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5 astuces pour réduire l’empreinte numérique de son entreprise

Jean-François Venne|03 mai 2023

5 astuces pour réduire l’empreinte numérique de son entreprise

Une heure de vidéoconférence générerait entre 150 et 1000 grammes de CO2 et exigerait jusqu’à 12 litres d’eau. (Photo: 123RF)

NUMÉRIQUE DURABLE. Les entreprises qui souhaitent réduire leur empreinte carbone numérique peuvent envisager plusieurs options. Certaines sont très simples et demandent surtout de casser de vilaines habitudes. Voici cinq pistes de solutions.

 

1. Moins de vidéos 

Depuis mars 2020, le recours massif au télétravail a décuplé l’usage de la vidéoconférence. Celle-ci est pourtant très énergivore. La caméra serait responsable de 96 % de l’empreinte carbone et eau d’une réunion virtuelle, selon des chercheurs américains. Une heure de vidéoconférence générerait entre 150 et 1000 grammes de CO2 et exigerait jusqu’à 12 litres d’eau. 

De fait, d’après le Centre International de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), 80 % des émissions de GES du numérique sont liées aux utilisations vidéo (cela inclut notamment le streaming). Ne pas activer la résolution HD, ou mieux, employer un écran moins énergivore ou fermer les caméras de ceux qui ne font qu’écouter la rencontre en audio diminue cet impact. Quant aux discussions entre deux personnes… le bon vieux téléphone convient très bien.

2. Mieux utiliser le courriel 

L’organisme Carbon Literacy Project estime qu’un courriel standard génère environ 4g de CO2, et qu’avec une pièce jointe lourde cet impact peut augmenter à 50g. Ces données varient grandement selon l’énergie employée dans la chaîne de transmission. 

Pour réduire nos impacts, on peut éviter les « répondre à tous » superflus, se désabonner des listes de diffusion qui nous bombardent de courriels qu’on ne regarde jamais, préférer la messagerie instantanée au courriel et supprimer les courriels lus dont on n’a plus besoin. Par ailleurs, l’utilisation de plateformes de partage comme WeTransfer est moins énergivore que l’envoi de pièces jointes.

3. Faire durer le matériel 

Avez-vous vraiment besoin de remplacer les appareils numériques aussi souvent que vous le faites? La vie de certains d’entre eux pourrait probablement être prolongée par une réparation ou la substitution de certaines pièces. Au moment de l’achat, on peut se demander si des équipements remis à neuf conviendraient aussi bien que des nouveaux. À cette étape, il vaut mieux vérifier si les appareils que vous achetez ont les caractéristiques nécessaires pour répondre à vos besoins à long terme. 

Il faut également porter une attention au recyclage des appareils en fin de vie. Pourquoi ne pas jeter un coup d’œil du côté d’un programme comme OPEQ (ordinateurs pour les écoles du Québec), qui récupère de l’équipement informatique pour les remettre à neuf et les distribuer dans les écoles ? 

Notons que les trois quarts de la pollution engendrée par le matériel informatique proviennent de sa fabrication, selon Green IT. On parle même de 80 % pour les téléphones intelligents des grandes marques, selon un rapport de 2020 de Shifters Montreal. C’est l’inverse de la voiture, dont l’usage génère 80 % des impacts environnementaux. La fabrication d’un seul portable exige l’excavation de 800 kg de minerais.

4. Choisir des serveurs et des centres de données verts 

L’Agence internationale de l’énergie estime que les centres de données consomment environ 1 % de l’électricité mondiale et représentent à eux seuls 0,3 % des émissions totales de CO2. Le recours grandissant à l’intelligence artificielle et l’utilisation de plus en plus massive des projets de données décisionnelles risquent de décupler ces chiffres. S’assurer que les centres de données et les serveurs qu’on emploie sont alimentés par une énergie renouvelable revêt donc une grande importance.

On peut toutefois aller plus loin. La firme Granulate a récemment effectué un sondage aux États-Unis auprès de 100 compagnies qui dépensent près d’un million de dollars annuellement en infonuagique. Les résultats démontrent que plus de la moitié d’entre elles n’utilisent qu’entre 20 % et 40 % de la puissance de calcul à leur disposition. Ces serveurs sous-utilisés continuent pourtant de consommer beaucoup d’énergie et d’émettre des GES.

5. L’écoconception 

Les entreprises auraient avantage à se tourner vers des développeurs de solutions numériques qui pratiquent l’écoconception. Cette approche vise à réduire les impacts environnementaux de ces solutions. Elle cherche notamment à bien définir les besoins des utilisateurs, puis à développer des produits qui comportent seulement les fonctions nécessaires pour répondre à ces besoins. Selon Frédéric Bordage, fondateur de Green IT, environ 45 % des fonctionnalités comprises dans les solutions numériques ne sont jamais utilisées et 70 % ne sont pas essentielles. La simplicité permet à la fois de développer des solutions légères qui restent accessibles aux plus vieux appareils et à réduire leurs impacts environnementaux. L’écoconception vaut aussi pour le matériel. On peut créer des outils moins énergivores et aussi plus durables. Certains pays, comme la France, commencent d’ailleurs à imposer la conception d’outils informatiques plus facilement réparables.

