Displaid, cofondée par Jonathan Boudreau, Carlos Cesar Fallaque Beltran, Mathieu Rivet et Frédérick Drouin (Photo: courtoisie)
MOIS DU GÉNIE. Le génie est un terreau fertile pour l’entrepreneuriat : selon l’Ordre des ingénieurs (OIQ), 15 % des ingénieurs possèdent leur entreprise, contre 4 % seulement dans la population active. Vu les défis auxquels fait face le Québec, de la transition énergétique au vieillissement de la population, les ingénieurs-entrepreneurs ne manqueront pas d’occasion pour faire le saut.
Il y a deux ans, l’OIQ publiait les résultats de son rapport « L’entrepreneuriat en génie au Québec et son écosystème ». Ainsi, 50 % des étudiants en génie ont l’intention de se lancer un jour en affaires, contre 31 % chez les Québécois de 18-34 ans plus largement.
Le secteur biomédical est un bon exemple où les besoins risquent de continuer d’être nombreux. Lancée en 2021 par deux étudiants en génie électrique, Jonathan Boudreau et Frédérick Drouin, Displaid espère commercialiser son produit en 2026.
Aidée par le Centech, l’accélérateur de l’ETS, la jeune entreprise a développé une ceinture thoracique permettant d’évaluer à distance certains indicateurs de santé chez les gens atteints d’insuffisance rénale ou cardiaque. Elle permet aux médecins de faire un suivi de leur état de santé, et donc de mieux prévenir des hospitalisations.
Comme c’est souvent le cas, l’idée est venue à Jonathan Boudreau par sérendipité : « J’ai toujours voulu me lancer en entrepreneuriat, mais je me disais “Ah, si seulement j’avais l’idée du siècle”. En réalité, ça marche rarement comme ça. C’est après avoir suivi un cours en entrepreneuriat que j’ai rencontré un médecin qui m’a mis sur la piste en me parlant de ses besoins. »
Le plus difficile, selon lui, est de briser la glace. « Une fois qu’on se lance, on a franchi l’étape la plus difficile. »
Des besoins croissants
L’équipe de Displaid est aujourd’hui formée de quatre personnes à temps plein — trois en génie électrique, une en génie biomédical — et de trois autres à temps partiel, soit un stagiaire et deux experts en intelligence artificielle.
Selon Frédérick Drouin, les besoins dans le secteur médical continueront d’augmenter dans les années à venir. « On le voit au Québec, dit-il. Le système de santé connaît des difficultés. À mon avis, c’est la technologie qui fait que l’on sera capable de combler les besoins de la population vieillissante. Il faut trouver des solutions, et c’est une des forces des ingénieurs. »
Dans le domaine dans lequel son entreprise est active, par exemple, celui de la médecine à distance, les occasions entrepreneuriales seront nombreuses, estime le cofondateur.
« Pour soigner les gens loin des grands centres, ça va beaucoup aider. Mais l’Agence spatiale canadienne se focalise aussi sur les soins de santé dans l’espace dans le contexte d’un grand push pour retourner sur la Lune. Il y a donc beaucoup de potentiel pour les ingénieurs qui ont la fibre d’entrepreneur. »
Un pas à la fois
Louis St-Pierre, cofondateur d’Ora Médical, s’est lancé en entrepreneuriat en s’impliquant dans Heka. Il s’agit d’une société technique en génie biomédical associée à la Polytechnique, où il a commencé à étudier en génie mécanique en 2015.
C’est là qu’il a rencontré Sarah Lambert, une autre étudiante en génie mécanique, avec qui il a fondé Ora Médical en 2020. L’entreprise a conçu un appareil, aujourd’hui commercialisé au Canada et aux États-Unis, pour aider les enfants ayant des problèmes de mobilité à apprendre ou à réapprendre à marcher. L’entreprise développe aussi OraConnect, une plateforme de suivi à distance pour la réadaptation, que les deux cofondateurs espèrent commercialiser d’ici 2025.
« Sarah travaillait en réadaptation, raconte Louis St-Pierre. Elle m’a parlé des besoins qu’elle observait sur le terrain, et ç’a m’a parlé, ayant en plus de la famille souffrant de maladie dégénérative. C’est comme ça qu’on s’est lancés. »
L’entreprise compte aujourd’hui une quinzaine de personnes au sein de son équipe, dont une dizaine à temps plein. « On a des gens spécialisés en marketing et en développement des affaires, mais on a surtout beaucoup d’ingénieurs. Ceux qui sont spécialisés en génie biomédical, en particulier, sont un très bon fit pour nous. »
Pour Louis St-Pierre, il ne fait pas de doute, les possibilités sont là pour ceux qui veulent se lancer en entrepreneuriat.
« Il y a toujours beaucoup d’occasions pour les ingénieurs entrepreneurs, estime-t-il. Mon conseil ? L’école, c’est important, mais il faut combiner ça avec le maximum d’expérience terrain pour valider les besoins. C’est ça qui fait que l’on réussit. »