Geneviève Boulanger: «Empathie et authenticité sont la solution!»
Olivier Schmouker|Publié le 29 février 2024Geneviève Boulanger est la nouvelle présidente du bureau montréalais de l'agence créative Sid Lee. (Photo: courtoisie Sid Lee)
Adolescente, Geneviève Boulanger rêvait d’être journaliste. Il lui arrivait, dans le salon familial, de s’entraîner à dire «Ici Geneviève Boulanger. Radio-Canada. Montréal», sur tous les tons possibles et imaginables. Ce métier l’émerveillait car il lui aurait permis, explique-t-elle, de «comprendre et éclairer les autres» afin de les aider à «prendre de bonnes décisions» dans leur quotidien.
Aujourd’hui, elle accède au poste de présidente de l’agence créative Sid Lee à Montréal. «Et je réalise que c’est exactement le poste qui peut me permettre de réaliser mon rêve», dit-elle. Car il lui permet de «comprendre, soutenir et conseiller» à la fois les artisans et les clients de l’agence, et donc, d’aider chacun à exprimer son plein potentiel et à atteindre ses objectifs.
Rencontre avec Geneviève Boulanger, qui est entrée il y a six ans au bureau montréalais de Sid Lee en tant que directrice de comptes et qui en est à présent la présidente.
LES AFFAIRES: Quelle est la toute première mesure que vous avez prise ce jour de janvier dernier où vous avez occupé le poste de présidente?
GENEVIÈVE BOULANGER: J’ai pris la parole devant les quelque 300 artisans de Sid Lee à Montréal. Je leur ai dit ce que j’avais dans le cœur et dans la tête. Que je tenais à ce que nous conservions notre attitude fondatrice qui consiste à briser les codes et les normes de notre industrie, à plus forte raison en cette période de fortes turbulences socioéconomiques, lesquelles ont souvent pour conséquence immédiate de pousser à la retenue et à la prudence. Et que j’allais veiller à ce que chacun puisse briller dans le cadre de son travail, car c’est ainsi que nous pourrons avancer et progresser tous ensemble.
L.A.: Martin Gauthier, le PDG de Sid Lee, Canada, dit que vous devez votre nomination à votre esprit de leader. Quelle est votre plus grande qualité en matière de leadership?
G.B.: Je suis empathique et authentique. J’accorde une grande importance aux relations humaines. J’aime aider les gens à prendre des décisions difficiles, les accompagner dans un cheminement complexe.
Ma mère m’a récemment fait une belle confidence: «T’étais toute petite, tu voulais déjà comprendre l’autre», m’a-t-elle dit, avec une pointe de fierté dans la voix. Ça m’a fait réaliser que c’était une constante dans ma vie professionnelle. D’ailleurs, je suis tombée cette année sur les petits mots gentils qu’avaient rédigé d’anciens collègues à mon attention, notamment à une époque où j’étais cliente de Sid Lee, et déjà ils soulignaient combien ils me trouvaient “humaine”, “empathique”, “authentique”.
L.A.: En quoi ces qualités peuvent-elles se révéler bénéfiques pour Sid Lee?
G.B.: Notre priorité numéro 1, c’est la créativité. C’est de trouver et de concrétiser des idées porteuses, c’est-à-dire des idées permettant à nos clients d’afficher les résultats d’affaires voulus. Ces idées porteuses sont le nerf de la guerre.
J’aime utiliser l’image du pendule pour bien me faire comprendre à ce sujet. Tantôt, le pendule balance du côté où les clients ne veulent pas prendre de risques et se contentent de résultats prévisibles. Tantôt, il balance de l’autre côté, où les clients sont prêts à prendre des risques afin de se mettre en situation de faire un grand coup.
Pour trouver le bon dosage du balancement du pendule, il faut être à l’écoute des artisans comme des clients. Cette écoute doit être parfaite pour pouvoir viser juste. Et des qualités comme l’empathie et l’authenticité sont, je pense, la solution à ce problème souvent épineux.
L.A.: Concrètement, ça donne quoi?
G.B.: Nous veillons sans cesse à stimuler la curiosité des artisans de Sid Lee. Par exemple, nous encourageons chacun à partager ses trouvailles avec les autres, qu’il s’agisse d’une nouvelle trend sur TikTok, ou bien d’une nouvelle avancée en matière d’intelligence artificielle. Autre exemple: le programme Sid Lee Collective offre la possibilité de consacrer jusqu’à 10% de son temps de travail à un projet personnel.