 

BONUS

6. Compensation carbone

Les entreprises peuvent mesurer l’empreinte carbone de certains de leurs outils numériques, puis la compenser en faisant planter un certain nombre d’arbres. Cet exercice ne doit toutefois pas remplacer la réduction de l’empreinte numérique. Il ne sert qu’à tenter de compenser les impacts que l’on n’arrive pas à éliminer.

Fondée en 2001, l’agence Activis s’est tournée ces trois dernières années vers le marché des organismes publics, pour lesquels elle développe diverses solutions numériques. Depuis environ un an, elle a placé la durabilité au cœur de ses critères de conception. 
Le virage d’Activis vers l’écoconception s’est effectué de manière assez naturelle et presque par accident. L’objectif de l’agence était de développer des solutions simples, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de citoyens possible, et peu coûteuses, puisque le prix constitue toujours un enjeu majeur quand on travaille avec des organismes publics et des organismes à but non lucratif. Cela demande généralement de penser autrement. 
Par exemple, on peut créer une solution numérique très lourde et la placer sur un gros serveur très énergivore. « Les usagers ne verront pas la différence, puisque la solution se chargera très rapidement, mais ce n’est pas l’approche la plus économique, ni la plus écologique, précise Thierry Tanguay, vice-président aux services-conseils. Nous avons réalisé que nos efforts pour élaborer des solutions plus simples qui pouvaient être hébergées sur des serveurs plus petits et moins coûteux nous amenaient également à concevoir des produits moins énergivores. » 
Heureux hasard donc, qu’Activis a décidé d’explorer davantage en se tournant franchement vers l’écoconception. Elle y trouve plusieurs avantages. Cette approche permet de réduire la facture énergétique de systèmes comme des sites web ou des applications, mais aussi de lutter contre l’obsolescence programmée. 
« Si on développe une solution lourde et complexe, les appareils qui ne sont vieux que de trois ou quatre ans peineront déjà à la prendre en charge entièrement, note Thierry Tanguay. C’est souvent ça qui pousse les gens à changer rapidement d’ordinateurs ou de téléphones intelligents. »
Mesurer son empreinte
L’hébergement reste cependant le nerf de la guerre des émissions de gaz à effet de serre (GES) produits par l’usage du numérique. Certes, les serveurs qui se trouvent au Québec sont généralement alimentés avec de l’hydroélectricité, mais ils comportent aussi des systèmes secondaires alimentés au gaz, comme des génératrices au diesel qui prennent le relais en cas de panne. L’infonuagique ou encore les outils d’intelligence artificielle (IA) peuvent, eux, dépendre de serveurs ou de centres de traitement de données situés dans des juridictions où l’énergie non renouvelable reste plus présente.
Activis analyse désormais les émissions de GES générées par les solutions qu’elle développe pour ses clients, au moyen de l’outil Website carbon calculator, créé par l’entreprise britannique Wholegrain Digital. Facile à employer, il révèle la quantité de grammes de CO2 produite par l’utilisation d’un site web et offre des pistes de solutions pour réduire cette empreinte carbone. Il se base sur l’indice carbone de l’électricité, le trafic du site web, la source d’énergie utilisée par le centre de données, l’intensité énergétique des données demandées et le transfert de données pour établir cette empreinte carbone.
« Ce calculateur nous indique même combien d’arbres nous devrions planter pour compenser ces émissions de GES et nous payons pour faire planter ce nombre d’arbres au Québec », explique Thierry Tanguay.
Repenser les sites web
Au-delà de l’hébergement, la conception des sites web permet des économies d’énergie significatives. Ça peut être aussi banal que le choix des extensions (plug-ins) qui sont employées par le système de gestion du contenu (CMS). Les développeurs de ces extensions les élaborent pour qu’elles répondent aux besoins d’un très large éventail d’usagers. Elles comprennent donc un grand nombre de fonctionnalités. 
« Très souvent, l’usage d’un site web ne requiert qu’un petit nombre de ces fonctionnalités, mais le serveur télécharge chaque fois les dizaines de fonctionnalités qui sont comprises dans l’extension », explique Thierry Tanguay.
Il donne l’exemple du moteur de recherche du site d’une municipalité. On y emploie fréquemment une extension qui a été développée pour des boutiques en ligne ou d’autres sites transactionnels. Elles contiennent un tas de fonctionnalités inutiles pour le site de la ville, mais qui se téléchargent néanmoins chaque fois qu’on utilise le moteur. On pourrait penser à d’autres exemples, comme ces fameuses vidéos qui démarrent automatiquement chaque fois qu’on accède à la page d’accueil d’un site web. 
L’écoconception peut parfois s’avérer un peu plus complexe, mais ses résultats sont moins énergivores en plus d’être souvent plus simples et plus accessibles. Le vice-président d’Activis déplore que les appels d’offres du gouvernement du Québec et ses contrats de gré à gré ne contiennent aucune exigence sur la consommation énergétique des solutions numériques. « Ça aiderait à soutenir les développeurs qui se tournent vers l’écoconception face à des concurrents qui accordent peu d’importance à la durabilité », estime-t-il.