Certains chercheurs développent de nouvelles technologies pour réduire l'empreinte carbone d'entreprises minières et pétrolières. (Photo: 123RF)
MOIS DU GÉNIE. Les industries minière et pétrolière ont beau figurer parmi les secteurs les plus polluants de la planète, trop d’activités humaines en dépendent pour songer à s’en passer à court ou même à moyen terme. Dans un effort de mitigation, des chercheurs en génie développent de nouvelles technologies qui ont le potentiel de réduire l’empreinte carbone ou de soustraire des produits toxiques de l’équation de production. En voici deux exemples.
Lorsqu’une entreprise pétrolière fore un puits, elle n’a d’autre choix que de percer la couche de gaz naturel qui s’est formée avec le gisement de pétrole. Le méthane qui s’en échappe est soit « torché » — c’est-à-dire brûler au bout d’une cheminée — , soit directement libéré dans l’atmosphère. En pure perte.
Le projet du Groupe d’entreprises Patience, fondé par Gregory Patience, professeur à Polytechnique Montréal, est tout simple : développer une technologie de microraffinerie « à petite échelle » pour convertir le méthane ainsi gaspillé en « diesel vert ». Pour connaître la taille de ce marché, le chercheur en génie chimique pointe vers les estimations du Partenariat mondial pour la réduction des gaz torchés (GGFR) : en 2021, un volume de 144 milliards de mètres cubes de méthane a été « torché » à l’échelle mondiale. Sur ce total, le Canada a contribué à hauteur de un milliard de mètres cubes, et les États-Unis, de neuf milliards, alors que ces deux pays se sont engagés à réduire ces émissions à zéro.
« Les pétrolières ont le droit de torcher ces gaz tant qu’il n’y a pas de solution économique pour les récupérer », précise Gregory Patience. Il serait toujours possible, en théorie, de construire un pipeline pour acheminer le gaz naturel vers une usine de traitement, mais ce genre de projet est rentable seulement pour de très gros gisements de pétrole. « Nous, nous voulons développer une technologie modulaire qui peut se déployer sur le site et se mettre à l’échelle. » Une pétrolière qui se porterait acquéreuse de la solution de « microraffinerie » pourrait choisir de consommer le diesel dans ses opérations ou de le revendre.
Le chercheur développe un prototype avec cinq étudiants de Polytechnique. Une unité de base, qui a l’allure d’une remorque « fermée » de 20 pieds, peut récupérer une kilotonne de CO2 par année et l’achat se rentabilise en deux ans, estime-t-il. Si le Groupe d’entreprises Patience parvient à se positionner à l’avant-poste de ce marché émergent, son fondateur estime pouvoir écouler un millier d’unités au Canada. Un projet à suivre.
Passer du chimique au bio
L’industrie minière compte elle aussi de nombreux procédés polluants. À l’étape de la concentration du minerai, la roche extraite du sol est plongée dans de grandes cuves remplies de produits chimiques ayant pour effet de capturer et de faire remonter les métaux à la surface, par procédé de « flottaison ».
« Nous voulons remplacer l’agent chimique qui collecte les sulfures des métaux par un peptide, soit une petite protéine d’acides aminés », annonce Alain Garnier, ingénieur et professeur au Département de génie chimique de l’Université Laval. Le professeur développe un procédé de fermentation à cet effet en partenariat avec le centre de recherche et développement minier Corem. Le peptide a l’avantage d’être un produit « biodégradable » qui s’élimine « rapidement », contrairement aux savons actuels — « hautement toxiques » — qui doivent être entreposés sur le site minier après usage.
Alain Garnier et son équipe ont franchi la première étape de leur projet. Ils ont trouvé une séquence d’acides aminés qui « colle » aux métaux tout en étant « hydrofuge », afin de ramener les métaux collectés à la surface. Pour y arriver, l’équipe a testé « un milliard » de combinaisons possibles — en laboratoire, mais aussi en utilisant de l’intelligence artificielle pour circonscrire leur recherche.
« Nous devons maintenant développer un procédé de production économique », annonce le professeur. Les intrants de production sont un sucre — par exemple, de la mélasse industrielle — et une source d’azote pouvant provenir des rebuts de l’industrie alimentaire. L’objectif est donc de construire — dans un horizon de deux à trois ans — un fermenteur capable de produire des lots d’une vingtaine de litres. Ce procédé pourra alors être implémenté dans une usine-pilote.
« C’est une approche qui est assez nouvelle, concède l’ingénieur. Nous l’avons développée pour la flottaison des sulfures de zinc, de nickel et de fer, mais elle pourrait aussi s’appliquer à d’autres minerais, dont les terres rares [groupe de métaux aux propriétés voisines comprenant le scandium 21Sc, l’yttrium 39Y et les quinze lanthanides]. » De toute évidence, le procédé a du potentiel. Il s’agit maintenant de le rendre opérationnel.