Le secteur philanthropique traverse une tempête parfaite
Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑novembre 2022ans les cinq dernières années, le nombre de dons et de donateurs individuels est demeuré assez identique, révèle une étude sur l’évolution de la philanthropie au Québec publiée en juin dernier et réalisée notamment pour le compte de BNP Performance philanthropique. Malgré cette baisse notable de l’engagement, la contribution totale des donateurs individuels a augmenté. Autrement dit, bien que la tarte soit plus grosse, le nombre de parts à se diviser est demeuré le même. (Photo: 123RF)
PHILANTHROPIE. Inflation galopante, pénurie de main-d’œuvre, besoins sans cesse grandissants de la population : le secteur québécois de la philanthropie traverse actuellement une tempête parfaite. Cela n’est pas sans mettre à rude épreuve les nerfs des gestionnaires d’organismes de bienfaisance. « Notre mission consiste à accompagner les gens dans la création de fonds philanthropiques. Or, la conjoncture économique frappe tout le monde, ce qui freine les élans de générosité », raconte André Roy, président-directeur général de la Fondation Québec philanthrope. « C’est un dur moment à passer. »
Le portrait est peu réjouissant pour cette fondation communautaire, l’une des plus grandes du Québec. Confrontée à des rendements négatifs, une première depuis longtemps, elle voit son actif de 100 millions de dollars fondre comme neige au soleil. « Nous sommes moins riches que nous l’étions l’année passée », résume-t-il. Résultat : une marge de manœuvre moindre pour l’organisme, qui compte une dizaine d’employés dont les salaires ne peuvent être compressés. Au contraire, il faudrait idéalement que ces derniers suivent l’augmentation du coût de la vie, « ce qui est impossible à l’heure actuelle ».
Dans un contexte où l’on s’arrache les travailleurs à grand renfort de surenchères salariales, cette situation représente une épée de Damoclès pour l’organisme philanthropique. « La rétention de la main-d’œuvre demeure une question d’argent, quoi qu’on en pense. Nos employés ont beau être des gens de cœur, ils ont des hypothèques à rembourser et des garde-manger à remplir », affirme André Roy, qui n’entrevoit pas d’éclaircies à court terme. « L’automne est habituellement une bonne saison pour nous. J’espère que ce sera aussi le cas cette année. »
Gare à l’épuisement
La situation est un peu partout la même dans le milieu caritatif, confirme Daniel Lanteigne, consultant principal en philanthropie et directeur du développement des affaires pour le cabinet-conseil BNP Performance philanthropique. « Devant leur conseil d’administration, les directions générales veulent paraître en contrôle, et non en état de vulnérabilité. Elles n’ont donc personne vers qui se tourner pour faire part de leurs problèmes, au risque de paraître faibles », souligne l’expert, qui n’hésite pas à évoquer des questions de santé mentale chez certains dirigeants surmenés.
Il faut dire que la pression à la performance, qui se mesure en dons obtenus, n’a jamais été aussi forte. Dans les cinq dernières années, le nombre de dons et de donateurs individuels est demeuré assez identique, révèle une étude sur l’évolution de la philanthropie au Québec publiée en juin dernier et réalisée notamment pour le compte de BNP Performance philanthropique, Logilys, Unicause et Absolu. Malgré cette baisse notable de l’engagement, la contribution totale des donateurs individuels a augmenté. Autrement dit, bien que la tarte soit plus grosse, le nombre de parts à se diviser est demeuré le même.
Si tout n’est pas rose, il existe tout de même des solutions que tous les organismes de bienfaisance — même ceux dont la mission bénéficie d’un moindre capital de sympathie — peuvent mettre en place. Ainsi, tous les gestionnaires sans exception devraient prendre soin de leurs employés. « Ils viennent travailler chez vous, gardez-les ! » s’exclame Daniel Lanteigne. Ils gagneraient aussi à ventiler sur leurs propres réalités « dans des cercles de leaders ou auprès de coachs professionnels ».
Il existe par ailleurs une ligne de soutien psychologique destinée aux personnes qui travaillent dans le secteur communautaire : LÉO. Lancé en juin 2020 en réponse à la détresse psychologique liée à la pandémie, le service demeure pertinent ; le tiers des employés du milieu québécois affirme vivre de l’épuisement, selon une enquête de 2021. « Dans les 14 secteurs des organismes sans but lucratif, on me parle beaucoup de fatigue liée aux changements répétés », confirme Stéphane Parent, directeur général d’Espace OBNL, qui met des services et des ressources à la disposition des gestionnaires d’OSBL.
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5 millions de dollars
C’est l’aide financière que remet, bon an, mal an, la Fondation Québec philanthrope à près de 500 organismes de bienfaisance et boursiers de la grande région de la Capitale-Nationale, de Chaudière-Appalaches et de leurs environs.