La majeure partie de l’impact environnemental du numérique se trouve donc du côté des appareils, dont la fabrication et le transport demandent de grandes quantités de matières premières, d’eau et d’énergie. « Nous avons accordé une attention particulière à notre utilisation du matériel et aux manières d’étirer leur durée de vie », explique Tristan Oertli. (Photo: 123RF)
NUMÉRIQUE DURABLE. Quelques entreprises québécoises ont amorcé le virage vers la sobriété numérique. Elles obtiennent rapidement des résultats et tentent même parfois d’attirer leurs propres clients sur cette voie.
La firme de services-conseils Talsom se spécialise depuis sa création en 2010 dans la transformation numérique. En 2019, elle est devenue l’une des premières firmes-conseils en technologie du Canada à décrocher la certification BCorp, qui indique qu’une entreprise répond à des exigences très élevées quant à sa gouvernance et à ses impacts environnementaux et sociaux (ESG).
« Nous voulons avoir un impact social et environnemental positif et nous prenons nos décisions en conséquence », explique Tristan Oertli, directeur, gestion du changement chez Talsom. L’une de ces décisions a provoqué un virage vers la sobriété numérique en 2020, au moment où le recours au télétravail explosait en raison de la pandémie. La firme a d’abord analysé son empreinte carbone, afin de pouvoir établir une feuille de route crédible et de suivre ses progrès. Elle a ensuite adopté différentes mesures pour réduire cet impact.
Le matériel dans la mire
Au Québec, en raison de l’omniprésence de l’hydroélectricité, la production d’électricité émet très peu de gaz à effet de serre (GES). La majeure partie de l’impact environnemental du numérique se trouve donc du côté des appareils, dont la fabrication et le transport demandent de grandes quantités de matières premières, d’eau et d’énergie. « Nous avons accordé une attention particulière à notre utilisation du matériel et aux manières d’étirer leur durée de vie », explique Tristan Oertli.
Les années précédentes, Talsom favorisait les tablettes, en raison de leur légèreté. Cependant, ces appareils sont très souvent difficiles à réparer. Talsom a décidé de choisir des équipements plus réparables et qui peuvent être remis à niveau pendant longtemps, même si cela signifie de renoncer aux tablettes.
La firme a aussi accordé une attention à ses fournisseurs de services (infonuagique, SAAS, intelligence artificielle, etc.) et de logiciels. « Nous optons pour ceux qui ont des solutions de stockage des données qui sont alimentées à l’énergie renouvelable, explique Tristan Oertli. Nous essayons également de trouver des solutions numériques qui découlent d’une écoconception. » Certaines certifications comme EPEAT ou TCO les aident à réaliser les bons choix.
Talsom cherche aussi à modifier les habitudes de ses employés. Fermer ses appareils la nuit pour économiser de l’énergie et ralentir l’usure, limiter les envois de pièces jointes ou encore réduire l’utilisation de la vidéoconférence et éteindre sa caméra lorsqu’on ne parle pas contribuent à diminuer l’impact environnemental du numérique. « Nous avons mesuré qu’en 2020, en quatre semaines, nous avons réduit notre empreinte collective de 17 tonnes de CO2, ce qui représenterait une baisse de 32 % sur une année », se réjouit le directeur.
Mettre les clients sur la bonne voie
L’agence numérique Valtech souhaite pour sa part atteindre la carboneutralité en 2040. Forcément, cela impliquera de diminuer son empreinte numérique. Cela commence par l’alimentation en énergie renouvelable des bureaux. Elle tente aussi d’inciter ses employés, qui travaillent de plus en plus de la maison, à utiliser une électricité et du chauffage alimentés à l’énergie renouvelable.
La firme a en outre modifié sa manière d’allouer de l’équipement à ses salariés. « Chez Valtech Montréal, un comité a élaboré une charte pour encadrer l’octroi des ordinateurs, explique Damien Lefebvre, vice-président exécutif pour l’Amérique du Nord. Quand un nouvel employé arrive, on lui recommande de prendre un ordinateur usagé. S’il a absolument besoin d’un deuxième écran, nous lui en proposons un à faible consommation énergétique. »
Valtech s’intéresse aussi à l’empreinte numérique de ses clients. La firme réalise des audits de leur site web, en mesure l’empreinte carbone, puis présente des recommandations. « Environ la moitié de l’énergie liée au site est consommée lorsque des usagers regardent les pages et nous pouvons souvent trouver des moyens de réduire cet impact assez rapidement de 30 à 40 % », explique Damien Lefebvre.
Il recommande aux entreprises de modifier certains éléments très énergivores, en particulier la vidéo. Beaucoup d’entreprises ont des vidéos, parfois longues de plusieurs minutes, qui se déclenchent automatiquement lorsqu’un internaute accède à leur site. Valtech conseille aussi aux entreprises qui développent leur premier site d’employer l’écoconception, afin de partir sur des bases plus saines.
La firme recommande à sa clientèle d’utiliser l’infonuagique, à condition que les serveurs du fournisseur soient alimentés à l’énergie renouvelable. C’est moins énergivore, mais cela permet surtout d’obtenir des données détaillées quant à la consommation d’énergie numérique. « Pour réduire son empreinte carbone, il faut d’abord avoir des données pour se mesurer et ces fournisseurs en transmettent beaucoup », indique Damien Lefebvre.