Quelle est la meilleure stratégie pour faire croître votre PME?
Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑octobre 2024Choisir la bonne stratégie d’affaires (en matière de vente, d’acquisition ou de partenariat) demande du temps et de la réflexion. (Photo: 123RF)
MOIS DE LA PME. Acquisition, fusion ou partenariat stratégique avec une entreprise d’ici ou d’ailleurs, plusieurs chemins se dessinent pour les PME québécoises qui veulent poursuivre leur croissance malgré le ralentissement économique. Avantages et contrepoints des différentes stratégies.
Sur papier, la fusion a quelque chose d’attrayant : deux entreprises qui unissent leur destinée, leurs forces et leurs complémentarités pour ne faire qu’une et dominer le marché. Or, dans la pratique, il est rare que la « symétrie » des deux entreprises le permette. « Dire que l’on fait une fusion, ça paraît bien, convient Robert Deshaies, président fondateur de G4 Solutions, une firme spécialisée en évaluation, acquisition et vente d’entreprise. Dans la réalité, poursuit-il, c’est extrêmement rare. La plus petite entreprise dit qu’elle a fusionné, alors que la plus grosse dit qu’elle a effectué une acquisition », ironise-t-il. Pour concrétiser un scénario de fusion, les deux entreprises doivent avoir la même valeur actionnariale, ce qui est rarement le cas.
Hors de la fusion, il reste deux options : le rachat ou le partenariat. L’avantage du rachat, pour l’acquéreur, c’est d’obtenir le « plein » contrôle sur les nouvelles ressources acquises, note le stratège. C’est le principal avantage que sont allés chercher Nicolas Tessier et Jérémy St-Hilaire, propriétaires de Gobox Conception, lorsqu’ils ont fait l’acquisition de leur concurrent Les bois Écono, en janvier 2023. « Nous avons rapatrié les employés et les équipements des Bois Écono dans nos locaux », explique Jérémy St-Hilaire.
Rapidement, l’acquéreur a pu bénéficier de la complémentarité des deux entreprises aux services de transporteurs maritimes, Gobox Conception étant spécialisée dans la confection de boîtes en bois, alors que Les bois Écono, elle, de palettes. « Nous avons constaté que nous avions des clients communs ; nous pouvons désormais les desservir avec le même livreur. Ensuite, nous avons pu élargir notre gamme de produits à chacun de nos clients. » Un an après l’acquisition, l’entreprise a pu doubler son nombre d’employés, passant de 8 à 16.
Opter pour la simplicité
Malgré tous ses avantages, l’acquisition demeure une opération « compliquée », qui peut être à la fois « risquée » et « coûteuse », prévient Robert Deshaies. « Faire une transaction, ça coûte cher. Il faut avoir les reins solides. C’est une opération complexe qui implique des avocats. Puis, il y a une composante humaine, provenant des employés, car on achète tout. Faire une alliance stratégique sous forme d’entente commerciale, c’est plus simple et rapide. »
Il y a aussi des raisons de « cœur » qui peuvent amener à privilégier une forme ou l’autre de partenariat. « Ce n’est pas tous les entrepreneurs qui sont prêts à vendre leur entreprise, surtout s’ils ont consacré toute leur vie à l’entrepreneuriat, dit Philippe Dancause, président de la firme-conseil en stratégie d’affaires Dancause. Or, il existe des modèles d’intégration de partenariats ou d’acquisition où le chef d’entreprise devient un joueur à l’intérieur d’un plus grand groupe. » Ce type de regroupement peut intéresser aussi bien des entreprises matures, comme l’a montré le partenariat récent entre Stelpro et Innovair Solutions, que des entrepreneurs de la relève tel Nicolas Zyromski, qui s’est joint à Oliva Horticulture (lire texte suivant).
Le contrepoint : une alliance stratégique n’offre pas les mêmes garanties aux parties impliquées, note Robert Deshaies. Et elle peut aussi poser une certaine forme de risque. « Si, une journée, un des dirigeants se lève du mauvais pied et décide de mettre fin à l’entente, les entreprises devront vivre avec les conséquences. » Il peut aussi y avoir le risque de perdre la propriété intellectuelle que l’on a partagée. « Il faut toujours prendre soin de baliser ces ententes avec un contrat », conclut le spécialiste des fusions-acquisitions.
Prendre du recul
L’époque demande d’être productif, agile et d’aller toujours plus vite dans son développement de produits et sa commercialisation. Or, paradoxalement, choisir la bonne stratégie d’affaires (en matière de vente, d’acquisition ou de partenariat) demande du temps et de la réflexion. « Ce n’est pas le genre de décision qui se prend sur le coin d’une table un vendredi après-midi, prévient Philippe Dancause. Les entreprises qui prennent de bonnes décisions sur ce plan-là, ce sont celles qui réussissent à monter en altitude. » Ce sont celles, poursuit-il, qui regardent comment évolue le marché et qui se posent les bonnes questions : ai-je ce qu’il faut pour devenir le fournisseur que mes clients ont besoin à l’avenir ? Comment puis-je faire évoluer mon modèle d’affaires pour mieux répondre aux besoins du marché ? « En prenant un pas de recul, le portrait devient clair et on est capable de faire : un plus un égale trois. »