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Climat: soumettre la stratégie d’une entreprise au vote

AFP|Publié le 02 août 2023

Climat: soumettre la stratégie d’une entreprise au vote

Concernant le climat, la démarche de porter une résolution au vote n’est encadrée par aucune réglementation et dépend du bon vouloir de l’entreprise. (Photo: 123RF)

Paris — Les entreprises doivent-elles soumettre leurs stratégies climatiques aux actionnaires? Cette proposition, qui a passé une première étape législative à l’Assemblée nationale, mais qui est encore loin d’être mise en place, suscite de fortes oppositions.

Apparues en 2019, les «Say on Climate» sont des résolutions qui visent à soumettre la stratégie d’une entreprise en matière de climat au vote de ses actionnaires lors de son assemblée générale (AG).

Elles sont formées sur le même modèle que les «Say on Pay» qui consistent à s’exprimer sur la rémunération des dirigeants. En France, le «Say on Pay» est même contraignant, pas seulement consultatif comme dans d’autres pays.

Concernant le climat, la démarche de porter une résolution au vote n’est encadrée par aucune réglementation et dépend du bon vouloir de l’entreprise.

En 2023, seulement neuf entreprises de l’indice élargi SBF 120 de la Bourse de Paris ont présenté leur stratégie climat au vote de leurs actionnaires. Au cours des trois dernières années, elles ont été 29 à se prêter à l’exercice, selon la fintech Scalens.

Le géant des hydrocarbures TotalEnergies fait partie de ces entreprises depuis 2021. Cette année, sa stratégie climat a recueilli 89% de votes favorables, un pourcentage jugé faible par rapport aux taux d’approbation habituels des résolutions traditionnellement présentées en AG (qui peuvent porter sur la désignation de dirigeants, les dividendes, etc.).

L’amendement proposé par des députés écologistes et certains macronistes prévoit de généraliser ces résolutions climat en obligeant toutes les entreprises cotées à se soumettre tous les trois ans à un vote consultatif.

«Si un nombre significatif d’investisseurs s’exprime sur la stratégie d’une société, celle-ci est obligée d’écouter», voire de revoir sa copie, même si le vote n’était pas contraignant, souligne Grégoire Cousté, délégué général du Forum de l’investissement responsable (FIR), organisation de promotion de la finance durable qui a travaillé à l’élaboration de l’amendement.

Mais d’autres sont plus sceptiques: «Sont-ce vraiment les fonds d’investissement les plus aptes à s’exprimer sur» les stratégies climat des entreprises, s’interroge-t-on au ministère de l’Économie, qui rappelle que la plupart des actionnaires cherchent à maximiser la rentabilité de leur investissement.

 

Millefeuille réglementaire

Bénédicte de Hautefort, cofondatrice de Scalens, fintech qui rassemble des données sur les entreprises européennes cotées, relève le manque de règle sur le contenu d’un «Say on Climate».

«On peut voter sur des niveaux d’émission de CO2, sur une stratégie générale, sur des étapes intermédiaires, c’est très hétérogène et on ne sait pas encore sur quoi il est pertinent de voter», dit-elle.

De plus, pour le ministère de l’Économie, d’autres textes réglementaires européens sont plus «ambitieux» qu’une généralisation des résolutions sur le climat.

À partir de 2025, les grandes entreprises européennes devront publier quantité d’informations extrafinancières ainsi qu’un plan de transition conforme à l’objectif de l’Accord de Paris, avec l’entrée en vigueur de la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD).

Un texte sur l’obligation d’un devoir de vigilance sur les atteintes à l’environnement et les violations des droits dans toute leur chaîne de production mondiale a également été voté en juin au Parlement européen.

«Il n’existe aucun consensus» ni de la part des entreprises ni des investisseurs «sur l’intérêt d’un Say on Climate», a défendu l’Association française des entreprises privées (Afep), lobby des grands groupes, dans un courriel adressé aux députés en amont du vote de la loi sur l’industrie verte du 22 juillet.

 

«Autorégulation»

Mais pour le FIR, la CSRD «seule n’incite pas au débat en assemblée générale», déplorait-il dans un courrier adressé au président Emmanuel Macron et au ministre de l’Industrie Roland Lescure.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) avait aussi appelé en mars les entreprises cotées à «poursuivre, voire renforcer leur dialogue actionnarial» en AG sur les stratégies climat. Sa commission Climat et Finance durable s’est prononcée en faveur d’une généralisation des «Say on Climate».

L’amendement, validé uniquement par l’Assemblée nationale, sera discuté en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs à la rentrée.