Deep Sky amorce un effort de décarbonation à grande échelle
La Presse Canadienne|Publié le 16 novembre 2023La firme montréalaise Deep Sky amorce le démarrage de ses activités par une recherche afin de «faire l’agrégation de toutes les technologies de capture à travers le monde pour trouver celles qui pourront être utilisées à grande échelle». (Photo: La Presse Canadienne)
La possibilité d’extraire de l’atmosphère et des océans le principal gaz à effet de serre, le CO2, et de le séquestrer dans le sol devient de plus en plus concrète et le Québec entend se tailler une place de choix dans cette nouvelle industrie.
La firme montréalaise Deep Sky amorce le démarrage de ses activités par une recherche afin de «faire l’agrégation de toutes les technologies de capture à travers le monde pour trouver celles qui pourront être utilisées à grande échelle», a expliqué le président et cofondateur de l’entreprise, Frédéric Lalonde, en conférence de presse jeudi.
Des installations de capture et de stockage commencent à voir le jour, notamment en Islande, mais leurs efforts demeurent modestes.
«La quantité de CO2 qu’on capture sur une échelle de milliards de tonnes est insignifiante. On parle de quelques milliers de tonnes, mais c’est le premier pas pour arriver à comprendre ce qui pourra être bâti à un quart de million de tonnes, un million de tonnes et un milliard de tonnes, qui est un impératif dans les quatre ou cinq prochaines années», fait valoir M. Lalonde.
Une géologie avantageuse
Le développement de technologies de captage de CO2 à grande échelle pose toutefois un second problème à résoudre: que fait−on avec? On l’enfouit, explique Frédéric Lalonde, selon qui le Québec, heureux hasard, a une «richesse géologique incroyable».
«La vallée du Saint−Laurent est idéale pour le stockage du CO2 à très grande profondeur et dans la partie du Bouclier canadien − Abitibi, Grand Nord, Côte−Nord − on a de la roche volcanique, un peu comme en Islande où il y a déjà un site en opération, où on peut séquestrer le CO2», explique-t-il. L’objectif à court terme est de pouvoir s’installer sur deux sites qui restent à déterminer pour mener la recherche et le développement de technologies de captation à grande échelle.
L’entreprise vise le captage et le stockage de 2000 tonnes de CO2 par année pour la phase I de ses activités, mais à moyen terme, Deep Sky espère déployer entre 2025 et 2028, durant les phases II et III du projet, une série d’usines commerciales ayant une capacité de captation d’un million de tonnes.
Évidemment, il faut de l’argent pour aller de l’avant avec de tels projets et Deep Sky, qui vient de compléter une première ronde de financement, dispose de 75 millions de dollars (M$) pour lancer la première phase de son projet.
Québec actionnaire
Le tiers de cet argent, soit 25 M$, provient d’Investissement Québec et fait du gouvernement un actionnaire privilégié dans l’entreprise, un pari qui pourrait s’avérer un bon coup si Deep Sky réussit à faire passer l’idée de décarbonation massive de la science−fiction à la réalité.
Le ministre de l’Économie, de l’Énergie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, qui participait à l’annonce en compagnie de son collègue de l’Environnement, Benoit Charrette, a expliqué que, de par leur nature, ces projets ne se feront pas en milieu urbain, mais bien en région. Or, a-t-il ajouté, «si Deep Sky décide d’avoir une usine dans une région donnée – on sait qu’au Québec il y a beaucoup de territoire, il y a beaucoup de vent, il y a du soleil aussi de temps en temps – alors pourquoi ne pas avoir de l’autoproduction pour alimenter en grande partie l’opération industrielle?»
Les opérations de captation et de stockage de CO2 sont très énergivores, mais même si Deep Sky ne produit pas sa propre électricité, Pierre Fitzgibbon estime que ses activités devront être alimentées par Hydro−Québec. «Pour le gouvernement du Québec, l’allocation de mégawatts qui va permettre de pouvoir décarboner notre environnement est primordiale. Des projets comme Deep Sky rentrent exactement en plein dans le mille de ce qu’on veut faire avec l’énergie.»
Aider en période de pointe
Qu’elle produise sa propre énergie ou qu’elle s’approvisionne auprès de la société d’État, l’entreprise fait un usage flexible et varié de son énergie et peut être un atout plutôt qu’un fardeau en période de pointe, soutient Frédéric Lalonde.
«On peut facilement baisser la production. La décarbonation est flexible et ça nous évite de demander des blocs (d’électricité) comme d’autres projets, ce qui nous permet même d’avoir un avantage pour balancer le réseau», dit−il.
«Quand on regarde les besoins en électricité, la variabilité et la capacité d’autoproduction, où entre autres on pourrait retourner une partie de l’autoproduction au réseau quand les consommateurs en ont besoin, nous donnent des portes qui n’existent pas nécessairement dans les autres projets.»
Fait à noter, bien que le projet vise la captation du CO2 dit «historique», soit celui déjà émis qui se trouve dans l’atmosphère et dans l’océan, Deep Sky entrevoit également la possibilité de s’installer près de grands émetteurs comme les cimenteries, par exemple, pour capter les émissions industrielles à la source et ainsi réduire l’ajout de gaz à effet de serre additionnels.
Pierre Saint−Arnaud, La Presse Canadienne