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Le bien-être collectif avant tout

Louise Champoux-Paillé|Publié le 02 janvier 2024

Le bien-être collectif avant tout

L’an dernier, les trois quarts des banques alimentaires québécoises ont manqué de denrées pour répondre aux besoins de la population. (Photo: 123RF)

EXPERTE INVITÉE. Selon un récent rapport publié par Les Banques alimentaires du Québec, un Québécois sur dix avait besoin d’aide pour nourrir adéquatement sa famille en 2023. Signe que la pauvreté prend de nouveaux visages, les banques alimentaires ont aidé un nombre record de travailleurs, dont le salaire n’est plus suffisant pour se nourrir et qui ont eu recours au dépannage alimentaire dans la dernière année. Plus précisément, 18% des ménages aidés en 2023 avaient un emploi comme principale source de revenus, une statistique qui a doublé par rapport à 2019. L’an dernier, les trois quarts des banques alimentaires québécoises ont manqué de denrées pour répondre aux besoins de la population.

Une telle situation n’est pas unique au Québec. Les banques alimentaires canadiennes ont enregistré deux millions de visite en mars 2023, en hausse de 32% par rapport à mars 2022 et de 78% par rapport à mars 2019.

 

«Un univers où le verbe avoir
A pris l’dessus sur le verbe être
Où tous les gens se font accroire
Qu’la possession est la seule quête»
– Les Cowboys Fringants, « Si la vie vous intéresse »

Une préoccupation sociétale

Le S des facteurs ESG (environnement, société, gouvernance) a pour objectif d’apprécier l’engagement des entreprises face à la collectivité où elles opèrent en versant notamment leur juste part d’impôts, en octroyant des dons ou en pratiquant d’autres activités philanthropiques, en jouant un rôle dans des organismes qui offrent des services à la population, en appuyant des projets communautaires, bref en ayant un impact dans leur milieu.

Au fond, c’est un moyen d’évaluer leur contribution à l’atteinte du premier objectif du développement durable, soit celui de mettre fin à la pauvreté dans le monde d’ici 2030. Objectif ambitieux, cela est vrai.

La lecture des différents rapports de responsabilité sociale, de développement durable ou autre appellation similaire, me conduit à la conclusion que cet engagement se limite bien souvent à des dons ou activités philanthropiques.

Est-ce vraiment ce qu’un organisme comme les Nations Unies, instigateur des objectifs de développement durable, s’attend des entreprises ? Est-ce ce que la population québécoise ou d’ailleurs souhaite et espère?

L’abbé Pierre a écrit: «Le contraire de la misère, ce n’est pas la richesse. Le contraire de la misère, c’est le partage». En visionnant le film biographique qui lui a été consacré en 2023, L’abbé Pierre – Une vie de combat, on ressent un malaise en constant que la lutte menée toute sa vie durant par l’abbé Pierre contre la pauvreté et l’injustice demeure cruellement toujours d’actualité.

Malgré les difficultés rencontrées au cours de la pandémie, les marges bénéficiaires des entreprises ne cessent d’augmenter. Le journaliste Olivier Bourque, de Radio-Canada, observait que certaines entreprises profitent peut-être du contexte d’inflation pour hausser leurs prix plus que nécessaire. Ce phénomène a d’ailleurs maintenant un nom et s’appelle l’avarice-flation (greedflation en anglais).

N’est-il pas temps de penser à de nouvelles façons de répartir la richesse en envisageant de partager la profitabilité entre les dirigeants, les actionnaires, les employés et la société dans son ensemble?

Un concept intéressant pourrait être la création d’un dividende sociétal, idée empruntée du Crédit Mutuel Alliance Fédérale en France, qui consiste à affecter 10% de leurs bénéfices à des projets de solidarité sociale favorisant l’inclusion des plus démunis de notre société dans la création globale de valeur pour la société dans son ensemble.

 

Pour un retour en force des valeurs humanistes

En ce début d’année 2024, le S des facteurs ESG, et la préoccupation sociétale qu’il sous-tend, ne devrait-il pas enfin prendre plus de place dans nos orientations ESG et ainsi créer un monde plus juste et équitable ?

Pour se faire, il faut probablement changer notre conception des modèles d’affaires: passer d’un modèle de création de valeur fermée, qui exclut la communauté sociale et l’environnement dans lequel l’entreprise prospère, à un modèle de création de valeur ouverte, qui inclut la communauté locale en tant que partie prenante au bénéfice de la valeur qu’elle participe à créer, au même titre que ses actionnaires.

Le défi et l’urgence de la situation nous obligent à nous dépasser, à penser grand.