Le milieu philanthropique doit se remettre en question s’il veut mieux cibler les problèmes qu’il vise à endiguer. (Photo: 123RF)
PHILANTROPIE. La question de la mutualisation laisse entendre qu’il existe beaucoup d’organismes caritatifs. Pour le professeur de sociologie à l’UQAM et codirecteur du PhiLab, le réseau canadien de recherche partenariale sur la philanthropie, Jean-Marc Fontan, le milieu doit mener une opération d’unification et d’éducation s’il veut mieux cibler les problèmes qu’il vise à endiguer.
Jean-Marc Fontan ne croit pas qu’il y a trop d’organismes au Québec. « C’est une vieille question. Je ne pense pas qu’il y ait trop d’acteurs, mais il y en a peut-être quelques-uns dont la mission pourrait être légèrement modifiée, dit-il. Certains territoires gagneraient à être déplacés parce que les réalités changent, il y a de nouveaux arrivants et il y a des territoires qui manquent de ressources. Les financements sont faits souvent par projets et non pas par territoires. Donc, non, il n’y a pas trop d’organismes, mais il pourrait certainement y avoir un meilleur travail de coordination entre certains d’entre eux. »
L’un des grands problèmes actuels des fondations et des organismes est celui de l’attention des donateurs. Dans une offre énorme, comment faire pour s’y retrouver en fonction des besoins les plus criants et de ses propres valeurs ? « Il y aurait une espèce de ménage à faire autour de l’offre sur le marché du don, dit Jean-Marc Fontan. Il n’existe pas d’organisation centrale, de « think tank » qui pourrait avoir une influence sur l’ensemble de la population et contribuer à rendre visibles les priorités. »
Cela dit, le professeur n’est pas en faveur d’une philanthropie ultrarégulée, monolithique. « On est quand même dans un monde libre où les gens choisissent d’investir dans les causes qui leur conviennent, dit-il. La voie, c’est donc peut-être [d’avoir] une plus grande transparence, une plus grande clarté par rapport à où vont les dons, les résultats engendrés, pour que les causes soient mieux connues et captent mieux l’attention du public. »
Conscientisation nécessaire
La question de savoir à qui revient la responsabilité de rendre visibles les causes les plus urgentes contient plusieurs nuances, selon Jean-Marc Fontan. Certes, le milieu philanthropique a ce travail d’éducation à faire, mais le sujet doit être reconnecté à la sphère politique. « Il revient au milieu philanthropique de mieux faire comprendre au public les causes qui sont centrales, à la fois en matière de dons en argent, mais aussi de don de sa voix au moment des élections.»
Le public peut s’exprimer non seulement par les dons, mais par le vote, pour que les dirigeants élus reflètent les préoccupations, croit-il. Et par l’investissement de soi. «C’est aussi cela qu’il faut faire passer comme message: notre vie ne se résume pas à travailler, à consommer de la culture et à avoir des loisirs; il y a aussi un temps qui doit être consacré à l’autre, soit monétairement ou [de façon] bénévole. »
Ultimement, le professeur milite non seulement pour un « ménage » au sein du milieu, mais pour une réflexion plus large. « Dans la population, on comprend le don, mais on ne comprend pas vraiment le secteur philanthropique, et ce serait intéressant de voir un débat au sein de la population. Il n’y en a jamais vraiment eu pour réfléchir à “voilà comment on conçoit la philanthropie et comment on aimerait que les gouvernements se comportent à l’égard des fondations”. »
Bref, le sujet de la mutualisation amène son lot de réflexions sur les structures en place. « Le pari de la mutualisation, c’est de construire un projet de société plus solidaire. C’est un écosystème qu’il faut mettre en place, avec l’ensemble des acteurs qui jouent des rôles à l’intérieur de la solution liée à un problème social. »
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Le don planifié, un outil à vulgariser
Le don planifié est un outil philanthropique et fiscal qui permet d’inclure le don d’une somme d’argent ou d’un autre type de capital (des actions cotées en Bourse, par exemple) dans la planification financière. Il est souvent inclus dans le testament, mais pas seulement.
Les experts enjoignent les fondations à s’intéresser de plus près à ce type de don. « Le seul secteur dans lequel la philanthropie augmente, c’est dans les dons planifiés », observe Daniel Asselin, directeur principal du développement philanthropique de la Fondation de l’Université de Sherbrooke.
Selon Laetitia Shaigetz, présidente de la firme d’experts-conseils en philanthropie Épisode, la situation démographique au Québec favorise cet avantage fiscal. « On est dans ce qu’on peut appeler un transfert de richesse actuellement, il y a une passation de patrimoine. Il y a de l’éducation à faire, car le don planifié, c’est accessible à tout le monde. Donner 1 % d’un legs testamentaire, ça peut sembler peu, mais c’est beaucoup pour un organisme. »