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Claude Pinard, le PDG qui veut jaser pauvreté

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑novembre 2022

Claude Pinard, le PDG qui veut jaser pauvreté

Claude Pinard, PDG de Centraide du Grand Montréal (Photo: courtoisie)

PHILANTHROPIE. Claude Pinard, PDG de Centraide du Grand Montréal, s’est donné pour mission d’alimenter la discussion collective sur la pauvreté et l’exclusion sociale. Entrevue avec celui qui est entré en poste en juillet 2021.

Les Affaires : En mai dernier, vous avez écrit que le secteur communautaire était plongé dans une « tempête parfaite ». Pouvez-vous préciser votre pensée ?

Claude Pinard : Si le Grand Montréal n’avait pas pu compter sur un filet social solide lors de la pandémie de COVID-19, il y a fort à parier que ses habitants auraient connu des temps beaucoup plus difficiles. Cet élan de solidarité a toutefois laissé des traces dans le milieu ; plusieurs organismes se relèvent encore de ces temps difficiles. Malheureusement, ils doivent déjà faire face à la prochaine crise : celle combinée de la hausse du coût de la vie et de la pénurie de main-d’œuvre. S’il est vrai qu’un organisme communautaire ne ferme jamais ses portes et, au contraire, trouve toujours des solutions malgré l’adversité, cela met toutefois à rude épreuve ses capacités d’adaptation.

 

L. A. : C’est-à-dire ?

C. P. : L’augmentation des charges d’exploitation, y compris des salaires, pour garder ses employés en poste, a une conséquence réelle sur la capacité des organismes communautaires à fournir des services. C’est particulièrement prononcé en sécurité alimentaire, où une part sans cesse grandissante du budget est désormais consacrée à l’achat de nourriture et d’essence, pour remplir les camions de livraison. Ajoutez à cela l’effet multiplicateur de la pauvreté, c’est-à-dire le fait qu’un travailleur à petit salaire se retrouve désormais à solliciter de l’aide alimentaire, ce qu’on ne voyait pas auparavant, et vous obtenez une crise sociale de grande ampleur.

 

L. A.: La pénurie de logements abordables n’améliore pas la situation…

C. P. : Et pour cause ! Environ 15 % des résidents de la région métropolitaine de Montréal consacrent 51 % ou plus de leur budget à se loger. C’est une situation intenable. Comme nous sommes un investisseur social stratégique, nous avons le pouvoir de rassembler l’ensemble des acteurs de la société québécoise autour de ce problème. Il faut l’élever au niveau de priorité nationale, c’est urgent. Le prix à payer pour se loger est une des principales causes de l’effet multiplicateur de la pauvreté généré par l’inflation. En nous y attaquant collectivement, nous réduirons sans l’ombre d’un doute les inégalités sociales qui affligent des centaines de milliers de personnes en situation de vulnérabilité.

 

 L. A. : Votre campagne publicitaire « Sans le poids de la pauvreté et de l’exclusion, c’est fou comme on peut s’élever » tape d’ailleurs sur ce clou.

C. P. : L’idée est sans contredit de prendre une place dans l’espace public. Si nous ne parlons pas de pauvreté, qui le fera ? Nous donnons à la fois une voix et une voie au milieu communautaire. Cette présence accrue porte ses fruits. Jusqu’à tout récemment, nos décideurs étaient plutôt réticents à reconnaître l’existence d’une crise du logement dans le Grand Montréal et à la grandeur du Québec. Ce n’est désormais plus le cas, et c’est en partie grâce à nous. Plus personne ne doute qu’il y a un manque de logements abordables, salubres, accessibles. Autrement dit, qu’il y a une inadéquation entre l’offre et la demande. Limiter la conversation au seul taux d’inoccupation est trompeur.

 

L. A. : Quels sont vos objectifs pour votre 49e campagne annuelle qui est en train de se dérouler ?

C. P. : Nous avons bon espoir de surpasser le montant amassé lors de notre précédente campagne. Pour ce faire, nous comptons entre autres sur les donateurs corporatifs, qui sont à la source d’environ 65 % des fonds collectés. C’est deux dollars sur trois ! On parle de plus de 400 organisations dans le Grand Montréal, composées autant de grandes entreprises du Québec inc. que de PME, d’universités et d’institutions publiques. Nos signaux pour 2022 sont d’ailleurs excellents. Cela s’explique par le retour en personne dans les bureaux qui a eu pour effet de doper les taux de participation. Quand un organisme s’engage et donne, cela montre l’exemple à ses semblables. Chaque petit geste compte dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.