Afin de devenir plus résilientes, certaines PME se rapprochent et collaborent. (Photo: Adobe Stock)
MOIS DE LA PME. Pendant que les chefs d’entreprise des générations sortantes X ou boomers soupèsent leurs options face aux investissements que demandera la transformation numérique et écologique, ceux de la génération montante semblent déjà avoir choisi les termes de son entrée « en affaires » : par la collaboration, les alliances et les partenariats stratégiques. Aperçu des nouvelles stratégies d’affaires à considérer en 2024.
En début d’année, un sondage KPMG a révélé dans quel état d’esprit se trouvaient les dirigeants de PME au Canada. Près des deux tiers (64 %) prévoyaient s’allier à une autre entreprise (par une fusion, une acquisition, l’établissement d’une coentreprise ou d’un partenariat stratégique) au cours des trois prochaines années. Plus encore, sept entreprises sur dix (69 %) disaient avoir l’intention de vendre au cours des trois à cinq prochaines années.
Ce mouvement annoncé de ventes ou de consolidations s’explique par diverses raisons. D’une part, plusieurs chefs d’entreprise se préoccupent de la pérennité de leur société, à l’aube de la retraite. « Je vois plusieurs chefs d’entreprise à la fin cinquantaine, début soixantaine, qui ne sont pas prêts à réinvestir leurs billes dans l’entreprise pour encore 10-15 ans », note Philippe Dancause, président de la firme-conseil en stratégie d’affaires Dancause. Or, le cycle de vie d’un entrepreneur n’est pas lié au cycle du marché. Car, en ce moment, plusieurs industries traversent des transformations profondes. Pour survivre, les PME doivent investir dans la technologie tout en adoptant des stratégies qui leur permettront de répondre aux nouveaux besoins du marché.
Le meilleur exemple est sans doute celui de la filière batterie, dans laquelle le gouvernement a investi beaucoup d’effort et d’argent pour attirer GM (projet d’usine Ultium CAM), Northvolt et consorts. Or, certains observateurs craignent que les PME québécoises peinent à répondre à la demande de ces grands donneurs d’ordre. « Pour bien des entreprises, le moment des décisions difficiles et des rapprochements avec les concurrents pourrait bien être venu », a déclaré Stéphane Drouin, vice-président à l’achat québécois et au développement à Investissement Québec, dans la foulée d’une lettre ouverte publiée sur le site de Les Affaires. Je parle de consolidation, de fusion, d’intégration verticale. (…) il y a un plan de match à mettre en place. »
Questionnée sur le sujet, la Vallée de la transition énergétique, qui a comme mandat « de faire le maillage entre les industriels et les PME de la région en lien avec la transition énergétique », nous a assuré « déployer plusieurs efforts pour créer des synergies qui permettent le développement de nos filières stratégiques ».
Esprit de consolidation
Au-delà du secteur très précis de la filière batterie, d’autres industries vivent elles aussi des dynamiques de consolidation. Philippe Dancause en énumère quelques-unes : l’agriculture, l’horticulture, l’aéronautique et la construction. « Les PME présentes dans ces secteurs sont confrontées à plusieurs questions : ai-je encore la bonne taille pour tirer mon épingle du jeu ? Suis-je capable de suivre les clients dans leur développement ? »
Ultimement, ces entrepreneurs doivent se demander s’ils sont en position de devenir un « consolidateur » dans leur marché. Autrement, ils auront intérêt à s’associer à un partenaire plus apte à saisir les occasions. Pour une entreprise fragilisée par la pandémie, c’est peut-être le moment de vendre. Pour une organisation en bonne santé financière, il y a sans doute une occasion d’acquérir un compétiteur pour accélérer sa croissance. « Croître de manière organique dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre spécialisé, c’est très difficile », rappelle le conseiller en stratégie d’affaires.
Les associés du groupe Oliva Horticulture, pour la plupart âgés de quarante ans, se rangent du côté des « consolidateurs ». Après avoir acquis les pépinières Trussart en 2018 et Pépinière Villeneuve en 2022, ils viennent de prendre des parts dans Zyromski Horticulture, qui se joint ainsi au groupe. « Lorsque nous avons mis notre petit orteil dans le milieu horticole, nous avons adoré la consolidation qui s’y déroulait, lance Julien Trussart, CPA, cofondateur d’Oliva Horticulture. Ce n’est pas une consolidation où un groupe achète tous les autres. Ce sont des rapprochements entre entreprises indépendantes qui demeurent autonomes dans leurs opérations. Nous croyons à ces rapprochements. Ça rend l’industrie plus solide et complémentaire. Depuis le début, nous crions haut et fort que, ensemble, nous sommes plus forts qu’individuellement. »
Les entreprises s’étant jointes à Oliva Horticulture bénéficient d’un soutien technologique et managérial. Toutefois, elles ne sont pas tenues de faire affaire avec des membres du groupe. « Ce n’est pas une pratique d’affaires standard, reconnaît le CPA. Habituellement, tu ne collabores pas avec tes compétiteurs. Or, justement, on ne voit pas les autres entreprises comme des compétitrices. Se battre sur un même segment et finir avec une guerre de prix, ça ne nous intéresse pas. On essaie de changer cette mentalité. Chez Oliva, nous aimons beaucoup utiliser le terme “coopétiteurs”. » Un nouveau terme pour décrire une nouvelle réalité entrepreneuriale.