Les premières expérimentations sont en cours, notamment sous la houlette du groupe agroalimentaire Avril. (Photo: 123RF)
Plante à tige droite et aux petites fleurs jaunes, la cameline produit une huile qui pourrait verdir le carburant des avions et émerge ainsi comme une culture prometteuse pour les agriculteurs.
Sur le papier, la cameline a tout d’une biomasse idéale pour produire de l’énergie: elle pousse en 90 à 100 jours — et peut donc être glissée entre deux cultures traditionnelles —, elle nécessite peu d’intrants, peu d’eau, tout en améliorant le stockage du carbone dans le sol.
Les premières expérimentations sont en cours, notamment sous la houlette du groupe agroalimentaire Avril.
Agriculteur dans l’Eure, Fabrice Moulard en a semé début juillet sur sept hectares.
Sur la parcelle où venait d’être récoltée de l’orge, la cameline «a eu du mal à se développer», explique-t-il lors d’une conférence de présentation organisée par Avril. Sur la parcelle de pois, «ça s’est bien passé».
L’agriculteur, également administrateur de la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP), a assisté au développement de la culture du colza dans les années 1980.
Quand les trois premiers hectares ont été semés sur l’exploitation, «ça a été une révolution, on ne savait pas quoi faire de la graine», se souvient-il.
Puis un organisme technique a vulgarisé la plante auprès des cultivateurs, les coopératives ont participé à la structuration d’une filière, des outils industriels sont arrivés. Le colza est désormais le premier oléagineux en France.
Pour la cameline, «on ne va peut-être pas s’enflammer tout de suite, mais ça peut être le début d’une histoire», estime Fabrice Moulard en soulignant aussi que cela pourrait devenir une source de revenus supplémentaire pour les agriculteurs.
Besoin d’accélérer
Au vu des premiers retours, la cameline «a quand même beaucoup d’avantages», estime Romain Schulz de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM), à commencer par le fait qu’elle respecte les nouvelles règles européennes puisqu’elle «ne rentre pas en concurrence avec les cultures agricoles».
«Il y a de toute façon besoin d’accélérer très fortement la production» de cultures comme la cameline, car les compagnies aériennes vont devoir rapidement augmenter le niveau de biocarburant à mettre dans leurs avions, explique-t-il.
En France, pays en pointe sur le sujet, c’est 1% depuis 2022 pour tous les vols au départ de son territoire. Dans l’ensemble de l’Union européenne, ce sera 2% en 2025, 6% en 2030 et jusqu’à 70% d’ici 2050.
«On a aussi besoin d’économies d’échelle pour faire diminuer les coûts et donc les répercussions sur les prix des billets d’avion», ajoute Romain Schulz.
En 2022, la production totale de carburant d’aviation durable (CAD) dans le monde était de 250 000 tonnes, soit moins de 0,1% des plus de 300 millions de tonnes de kérosène utilisées par l’aviation.
TotalEnergies, qui produit notamment des CAD à partir de graisses animales et d’huiles de cuisson usagées sur sa raffinerie de Grandpuits, estime pouvoir en produire 500 000 tonnes en 2028.
La secrétaire générale de l’Observatoire de l’aviation durable, Sandra Combet, a visité les champs de cameline de Fabrice Moulard fin août.
«On a été agréablement surpris de voir les résultats» de cette culture innovante, qui permet de ne pas empiéter sur les surfaces agricoles tout en contribuant à absorber du CO2, dit-elle.
Autre avantage: la cameline peut être exploitée industriellement «quasi immédiatement», estime-t-elle. Contrairement aux carburants issus de biomasse, les carburants de synthèse fabriqués à partir d’hydrogène et de CO2 ne sont pas encore prêts à être déployés à grande échelle.
«Côté industriel, on aura des choses à apprendre sur la façon de traiter des graines plus petites, tamiser un peu plus que le colza», remarque Jean-Philippe Puig, directeur général d’Avril. Mais le groupe étant déjà un producteur majeur de biodiesel, «on a déjà le savoir-faire», il faudra juste «des adaptations», dit-il.
Avril estime pouvoir contribuer à hauteur de 100 000 tonnes de CAD en 2030, ce qui représenterait environ 125 000 à 250 000 hectares de cameline en fonction des rendements.
«C’est toujours la météo qui guide, il y a des années où on ne récoltera pas», remarque Fabrice Moulard.