de formation : «Cette technologie se base beaucoup sur une mentalité collaborative, avec une communauté très généreuse de son savoir.»
À Montréal, l’entreprise Fablab, spécialisée dans les services d’impression 3D, a elle aussi été appelée en renfort pour faire face aux besoins soudains de visières, alors que la chaîne d’approvisionnement mondiale était sous tension, au plus fort de la crise. «On s’est servis du fichier d’un modèle suédois. Et avec notre imprimante SLS («Selective Laser Sintering» ou «frittage sélectif par laser»), nous avons réussi à les rendre nettoyables et désinfectables, donc réutilisables», se félicite Vincent Charlebois, son gestionnaire de production.
La firme a ainsi honoré près de 2 000 commandes de visières, notamment auprès d’hôpitaux. «Cela confirme tout le potentiel de la fabrication additive ; on peut tout produire rapidement, ajoute-t-il. En plus, c’était très valorisant comme travail.» Partout dans le monde, la crise de la COVID-19 a mis en lumière les attraits de cette technologie.
Aider nos chaînes d’approvisionnement
La pandémie a cependant aussi eu un autre effet, plus global et durable. «On s’est rendu compte à quel point nos chaînes d’approvisionnement, basées sur l’optimisation des coûts dans le monde, étaient vulnérables en cas d’entrave du commerce, explique René Poirier, économiste et analyste principal au sein d’Innovation, sciences et développement économique Canada. Or, c’est le sixième avertissement d’urgence sanitaire de l’Organisation mondiale de la santé en 15 ans. Ce n’est donc pas juste anecdotique et cela montre l’importance d’avoir des chaînes plus souples, flexibles et locales.»
Pour lui, la fabrication additive est justement un procédé particulièrement intéressant pour donner une plus grande autonomie d’approvisionnement à un pays ou à une région. «Cela réduit en effet le nombre d’intermédiaires et d’éléments à fabriquer, étant donné que tu peux simplifier le concept d’une pièce pour en diminuer les composantes.»
«Partout où l’approvisionnement est difficile, la fabrication additive montre toute sa pertinence, car les volumes de production sont petits», ajoute Éric Baril, directeur général du Centre de recherche sur l’automobile et les transports de surface du Conseil national de recherche Canada.
Limites repoussées
«Ce n’est pas non plus la panacée qui va résoudre tous les problèmes», nuance Alexandre Bois-Brochu, chargé de projets R-D au Centre de métallurgie du Québec. La principale limite est évidemment la rentabilité de la technologie au-delà d’un certain volume de production.
«En fait, l’impression 3D n’est pas LA solution, mais c’est un des éléments de la solution pour augmenter la relocalisation de la production, au même titre que toutes les technologies de l’industrie 4.0, comme la numérisation, la robotisation ou l’automatisation», résume Charles Deguire, président et cofondateur de Kinova, un développeur et fabricant de robots basé à Boisbriand.