L’argent servira à l’achat de nourriture qui sera redistribuée dans les quelque 1200 comptoirs alimentaires.
Devant l’aggravation de l’insécurité alimentaire, Québec allonge un autre 8 millions de dollars (M$) aux Banques alimentaires du Québec (BAQ), portant le total de l’aide à 18 M$, soit le montant que le regroupement avait demandé initialement.
Mercredi, la guignolée des médias dévoilait un sondage de la firme Léger qui démontre qu’une personne sur trois a vécu au moins une fois une forme d’insécurité alimentaire en 2023, un bond de 10 points de pourcentage comparativement à 2020.
Devant ce constat inquiétant, la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a donc annoncé jeudi l’ajout des 8 M$ réclamés par les Banques alimentaires.
Lors de sa mise à jour économique, il y a un mois, le ministre des Finances, Eric Girard, avait annoncé une aide de 10 M$ aux Banques alimentaires du Québec, tout en ajoutant un autre 11 M$ à des organismes dont la plupart se consacrent à nourrir les enfants à l’école.
Soulagement dans le milieu
Banques alimentaires du Québec n’a pas tardé à saluer la décision, soulignant par voie de communiqué que l’argent «servira à acheter des denrées supplémentaires pour faire face à la hausse exceptionnelle de demandes d’aide alimentaire». Le réseau des BAQ dit avoir besoin de cette somme «pour pouvoir tenir le coup jusqu’au printemps».
«Cela nous permettra de répondre à la hausse historique d’achalandage que notre réseau connaît, de mieux planifier les achats et d’éviter les tablettes vides», a déclaré le directeur général des BAQ, Martin Munger.
L’organisme fait état dans son communiqué d’une situation extrêmement préoccupante, lui qui vient désormais en aide à 872 000 personnes par mois, soit 30% de plus qu’en 2022 et 73% de plus qu’en 2019. Il doit composer avec 2,6 millions de demandes d’aide alimentaire mensuellement, soit 14% de plus qu’en 2022 et 33% de plus qu’en 2019.
En quatre ans seulement, le nombre de paniers de provisions distribués chaque mois a doublé, passant de 345 000 en 2019 à 682 000 en 2023.
Pression causée par la grève des enseignants?
Mme Rouleau avait par ailleurs laissé entendre, en mêlée de presse à Québec, que les moyens de pression des syndiqués de l’enseignement privaient les enfants des repas à l’école, obligeant ainsi Québec à agir dans l’urgence. «Mais là, en ce moment, les écoles sont fermées, alors ça met encore plus de pression sur les banques alimentaires et on veut s’assurer qu’aucun Québécois, aucune Québécoise ne manque de nourriture.»
Invitée à préciser sa pensée, Mme Rouleau a ajouté: «Je ne veux pas mettre le blâme sur personne, mais il y a une situation où il y a une pression supplémentaire sur les banques alimentaires. (…) Les enfants sont à la maison ou sont dans des lieux où on a besoin d’aider de manière supplémentaire les banques (alimentaires).»
Mme Rouleau a expliqué que l’argent servira à l’achat de nourriture qui sera redistribuée dans les quelque 1200 comptoirs alimentaires à travers le Québec.
À la recherche de solutions pérennes
Elle a toutefois précisé que le montant total de 18 M$ versé par Québec aux Banques alimentaires du Québec ne sera pas récurrent. «On est dans une situation d’urgence et on veut être en mesure d’avoir tous les outils nécessaires pour qu’on ait des mesures pérennes. Rajouter de l’argent à Banques alimentaires Québec pour que Banques alimentaires Québec achète de la nourriture, ce n’est pas une mesure pérenne à mon avis.»
Selon la ministre, «il est important de ne pas être constamment dans l’urgence. (…) Il faut avoir un plan de match» en matière de lutte contre la pauvreté. Elle a ajouté que ce plan de match, qui est en cours d’élaboration, comprendra «une part importante pour s’assurer de la sécurité alimentaire, qu’on ne parle plus d’insécurité, mais de sécurité alimentaire et de s’assurer de bien répondre aux besoins de la population.»
«Ce qu’on a déjà dit, c’est qu’on ne veut pas que les gens ici au Québec manquent de nourriture. C’est hors de question», a conclu Mme Rouleau.
Le grand argentier du Québec, le ministre des Finances Eric Girard, a pour sa part affirmé que cet ajout n’avait rien d’étonnant en soi. «Le jour même (de la mise à jour économique), j’ai eu l’occasion de dire en Chambre que s’il manquait 8 M$, nous allions le donner, ce que ma collègue a compris quand même pas mal.»
Quant à savoir de quelle enveloppe venait cette somme, le ministre a dit que «la marge de manœuvre, on l’a toujours eue. On a un budget de 150 milliards de dollars et j’ai dit la journée même que le 8 M$ serait disponible».
Pierre Saint−Arnaud, La Presse Canadienne