Thierry Tanguay, vice-président aux services-conseils à Activis (Photo: courtoisie)
NUMÉRIQUE DURABLE. Fondée en 2001, l’agence Activis s’est tournée ces trois dernières années vers le marché des organismes publics, pour lesquels elle développe diverses solutions numériques. Depuis environ un an, elle a placé la durabilité au cœur de ses critères de conception.
Le virage d’Activis vers l’écoconception s’est effectué de manière assez naturelle et presque par accident. L’objectif de l’agence était de développer des solutions simples, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de citoyens possible, et peu coûteuses, puisque le prix constitue toujours un enjeu majeur quand on travaille avec des organismes publics et des organismes à but non lucratif. Cela demande généralement de penser autrement.
Par exemple, on peut créer une solution numérique très lourde et la placer sur un gros serveur très énergivore. « Les usagers ne verront pas la différence, puisque la solution se chargera très rapidement, mais ce n’est pas l’approche la plus économique, ni la plus écologique, précise Thierry Tanguay, vice-président aux services-conseils. Nous avons réalisé que nos efforts pour élaborer des solutions plus simples qui pouvaient être hébergées sur des serveurs plus petits et moins coûteux nous amenaient également à concevoir des produits moins énergivores. »
Heureux hasard donc, qu’Activis a décidé d’explorer davantage en se tournant franchement vers l’écoconception. Elle y trouve plusieurs avantages. Cette approche permet de réduire la facture énergétique de systèmes comme des sites web ou des applications, mais aussi de lutter contre l’obsolescence programmée.
« Si on développe une solution lourde et complexe, les appareils qui ne sont vieux que de trois ou quatre ans peineront déjà à la prendre en charge entièrement, note Thierry Tanguay. C’est souvent ça qui pousse les gens à changer rapidement d’ordinateurs ou de téléphones intelligents. »
Mesurer son empreinte
L’hébergement reste cependant le nerf de la guerre des émissions de gaz à effet de serre (GES) produits par l’usage du numérique. Certes, les serveurs qui se trouvent au Québec sont généralement alimentés avec de l’hydroélectricité, mais ils comportent aussi des systèmes secondaires alimentés au gaz, comme des génératrices au diesel qui prennent le relais en cas de panne. L’infonuagique ou encore les outils d’intelligence artificielle (IA) peuvent, eux, dépendre de serveurs ou de centres de traitement de données situés dans des juridictions où l’énergie non renouvelable reste plus présente.
Activis analyse désormais les émissions de GES générées par les solutions qu’elle développe pour ses clients, au moyen de l’outil Website carbon calculator, créé par l’entreprise britannique Wholegrain Digital. Facile à employer, il révèle la quantité de grammes de CO2 produite par l’utilisation d’un site web et offre des pistes de solutions pour réduire cette empreinte carbone. Il se base sur l’indice carbone de l’électricité, le trafic du site web, la source d’énergie utilisée par le centre de données, l’intensité énergétique des données demandées et le transfert de données pour établir cette empreinte carbone.
« Ce calculateur nous indique même combien d’arbres nous devrions planter pour compenser ces émissions de GES et nous payons pour faire planter ce nombre d’arbres au Québec », explique Thierry Tanguay.
Repenser les sites web
Au-delà de l’hébergement, la conception des sites web permet des économies d’énergie significatives. Ça peut être aussi banal que le choix des extensions (plug-ins) qui sont employées par le système de gestion du contenu (CMS). Les développeurs de ces extensions les élaborent pour qu’elles répondent aux besoins d’un très large éventail d’usagers. Elles comprennent donc un grand nombre de fonctionnalités.
« Très souvent, l’usage d’un site web ne requiert qu’un petit nombre de ces fonctionnalités, mais le serveur télécharge chaque fois les dizaines de fonctionnalités qui sont comprises dans l’extension », explique Thierry Tanguay.
Il donne l’exemple du moteur de recherche du site d’une municipalité. On y emploie fréquemment une extension qui a été développée pour des boutiques en ligne ou d’autres sites transactionnels. Elles contiennent un tas de fonctionnalités inutiles pour le site de la ville, mais qui se téléchargent néanmoins chaque fois qu’on utilise le moteur. On pourrait penser à d’autres exemples, comme ces fameuses vidéos qui démarrent automatiquement chaque fois qu’on accède à la page d’accueil d’un site web.
L’écoconception peut parfois s’avérer un peu plus complexe, mais ses résultats sont moins énergivores en plus d’être souvent plus simples et plus accessibles. Le vice-président d’Activis déplore que les appels d’offres du gouvernement du Québec et ses contrats de gré à gré ne contiennent aucune exigence sur la consommation énergétique des solutions numériques. « Ça aiderait à soutenir les développeurs qui se tournent vers l’écoconception face à des concurrents qui accordent peu d’importance à la durabilité », estime-t-il.