Seulement 1% des entreprises ont aligné leurs dépenses futures sur leur objectif de décarbonation. (Photo: 123RF)
Paris — Les stratégies climatiques des entreprises se multiplient, mais restent peu détaillées: parmi plus d’un millier de sociétés étudiées, une sur 20 seulement dispose d’un plan d’action précis pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, pointe un centre de recherche conseillant les investisseurs mardi dans un rapport.
Des milliers d’entreprises dans le monde, petites et grandes, ont annoncé ces dernières années un déluge de grands engagements pour le climat tel que la neutralité carbone, en général à horizon 2040 ou 2050, afin de «s’aligner» sur l’objectif de l’accord de Paris de limiter à 2°C le réchauffement planétaire par rapport à l’époque préindustrielle, tout en essayant de le limiter encore davantage à 1,5°C.
Mais, faute de norme claire, la mise en œuvre de ces promesses est très variable, faisant passer nombre de ces entreprises pour plus vertueuses qu’elles ne le sont vraiment.
Si 82% des entreprises de secteurs allant de l’alimentation au pétrole et au gaz ont adopté un plan de réduction de leurs émissions à long terme, seule la moitié d’entre elles ont intégré les différents scénarios de changement climatique à leur planification, selon ce rapport publié par le Transition Pathway Initiative (TPI) Centre de la London School of Economics.
Seulement 1% des entreprises ont par ailleurs aligné leurs dépenses futures sur leur objectif de décarbonation.
«Nos travaux de recherche contribuent à ce que l’accent ne soit plus mis sur le fait de fixer des objectifs, mais sur leur mise en œuvre effective», explique à l’AFP Simon Dietz, directeur de recherche au TPI Centre. «Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’y a pas grand-chose qui se passe à l’heure actuelle, même dans les très grandes entreprises sophistiquées cotées en Bourse.»
«La plupart des entreprises ont déjà fait la partie facile», poursuit Simon Dietz, c’est-à-dire qu’elles ont publiquement fait part de leurs inquiétudes quant au changement climatique et ont mis en place des actions pour l’environnement en leur sein.
Mais l’attention se porte dorénavant sur «la crédibilité de ces engagements, qui sont généralement volontaires, et sur le fait d’avoir un plan détaillé pour les atteindre», a-t-il estimé.
Des secteurs à la traîne
L’étude montre qu’aucune des entreprises étudiées ne possède à ce jour les cinq «qualités de management» que le TPI considère comme nécessaires pour engager l’entreprise sur une voie crédible vers la mise en œuvre de ses engagements.
Cela inclut notamment de clarifier le rôle de la compensation carbone dans leurs objectifs de réduction d’émissions ou d’aligner leurs dépenses d’investissement sur les objectifs climatiques à long terme.
Les compagnies aériennes et les sociétés pétrolières et gazières figurent parmi les secteurs les plus performants pour les indicateurs liés à la gestion et la gouvernance, mais les difficultés de mise en œuvre de leurs engagements de décarbonation sont évidentes, vu leurs activités.
Une autre étude du TPI a révélé que la plupart des compagnies aériennes ne sont pas alignées sur les objectifs de l’accord de Paris, pas plus que 75% des sociétés pétrolières et gazières.
«Elles ont souvent une gestion et une gouvernance sophistiquée sur la question. Mais ça ne veut pas dire qu’elles réduisent leurs émissions assez rapidement pour s’aligner sur les objectifs» de l’accord de Paris, a noté Simon Dietz.
D’autres secteurs, tels que le ciment ou les mines de charbon, sont à la traîne sur tous les plans. Seule la moitié des entreprises d’extraction de charbon se sont par exemple fixé un objectif de réduction des émissions.
Au niveau géographique, les entreprises européennes ont fait preuve d’une «nette surperformance», alors que seulement un quart des sociétés nord-américaines et 2% des entreprises chinoises ont obtenu une bonne note.
«Chaque année, les entreprises s’efforcent davantage de gérer le changement climatique comme un risque commercial et comme une opportunité commerciale, ce qui constitue une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est que les progrès restent lents», a ajouté Simon Dietz.