Une campagne de financement unifiée pour répondre à la demande
Sophie Chartier|Édition de la mi‑novembre 2023Martin Munger, directeur général des Banques alimentaires du Québec (Photo: courtoisie)
PHILANTROPIE. Les banques alimentaires du Québec (BAQ), une association de membres qui représente un important réseau d’organismes — majoritairement des « membres Moisson » —, ont entamé une transformation importante il y a quelques années au moyen d’une campagne d’envergure qui a mobilisé tous ses membres dans la province. Son directeur général, Martin Munger, et sa directrice du développement philanthropique, Véronique Beaulieu-Fowler, reviennent sur cet exemple de mutualisation ciblée.
Dévoilé le 25 octobre dernier, le Bilan-Faim 2023, de la BAQ, fait état de constats alarmants : 200 000 personnes de plus que l’an dernier ont eu recours à l’aide alimentaire. Ce sont plus de 800 000 personnes chaque mois qui sont soutenues par une banque alimentaire au Québec ; 35 % des bénéficiaires sont des enfants.
Dans ce contexte, la BAQ doit s’assurer que les infrastructures de ses membres sont habilitées à répondre à la demande. « La BAQ, en tant qu’association de membres, c’est déjà en quelque sorte de la mutualisation dès le départ », dit Martin Munger, directeur général de l’association.
Une grande collecte
En 2018, l’association a accentué encore un peu plus son esprit de collaboration en lançant une campagne qui alliait tout son réseau et avait pour but de faire face à des besoins de plus en plus criants. « La campagne majeure fédérée visait d’abord à instaurer le programme de récupération en supermarchés (PRS), qui permet d’aller récupérer des denrées en épicerie, dit Véronique Beaulieu-Fowler, de la BAQ, qui a contribué à piloter cette campagne. C’est un programme qui requiert des ententes à l’échelle provinciale avec les grandes bannières d’épicerie ; ça revient à notre niveau d’action à nous. Pour aller opérationnaliser ce programme, il fallait aussi des fonds. »
Moisson Québec avait de son côté exprimé son besoin de déménager pour accéder à un plus grand entrepôt, opération qui nécessitait également des sommes importantes. « Donc, on a mis les deux objectifs ensemble », précise la directrice du développement philanthropique. Résultat : tous les membres de la BAQ avançaient conjointement vers un objectif commun de 15 millions de dollars (M$). « Chaque membre est indépendant. De les voir se rassembler autour d’un projet porteur comme celui-là, ça montre un bel exemple de comment on peut aller plus loin. »
Avec l’arrivée de la pandémie, il a fallu interrompre la campagne plus tôt que prévu. « Ce n’était plus le moment de solliciter des dons pour un projet comme ça, on est passés à un mode de sollicitation d’urgence. Mais la campagne majeure nous a tout de même permis d’aller chercher 11,4 M$, dont 3,6 M$ pour le projet de Québec et 11,4 M$ sur cinq ans pour le PRS », ajoute Véronique Beaulieu-Fowler.
Un nouveau départ
Martin Munger voit le PRS comme un tournant dans les opérations de la BAQ, témoignant d’une évolution dans le traitement de la demande en aide alimentaire. En effet, ce programme est venu changer la méthode de distribution avec laquelle la BAQ traitait avec ses membres. « Le PRS a été un programme qui a été transformationnel pour notre réseau parce que traditionnellement, notre système de partage provincial, c’était de grosses quantités de denrées qui étaient distribuées plus du haut vers le bas, et surtout des denrées sèches, dit Martin Munger. Le PRS a permis d’apporter des denrées fraîches à nos distributions, comme de la viande, des légumes, des produits laitiers. »
« Du haut vers le bas », car anciennement, la BAQ négociait des ententes avec des transformateurs et des distributeurs alimentaires qui leur fournissaient des quantités très importantes de denrées sèches, comme des pâtes et des conserves. « On recevait par exemple un camion de 53 pieds de boîtes de légumes en conserve et on allait porter ça dans nos centres de distribution, où les Moisson allaient s’approvisionner. Dans le cadre du PRS, on négocie des ententes avec les grandes bannières, et chaque Moisson va récupérer les denrées localement dans plus de 600 supermarchés participants. »
Le directeur affirme que cette nouvelle façon de faire comporte évidemment des coûts, d’argent, mais aussi de temps. « Mais les retombées sont fort positives », précise-t-il.
Véronique Beaulieu-Fowler ajoute que le travail que font les banques alimentaires au Québec demande des installations colossales, contrairement à l’image que certaines personnes peuvent avoir en tête. « Quand on va chez nos membres, on entre dans un entrepôt de type commercial, dit-elle. Il y a des monte-charges, du rayonnage (racking), des camions réfrigérés, certains ont des camions de 53 pieds. On sait que c’est une réalité très opérationnelle, logistique. Ça prend un très gros système pour desservir tous les gens dans le besoin dans chaque région. »