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Soutenir le changement social par la philanthropie

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑mai 2022

Soutenir le changement social par la philanthropie

Delphine Brodeur, présidente et directrice générale de la Fondation CHU Sainte-Justine (Photo: Stéphane Ballard)

PHILANTHROPIE. Sur la petite planète de la philanthropie québécoise, la Fondation Béati est un cas à part. Depuis sa création, en 1990, la fondation subventionnaire se démarque par «son progressisme et sa capacité à soutenir le changement social», lit-on dans une analyse du PhiLab, le Réseau canadien de recherche partenariale sur la philanthropie. Son histoire est notamment marquée par l’exploration de nouveaux outils d’investissement socialement responsable bien avant que le concept ne soit à la mode.

«Nous avions déjà commencé à investir dans le microcrédit, ou crédit communautaire, dès les années 1990. C’était assez marginal, soit à peine 1% de notre capital, ce qui était bien peu audacieux quand on le regarde avec le recul», raconte Jacques Bordeleau, qui était jusqu’au 11 avril dernier directeur général de la Fondation Béati, poste qu’il a occupé pendant 21 ans. Nadia Duguay lui a depuis succédé et il porte désormais le titre de conseiller stratégique en partenariats et en développement.

C’est à partir du milieu des années 2000 qu’une réelle réflexion s’est amorcée à la Fondation Béati. En 2007, elle a adopté une politique d’investissement socialement responsable. Puis, quelques années plus tard, elle s’est fixé une cible d’investissement de 10% de ses actifs dans la finance solidaire. Sa plus récente politique, adoptée en 2017, intègre quant à elle des critères en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Ce document devrait en principe être mis à jour d’ici l’automne prochain.

Ce qui caractérise cette politique? L’importance accordée à l’engagement actionnarial, répond Jacques Bordeleau. «Nos attentes sont assez élevées en matière de reddition de comptes, affirme-t-il. Nous exigeons que notre gestionnaire de portefeuille [Jarislowsky Fraser] nous informe des actions qu’il prend pour améliorer son bilan ESG.» L’objectif est que celui-ci soit le plus compatible possible avec la mission de la Fondation Béati, soit de «contribuer à construire un monde plus juste et plus solidaire».

 

Une soif de transparence

On assiste à une professionnalisation du milieu philanthropique québécoise. Cela s’explique notamment par l’arrivée à maturité de ce dernier, qui accuse historiquement un retard par rapport au reste du pays — la moyenne des dons au Québec est encore inférieure à celle du reste du Canada. «Les donateurs sont de plus en plus informés et souhaitent suivre l’impact de leur dollar philanthropique», souligne Delphine Brodeur, présidente et directrice générale de la Fondation CHU Sainte-Justine.

En 2014, l’organisme de santé est par exemple devenu le tout premier au Québec à obtenir l’accréditation d’Imagine Canada, laquelle a depuis été renouvelée. «Ce programme d’agrément agit comme un sceau de qualité, de transparence», fait valoir Laurence Langlois-Parent, vice-présidente aux opérations à la Fondation CHU Sainte-Justine. Il faut satisfaire à des critères rigoureux, entre autres en matière de gouvernance du conseil d’administration et de collecte de fonds, pour être accrédité.

La Fondation du CHU Sainte-Justine a par ailleurs récemment ajouté des actifs ESG à sa politique de placement. Même chose du côté de la Fondation du Grand Montréal, qui a dévoilé en novembre dernier sa nouvelle stratégie d’investissement responsable. Sa politique de placement devra désormais en respecter les principes, comme de réduire l’empreinte carbone du portefeuille de 45% d’ici 2030. On parle même d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, conformément à l’Accord de Paris sur le climat.

«Voici ce qu’on pense qui doit être fait, voici le chemin dans lequel nous croyons que la société doit s’engager», affirme le président et directeur général de la Fondation du Grand Montréal, Karel Mayrand. Dans les semaines suivant l’annonce, la fondation a été encensée de commentaires élogieux de la part de ses plus de 700 détenteurs de fonds philanthropiques. Mieux encore: elle a reçu près de 40 millions de dollars de nouvelles contributions dans des fonds préexistants ou nouveaux.

«Il y a un réel besoin sur le marché. Les gens veulent savoir à quoi sert leur argent, pas juste quels sont les rendements et frais de gestion», constate Karel Mayrand. C’est pourquoi la Fondation du Grand Montréal a bonifié son comité de placement d’experts en investissements ESG en amont de la révision de sa politique.

«Les réticences, dans le milieu, proviennent surtout de la peur de laisser des rendements sur la table, note-t-il. De là l’idée de s’outiller ; nous voulons remplir dûment notre devoir fiduciaire.»