Les acteurs du développement économique de la région de Matane sauront à l’automne si le manufacturier européen qu’ils courtisent depuis des mois choisira Matane comme base nord-américaine de ses opérations. (Photo: 123RF)
PARCS INDUSTRIELS. Congés de taxes, terrains à bas prix, encadrement des nouveaux travailleurs : les municipalités du Québec rivalisent d’imagination pour attirer les investisseurs chez elles, dynamiser les commerces et gonfler les revenus. Les Affaires vous révèle quelques-uns des secrets de moins en moins bien gardés des municipalités pour faire les yeux doux aux entrepreneurs.
Les acteurs du développement économique de la région de Matane se croisent les doigts. Ils sauront à l’automne si le manufacturier européen qu’ils courtisent depuis des mois choisira Matane comme base nord-américaine de ses opérations. « On leur a fait la grande séduction », lance Jean Langelier, directeur-général de Développement économique Matanie (DEM), non sans fierté que la ville soit la finaliste québécoise de cette entreprise, qu’il ne peut identifier pour des raisons de confidentialité.
« On a réussi à tirer notre épingle du jeu parce qu’on a une proposition unique au niveau des terrains, de la logistique de transport, de la main-d’œuvre, de l’accueil, du logement, etc. », explique M. Langelier.
Ces trois dernières années, sa stratégie de démarchage a reposé sur une idée à la fois simple et fondamentale : savoir ce qu’on veut et ce qu’on peut offrir. « On est allés avec le tissu industriel existant : les énergies renouvelables, la foresterie, la transformation alimentaire et la fabrication de bateau », souligne le directeur-général.
En parallèle, poursuit-il, il a fallu déterminer la proposition de valeur du parc industriel : un port en eau profonde, le traversier-rail, une voie ferrée est-ouest, des terrains vacants, de la main-d’œuvre disponible et de la capacité hydroélectrique.
C’est une fois ce travail initial terminé que le démarchage auprès d’entreprises ciblées, situées partout sur la planète, s’est amorcé en collaboration avec Investissement Québec International.
Au-delà des terrains
La disponibilité des terrains, l’accès aux réseaux de transport et à la puissance électrique demeurent des facteurs d’attractivité incontournables, souligne pour sa part Vincent Lecorne, directeur-général de l’Association des professionnels en développement économique du Québec (APDEQ). Cela dit, il ne s’agit que d’une base de travail, d’une ossature si l’on veut autour de laquelle la proposition faite à l’entrepreneur va s’articuler.
Ainsi, il faut mettre en place des services de soutien aux entreprises pour leur faciliter la vie, explique M. Lecorne. « On doit soutenir un peu plus les entreprises dans les volets techniques de leur gestion. »
Parmi l’éventail de possibilités ? Réaliser des études de préfaisabilité pour le compte des entrepreneurs ou offrir des services de soutien en ressources humaines, par exemple. De plus, le parc doit désormais constituer un cadre de vie agréable pour les travailleurs qui y passeront une partie de leur vie. Il faut prévoir des espaces verts, aménager des pistes cyclables, rendre le transport collectif accessible ou encore, veiller à la présence de garderies.
« Il faut adopter une approche moderne, c’est-à-dire être beaucoup plus à l’écoute des besoins des entreprises », soutient Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la Faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval.
Selon lui, simplifier la vie des entrepreneurs revient à se donner un avantage concurrentiel par rapport à d’autres régions ou d’autres législations.
En Matanie, comme ailleurs au Québec, simplifier la vie des entrepreneurs implique d’amincir la frontière entre l’administration municipale et l’investisseur. « Quand je veux prendre rendez-vous avec le maire ou son directeur-général, ça veut dire ne pas avoir à passer par son secrétaire et deux sous-fifres pour en obtenir un dans trois semaines », explique Jean Langelier.
Une équipe de professionnels efficaces devient indispensable, souligne de son côté le professeur Cimon. « Ne serait-ce qu’avoir des agents de développement industriel très proactifs, qui fournissent un service clé en main, c’est déjà très favorable à l’investissement. »
Peut-être plus fondamental encore, le développement économique doit se réfléchir en amont, explique Yan Cimon. Et ce, avant même de dérouler le tapis rouge à un investisseur. On doit donc d’abord s’assurer de disposer des infrastructures nécessaires pour accueillir l’entreprise, bien entendu, et par la suite de prévoir ses besoins éventuels.
Pour le professeur, chaque entreprise s’inscrit dans une chaîne de valeur. Soutenir une entreprise peut nécessiter l’aide de maillons importants de sa chaîne d’approvisionnement qui se trouve à proximité. « Ça peut être un outil de compétitivité significatif », croit M. Cimon qui voit par ailleurs dans le développement de circuits courts d’approvisionnement, un levier potentiel pour les régions plus excentrées, moins favorisées par les réseaux de transport traditionnels.