Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires
Géraldine Martin

Terre à terre

Géraldine Martin

Expert(e) invité(e)

Des entrepreneurs en série, on en veut davantage!

Géraldine Martin|Publié à 14h00 | Mis à jour il y a 59 minutes

Des entrepreneurs en série, on en veut davantage!

Audrey Boisvert ne devrait pas douter: elle est une entrepreneure. (Photo: courtoisie)

EXPERTE INVITÉE. J’ai réalisé de nombreuses entrevues dans ma carrière. Parfois, tu sais un peu à l’avance ce que va dire la personne en face de toi. Parfois, pas du tout et c’est la surprise totale. C’est un peu ce qui m’est arrivée avec Audrey Boisvert. Je partais avec l’idée de l’interroger en tant que cofondatrice chez Muclitech, une jeune pousse techno verte montréalaise qui rêve de développer l’autonomie alimentaire du Québec en offrant le climat désiré dans une serre. J’y reviendrai.

Rapidement, je comprends ce qui anime Audrey: «J’ai toujours été passionnée par les projets environnementaux, explique-t-elle d’emblée. Je me suis impliquée dès le Cégep en organisant des conférences sur le sujet.»

Après avoir obtenu un baccalauréat en travail social, Audrey décide de s’installer en Gaspésie pour y fonder rien de moins qu’une Coop d’habitation et une ferme maraîchère biologique. «C’était quand même gros. Nous avions six employés à temps plein et 100 bénévoles par an à gérer.» Audrey a tout développé. «J’ai mis les mains dans la gestion, l’administration, le marketing…», explique-t-elle. Croyez-le ou pas, à cette époque, elle n’était pas certaine qu’elle était entrepreneure.

Aussi, en 2020, elle décide de faire un MBA (Master of Business Administration). Son idée était de mieux s’outiller pour éventuellement gérer d’autres entreprises. «J’avais le goût de prendre tous les trucs que j’ai faits de manière pratico-pratique, et d’aller chercher la théorie.» Elle a adoré son expérience, mais a trouvé cela difficile: «Je suis arrivée avec beaucoup de confiance en moi; et je suis repartie avec beaucoup moins de confiance en moi!» dit-elle en riant. Bref, elle avait encore beaucoup à apprendre.

En lançant le frisbee

Cela dit, elle a trouvé l’expérience très utile d’autant plus que c’est à cette époque qu’elle fait la connaissance de Jason Lesiège, qui est l’autre cofondateur de Muclitech. L’histoire de leur rencontre est amusante. Justine, l’une des sœurs d’Audrey, jouait au frisbee avec des amis lorsque l’un des joueurs — Jason — a demandé à la volée: est-ce que quelqu’un connait quelqu’un qui aime la gestion et l’agriculture?» Évidemment, Justine a pensé à sa sœur.

Audrey s’est ainsi retrouvée à cofonder Muclitech. Elle voyait là l’occasion de réaliser un rêve, celui d’amener l’agriculture plus proche des gens. Jason, qui a un double baccalauréat en ingénierie, est également passionné d’agriculture. En 2018, il a développé de A à Z un système de serre verticale pour nul autre que Liliane Colpron, la fondatrice des boulangeries Première Moisson.

Depuis, il a peaufiné sa technologie qui permet littéralement de créer dans une serre un climat sur mesure. Comment? En jouant principalement avec deux variables: la température et l’humidité.

Le développement technologique a nécessité un financement de 3M$. Aujourd’hui, le projet est prêt pour la commercialisation et une nouvelle ronde de financement. Pour cela, la jeune pousse qui compte neuf employés, a décidé d’embaucher… un PDG. «Il est arrivé il y a deux semaines», m’explique Audrey tout sourire. J’ai trouvé ce point fort intéressant. Après de nombreuses discussions, Audrey et Jason sont arrivés à la conclusion de devoir aller chercher à l’externe quelqu’un de plus expérimenté. C’est tout à leur honneur. Combien de fondateurs et de fondatrices d’entreprises persistent à rester PDG alors que leurs forces sont ailleurs? Savoir prendre du recul et reconnaître ses forces et ses faiblesses est une clé du succès.

Et du succès, Audrey peut se targuer d’en avoir eu. En poursuivant la discussion avec elle, je me rends compte qu’elle avait aussi fondé en Gaspésie une entreprise de semences et que la ferme (Les Potagers Partagés) et la Coopérative d’habitation (Le Manoir du Chapeau Vert) existent encore. «Je suis tellement fière de les avoir bâties, fondées, gérées et transférées!», s’exclame-t-elle.

Je vous le dis, Audrey n’est pas prête de s’arrêter. Audrey a une autre sœur, Stéphanie. Sauf que Stéphanie, 35 ans, a reçu un diagnostic de Parkinson précoce il y a trois ans. Avec force et résilience, les deux sœurs ont décidé de lancer un projet entrepreneurial en lien avec leur amour profond pour les fleurs et le besoin de Stéphanie de trouver une solution de jardinage qui lui permettra de poursuivre sa passion même dans les phases avancées de la maladie. L’idée est simple et belle: il s’agit de vendre des semences que l’on peut lancer directement dans la terre plutôt que de faire ses propres semis qui nécessitent de pouvoir attraper avec précision de petites graines. L’entreprise porte le joli nom suivant: «Les Parsemées».

Audrey qui a 37 ans aujourd’hui ne devrait pas douter: elle est une entrepreneure. Plus que cela, elle est une entrepreneure d’impact, qui a à cœur l’environnement et le bien-être. «Je pense que j’aime ça, finit-elle par me dire timidement. Cela me nourrit. C’est comme cela que je peux contribuer à la société.»

C’était l’histoire d’Audrey. Enfin, le début de l’histoire d’Audrey. Le Québec a assurément besoin de plus d’entrepreneurs comme elle.


Voici la réponse à la question de mon billet précédent. Pour rappel, je vous demandais: quels sont les points importants à la réalisation d’un projet d’innovation durable?

  • Permettre le droit à l’erreur (ce n’est pas une ligne droite)
  • Mobiliser plusieurs intervenants internes et externes face à notre projet
  • Trouver des alliés dans notre écosystème qui sont intéressés par les résultats de notre innovation durable
  • Toutes ces réponses
  • Aucune de ces réponses

La réponse était «Toutes ces réponses».

La réalisation d’un projet d’innovation durable repose, notamment, sur les comportements des PME:

  • Reconnaître leur droit à l’erreur: on ne peut toujours réussir du premier coup;
  • Apprivoiser le travail d’équipe avec des parties prenantes engagées: réussir ensemble;
  • S’entourer d’alliés croyant à la solution proposée : la force du nombre.

Source: K.G. et Labelle F.  Les PME en Marche vers le développement durable (2014) collection Entrepreneuriat et PME. Presses de l’Université du Québec.


Et voici une question dont la réponse se retrouvera dans mon prochain billet: quelle position occupe le Québec quant au nombre d’entreprises en serres au Canada?

A : la première
B : la dernière
C : la seconde