Guillaume Brunet, président du Collectif numérique (Photo: courtoisie)
ORGANISATION DU TRAVAIL. Ces derniers mois, le cabinet-conseil en ressources humaines Iceberg Management a été appelé à analyser des projets de retour au bureau pour diverses entreprises, entre autres dans les secteurs informatique et pharmaceutique. À plus d’une reprise, sa recommandation a été de « maximiser les espaces de travail » dans le respect des mesures sanitaires.
« Nous l’avons fait quand ça répondait à un besoin du client. Des gestionnaires nous ont rapporté beaucoup de détresse psychologique chez leurs employés et la présence au bureau est une façon de briser l’isolement et de remonter le moral des troupes », explique Julie Tardif, CRHA, cofondatrice d’Iceberg Management.
Une forme de retour au bureau peut toutefois demander un peu de patience et de persuasion de la part de l’employeur. « Un de nos clients a attendu un mois avant que des employés se présentent sur place, raconte la consultante. L’engouement est venu après les premières visites. » Il faut maintenant y réserver sa place deux semaines à l’avance pour avoir accès à un espace de travail.
Julie Tardif est convaincue que les travailleurs ont besoin de ce contact humain. En même temps, elle est consciente que chaque entreprise est différente. « Nous n’avons pas recommandé la présence au bureau lorsque le client ne vivait pas d’enjeux d’isolement dans ses équipes », assure celle dont l’entreprise a notamment conçu un guide pour le télétravail à 100%.
Une question de solidarité
Le retour des travailleurs au siège social de la Vie en Rose, situé dans Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, s’est effectué le 1er juin. « Pour nous, c’était une question de solidarité envers nos employés qui sont au front tous les jours, dans les magasins et au centre de distribution », fait valoir Lyne Raymond, CRHA, vice-présidente de l’administration et des ressources humaines de l’entreprise.
Les employés ont fait un retour par « bulle de travail » et selon une formule « 3-2-2-3 » – trois jours au bureau puis deux en télétravail une semaine et l’inverse la semaine suivante. « C’était aussi une question de santé mentale, précise Lyne Raymond. Se voir, ça fait du bien. Cet été, les employés étaient heureux et reconnaissants de pouvoir se voir et se parler. »
Elle admet avoir rencontré un peu de résistance au départ ; selon ses estimations, de 3 à 5 % se sont montrés « vraiment inquiets ». L’entreprise s’est par conséquent assuré de bien communiquer sa décision. Plusieurs mesures sanitaires ont aussi été mises en place, incluant la prise de température à l’entrée, l’installation de lavabos additionnels, de stations de désinfectant pour les mains et de purificateurs d’air.
« Je touche du bois, mais aucun cas n’a été déclaré dans nos bureaux jusqu’à maintenant », nous a affirmé Lyne Raymond le 1er décembre.
Un espace pour la collaboration et la créativité
À la sortie du confinement printanier, le Collectif numérique – un regroupement d’agences de marketing Web – a rouvert ses locaux du quartier montréalais Griffintown en laissant le choix aux employés d’y revenir ou non. L’engouement a été tel qu’un système de réservation a dû être rapidement mis en place pour respecter le taux d’occupation maximal de 25 %.
« On est une équipe tissée serrée, souligne Guillaume Brunet, président du regroupement. Les gens s’ennuyaient et avaient envie de se voir. » Mais il y a plus. En huit ans d’existence, le Collectif numérique a développé une culture de bureau de qualité, dont témoignent sa mention aux palmarès 2020 des Meilleurs lieux de travail au Canada (35e) et au Québec (2e) de l’organisme Great Place to Work.
« Je n’ai jamais été un adepte de télétravail, avoue Guillaume Brunet. Je trouve que c’est mal adapté à la nature de notre métier de création marketing et à l’esprit d’agence que l’on veut créer. » Le président remarque combien il est peu inspirant de faire un brainstorm lorsque chaque personne est isolée chez elle. Cet environnement est aussi moins profitable pour les jeunes professionnels en début de carrière. « Travailler dans un espace à aire ouverte favorise le coaching et le partage d’information avec le gestionnaire », rappelle-t-il.
Avec le recul, Guillaume Brunet tire néanmoins quelques leçons du télétravail obligatoire. « Avait-on besoin de venir au bureau tous les jours ? Sans doute que non. La pandémie nous a aussi forcés à formaliser nos communications internes, et ce sont des processus qui vont demeurer. »
Démontrer la valeur ajoutée
Manon Poirier, directrice générale de l’Ordre des CRHA, voit d’autres raisons légitimes pour un employeur de demander aux employés de se présenter au bureau. « Si une entreprise veut favoriser la cohésion d’une équipe, intégrer un nouvel employé ou souligner un jalon important d’un projet, je crois que ce sont toutes des motivations qui s’expliquent et se comprennent. » Elle a toutefois moins de sympathie pour une entreprise qui exigerait un retour au bureau pour avoir ses employés à l’œil.
« Le défi des employeurs qui vont exiger le retour de leurs employés au bureau, maintenant ou plus tard, c’est de démontrer qu’il y a une valeur ajoutée à leur déplacement », résume Manon Poirier.