Côté client, nous invitons au dialogue, à la collaboration la plus étroite qui soit. Mon but ultime, c’est que le client se sente suffisamment à l’aise avec nous pour nous confier, avant même le brief [réunion préparatoire d’un projet ou d’un mandat], ses inquiétudes profondes, ses défis secrets. Car c’est le meilleur moyen de répondre à ses attentes, voire de carrément les dépasser.
Un exemple frappant est celui d’Héma-Québec pour qui nous venons de concocter une campagne atypique, après avoir jasé en profondeur avec eux. L’un de leurs grands défis, c’est de trouver des donneurs réguliers de plasma sanguin. Nous avons eu l’idée de cibler la communauté des gens d’affaires – très influente – par l’entremise de posts LinkedIn dans lesquels des personnes volontaires indiqueraient à tout le monde qu’elles avaient déniché un nouvel “emploi”, celui de donneur de plasma sanguin. Ça a eu un succès fou! Des personnalités ont embarqué d’elles-mêmes dans le mouvement, à l’image notamment de Ricardo. Si nous avions entrepris une campagne classique (message télévisé, affichage, etc.), ça n’aurait pas donné grand-chose.
L.A.: Parfait, mais comment expliquez-vous qu’au cours des trois derniers festivals de Cannes, qui récompensent la créativité des agences du monde entier, Sid Lee n’ait remporté qu’un seul Lion, en bronze?
G.B.: Depuis la pandémie, le pendule a une furieuse tendance à balancer du côté de la prise de risque minimale, dans l’optique d’obtenir des résultats prévisibles. Les clients redoublent de prudence. Et les budgets sont plus serrés qu’auparavant.
Mais c’est en train de repartir! Les gens recommencent à se dire que pour gagner, il faut prendre certains risques, il faut oser innover, faire les choses autrement, se démarquer franchement de la concurrence. Ils saisissent qu’à force de faire tout le temps la même chose, on récolte toujours la même chose.
Par ailleurs, permettez-moi de vous indiquer qu’il n’y a pas que Cannes qui permette de rayonner. En 2023, Sid Lee a tout de même décroché pas moins de 104 prix et distinctions au Canada.
L.A.: Il y a presque 10 ans, Sid Lee a été achetée par le japonais Kyu. Qu’est-ce que ça a changé pour le bureau montréalais de Sid Lee?
G.B.: Ça a surtout décuplé notre champ d’expertise, car Kyu regroupe des agences complémentaires, comme IDEO (design thinking), BIMM (CRM) et Kepler (data). Par exemple, BEworks est spécialisée dans l’économie comportementale, et ça nous est d’un grand secours que de pouvoir faire appel à eux dans le cadre de recherches spécifiques pour certains clients.
Mais pas d’inquiétude à avoir, nos racines sont profondément fichées dans le sol québécois, et ça ne changera pas. À Montréal, nous sommes toujours la maison-mère de Sid Lee. Nos marchés sont l’Amérique du Nord et l’Europe. Nous tenons plus que jamais à réaliser nos campagnes ici même, pour des clients d’ici et d’ailleurs.
Notre devise est «Grands cœurs, grandes idées». Nous lui resterons fidèles, et veillerons toujours à la communiquer à chacun de nos clients.
À partir du moment où on a le cœur et la curiosité à la bonne place, on peut rendre de fiers services à ses clients.
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Outre la nomination de Geneviève Boulanger au poste de présidente de son bureau montréalais, l’agence créative Sid Lee dévoile aujourd’hui même l’arrivée de Zemina Moosa au poste de présidente du bureau de Toronto. «Ces changements stratégiques soulignent l’engagement de l’agence à façonner une nouvelle génération de dirigeants au Canada», est-il indiqué par voie de communiqué. Arrivée chez Sid Lee en 2019, Zemina Moosa «se démarque par sa proactivité et n’hésite jamais à plonger au cœur de l’action», souligne Martin Gauthier, le PDG de Sid Lee, Canada. Sid Lee compte aujourd’hui 300 employés à Montréal, 100 à Toronto et 200 ailleurs dans le monde. Parmi ses clients figurent notamment les Canadiens de Montréal, Belairdirect, Air Transat, IGA, Rona et Netflix.