Maggie Borowiec, directrice du développement philanthropique à Moisson Montréal (Photo: courtoisie)
PHILANTHROPIE. Dans le cercle des organismes caritatifs, le taux de rétention après cinq ans fait un peu office de mesure étalon de l’engagement. Plus ce taux est élevé, plus fidèles sont les donateurs à l’égard d’une cause — ils l’ont en quelque sorte tatouée sur le cœur ! Lorsque Sam Watts, président-directeur général de Mission Bon Accueil, dévoile que 75 % des donateurs de l’organisme continuent à contribuer au-delà de cette période, on comprend donc qu’il s’agit d’une source incroyable de fierté. « C’est un chiffre extraordinaire dans le secteur », se réjouit celui qui pilote la vénérable institution depuis 2016.
Pérenniser la générosité exige toutefois une somme colossale de temps et d’effort, surtout auprès des donateurs corporatifs. Environ 25 % des dons reçus par Mission Bon Accueil sont attribuables aux entreprises. Mais, attention : il ne s’agit pas seulement de remettre un grand chèque par année, séance photo de dignitaires incluse. « Il faut que nos objectifs communs s’alignent de manière à ce que tous y gagnent. Cela signifie de bien répondre au désir d’implication de nos partenaires, sous la forme d’occasions de bénévolat par exemple », expose-t-il.
Témoigner de l’effet durable des dons est l’une des stratégies à mettre en place pour s’assurer de la fidélité des entreprises. Le rapport annuel est un outil pour y parvenir, mais il en existe d’autres. L’important reste de faire preuve d’authenticité plutôt que de s’inspirer de formules toutes faites destinées à l’échec. « Les canaux de communication doivent toujours demeurer ouverts. C’est nécessaire pour témoigner notre reconnaissance sur une base régulière, dans un esprit de transparence et de responsabilité envers ceux qui nous appuient », affirme Sam Watts.
Objectif: récurrence
La fidélisation des donateurs corporatifs représente une des voies d’avenir pour les organismes de bienfaisance, si l’on en croit une récente étude sur l’évolution de la philanthropie au Québec. Celle-ci montre que 35 % de ces donateurs continuent de contribuer à la même cause après cinq ans, ce qui illustre l’importance de disposer d’un plan qui leur est consacré. « L’engagement des représentants de ce secteur dans la gouvernance, les comités et les programmes de financement pourrait être une stratégie à développer », peut-on lire dans le document publié en juin dernier.
C’est exactement ce que fait Moisson Montréal, la banque alimentaire de la métropole. « Notre conseil d’administration est composé de nombreux représentants du milieu des affaires, explique Maggie Borowiec, directrice du développement philanthropique à Moisson Montréal. Ils n’hésitent pas à partager leur expertise unique au nom de notre cause. » Dans le contexte de projets d’envergure dans son entrepôt de 11 000 mètres carrés, l’organisme de bienfaisance a ainsi pu compter sur l’expertise d’Eddy Junior Savoie, président exécutif construction du Groupe Savoie, qui gère les Résidences Soleil.
Ce sont les retombées des dons effectués auprès de Moisson Montréal qui incite l’entreprise familiale à renouveler année après année, depuis près de 15 ans, son engagement. « Ils atteignent de hauts niveaux de performance dans leur mission de lutte à l’insécurité alimentaire. Notre implication change des vies, c’est très concret », commente celui qui est aussi membre actif du comité Golf et du Club des ambassadeurs de Moisson Montréal. L’effet de levier, il faut le dire, est impressionnant : chaque dollar donné à la banque alimentaire lui permet de redistribuer plus de 15 $ de nourriture.
Ces partenariats de longue date sont synonymes de stabilité pour les organismes caritatifs. Dans un milieu où les besoins de la population tendent — malheureusement — à croître plutôt qu’à diminuer, cela représente de l’or en barre. « C’est comme dans le secteur privé : un haut taux de roulement du personnel est coûteux pour l’organisation, illustre Maggie Borowiec. Les entreprises qui changent de cause chaque année comme dans un jeu de chaises musicales nuisent autant aux missions qu’ils prétendent aider qu’à leur propre image. »
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Un cas d’école
Le plus récent rapport annuel de Moisson Montréal constitue une véritable mine d’information. On y apprend que la banque alimentaire distribue annuellement 17,1 millions de kilogrammes de denrées et autres produits essentiels, et appuie sur une base régulière 300 organismes communautaires accrédités sur l’île de Montréal, ce qui lui permet en fin de compte de combler 714 000 demandes d’aide alimentaire chaque mois. Pas surprenant que Moisson Montréal figure parmi les 100 organismes les plus haut notés du Canada en matière de transparence, de responsabilité, d’efficience et d’impact en 2021.