Selon un sondage Léger Concilivi mené en 2023, 62 % des travailleurs seraient prêts à changer d’emploi si on leur offrait de meilleures mesures de conciliation famille-travail. (Photo: 123RF)
PÉNURIE DE TALENTS. Avec les impératifs de production, il peut être difficile d’offrir de la flexibilité aux travailleurs du secteur manufacturier. Spécialisée en transformation de métal, l’entreprise Synertek de Lévis fait exception à la règle. À la clé: des horaires à la carte et une panoplie de mesures favorisant la conciliation travail-famille.
Depuis une dizaine d’années, l’entreprise Synertek propose des horaires à la carte à son équipe. Il existe cinq options qui permettent de travailler de jour, de commencer aux aurores, de condenser son horaire sur quatre jours ou d’alléger ses heures pour les préretraités. « À la demande d’un employé, nous avons récemment ajouté un horaire pour les insomniaques qui se concentre du lundi au jeudi entre 5 h 30 à 16 h. Nous avons consulté l’équipe et une dizaine de personnes ont choisi cette option », raconte Léa Cullen-Robitaille, directrice des ressources humaines.
Aujourd’hui, les 85 employés de l’entreprise — qui compte entre autres soudeurs, assembleurs, opérateurs et peintres — peuvent choisir deux fois par année l’option qui leur convient le mieux. L’entreprise analyse ensuite si c’est possible, en fonction du département et des autres membres de l’équipe. « Pour tenir compte des situations particulières des employés, nous offrons aussi des accommodements temporaires à l’horaire régulier, par exemple pour aider les parents qui doivent aller porter leur enfant à la garderie. » Les travailleurs ont aussi beaucoup de latitude pour reprendre leurs heures s’ils doivent s’absenter, ce qui est très apprécié, note la directrice.
Même les étudiants bénéficient d’un horaire de travail taillé sur mesure. La variété d’horaires s’accompagne d’une série de mesures pour faciliter la vie des employés, comme la pose de pneus au travail, une banque de congés offerts sans justification et fractionnables allant jusqu’à 32 heures, des consultations gratuites avec un planificateur financier, un programme d’aide aux employés et même une salle d’entraînement sur place. « Toutes ces mesures permettent de diminuer le stress que peuvent vivre les employés et donc d’améliorer leur qualité de vie et leur bien-être », explique Léa Cullen-Robitaille.
Le défi de la flexibilité
Qu’on parle d’échéanciers serrés ou d’impossibilité d’arrêter la production : certaines contraintes peuvent freiner l’implantation de mesures de conciliation famille-travail dans le secteur manufacturier, note Corinne Vachon Croteau, directrice générale du Réseau pour un Québec Famille.
Comme le montre l’exemple de Synertek, ce n’est pas impossible pour autant. « Offrir des horaires personnalisables, avec des plages horaires sélectionnées à l’avance, peut s’avérer une solution intéressante », note la directrice générale. La recherche montre aussi que les équipes autogérées sont plus à même d’organiser horaires et tâches en fonction des besoins de chacun, ajoute-t-elle. « Une autre alternative, c’est de former les employés pour qu’ils soient polyvalents, poursuit-elle. Certaines organisations vont y consacrer leurs périodes plus creuses. Ainsi, les travailleurs sont en mesure de se remplacer les uns les autres. »
C’est la voie qu’a choisie Synertek, alors que certains opérateurs peuvent remplacer au pied levé. « Nous misons beaucoup sur l’entraide entre les départements, sur la rotation d’emploi et nous embauchons du personnel supplémentaire pour pallier les vacances estivales », explique Léa Cullen-Robitaille.
Tous ces efforts ont un effet réel sur l’attraction et la fidélisation de la main-d’œuvre, alors que 62 % des travailleurs seraient prêts à changer d’emploi si on leur offrait de meilleures mesures de conciliation famille-travail et que 30 % seraient même prêts à accepter une réduction de salaire en échange de meilleures conditions, selon un sondage Léger Concilivi mené en 2023.
Le déploiement de telles mesures permet d’ailleurs à Synertek de se démarquer de la concurrence au moment de recruter. « Malgré la pénurie, nous avons toujours réussi à tirer notre épingle du jeu grâce à l’ensemble de nos mesures en lien avec la conciliation, la santé et le bien-être des employés », résume Léa Cullen-Robitaille.
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Trois conseils pour améliorer la conciliation
1. Consulter ses employés
« La clé, c’est d’impliquer les employés, assure Corinne Vachon Croteau. C’est la meilleure façon de s’assurer que les initiatives vont réellement répondre à leurs besoins et ne seront pas qu’un coup d’épée dans l’eau. »
2. Passer par un projet-pilote
Pas certain d’une initiative ? La création d’un projet-pilote pour en tester les effets peut être judicieuse, estime la directrice générale. « C’est d’autant plus intéressant dans le secteur manufacturier, parce que l’implantation de mesures de conciliation famille-travail peut amener des changements dans la planification et dans l’organisation du travail. »
3. Formaliser ses mesures
Pour éviter la gestion « au cas par cas », il vaut mieux avoir une politique formelle où toutes les mesures de conciliation famille-travail sont consignées par écrit, poursuit la spécialiste. Selon elle, cela enlève un stress aux employés qui n’ont pas l’impression d’avoir à négocier chaque fois, en plus de réduire les iniquités.