«L’empathie ce n’est pas à sens unique. Ce n’est pas une affaire de gestionnaire», écrit Geneviève Desmarais. (Photo: 123RF)
EXPERTE INVITÉE. Empathiques, les patrons? La réponse est loin d’être la même selon à qui on pose la question.
Lors de ma lecture d’un récent article publié sur le site de la revue Gestion de HEC Montréal, cette citation de la professeure adjointe à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal à propos de ce phénomène m’a particulièrement interpellé.
«Si vous demandez aux dirigeants d’entreprise ou à des managers s’ils font preuve d’empathie, huit sur dix vont vous dire “oui”. Si vous demandez aux employés s’ils sont dans une organisation qui a une culture de l’empathie ou si leur manager est empathique, ils ne sont plus que trois sur dix à répondre par l’affirmative.»
Quelle est donc la source de ce décalage entre l’opinion des gestionnaires et celle de leurs équipes?
Je suis d’accord avec plusieurs des raisons mentionnées dans l’article. Les gestionnaires en ont beaucoup à gérer et dédient sûrement moins de temps à chacun des membres de leur équipe. Je crois également qu’on distingue difficilement l’empathie de la sympathie, et que les gestionnaires doivent apprendre à adopter une posture d’écoute et d’accueil, et surtout, qu’ils doivent donner l’exemple.
Ouf. Ne trouvez-vous pas que ça en fait beaucoup sur les épaules des gestionnaires? Encore, oserai-je même ajouter.
À vrai dire, je suis contre le fait de parler de «leadership empathique». J’en ai marre que tout doive venir d’en haut. L’empathie n’a rien à voir avec le leadership. Il s’agit d’une qualité humaine. Point. Si on veut faire de la sémantique, on peut également parler de faculté ou de compétence humaine qu’on peut développer ou améliorer, mais là n’est pas mon point.
L’empathie ce n’est pas à sens unique. Ce n’est pas une affaire de gestionnaire. En mon sens, beaucoup d’éducation reste à faire de ce côté. L’empathie se cultive à tous les niveaux pour que tous en bénéficient. Je préfère promouvoir une culture qui favorise l’empathie que d’en faire une affaire de leadership.
Développer (et surtout démystifier) l’empathie chez les employés les amènera à avoir une perspective bien différente de la question à savoir si la culture de leur organisation ou leur manager est empathique. À la base, il faut comprendre ce que c’est que l’empathie puisque ce n’est rien d’autre que la faculté à s’identifier à autrui, à ressentir les sentiments de l’autre.
En tant qu’employé, on retourne rapidement sa cape lorsqu’un gestionnaire prend une décision ou affirme ses attentes envers ses troupes. Tout devient un manque d’empathie alors qu’il faut distinguer les actions de l’attribut humain.
Mon gestionnaire a fait un rappel au niveau des horaires. Il manque d’empathie envers ceux qui doivent déposer leurs enfants à la garderie.
Il a géré une situation avec une employée et lui a remis une lettre d’attente. Il manque d’empathie pour elle.
Il a refusé la demande de congé de ma collègue monoparentale. Il manque d’empathie à son égard.
Il a arrêté le projet qui nous tenait tous à cœur faute de budget. Il manque d’empathie pour ce qui compte vraiment pour nous.
Arrêtons ces raccourcis! Le manque d’empathie des gestionnaires a le dos bien large si on se fit aux employés. C’est bien souvent tout et n’importe quoi à la fois.
Cessons d’associer l’empathie à la gestion et agissons tous, comme humains, à développer notre capacité à comprendre l’autre et ses sentiments, ceux de nos gestionnaires y compris!