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Urgence! Il faut investir dans les PME

Philippe Jean Poirier|Mis à jour le 13 juin 2024

Urgence! Il faut investir dans les PME

François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (Photo: courtoisie)

PME. Lors de la publication du budget 2024‑2025, le gouvernement Legault avait l’occasion de soulager des PME québécoises en pleine tourmente, aux prises avec une inflation galopante sur fond de ralentissement économique et de pénurie de main-d’œuvre. Or, les investissements annoncés le 12 mars dernier sont loin de satisfaire François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), qui, sondages en main, soutient qu’ils ne répondent pas aux besoins des PME du Québec.

« La situation est pire qu’avant le budget ! » s’exclame le VP, qui ne comprend pas pourquoi le gouvernement a entre autres décidé d’abolir un crédit spécifiquement taillé pour les PME, soit celui « favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience ». Selon un sondage de la FCEI, « augmenter les crédits d’impôt destinés aux entreprises pour qu’elles puissent offrir de meilleures conditions de travail » était la première demande des 515 chefs d’entreprises sondés au printemps 2023, ex æquo (à 55 %) avec « réduire les taxes et les impôts des PME » pour soulager la pénurie de main-d’œuvre. « Dans le fonds, le gouvernement fait le contraire de ce que demandent les chefs d’entreprise », conclut-il.

Si les PME ont cruellement besoin d’aide, c’est que « tous les voyants sont au rouge », insiste-t-il. François Vincent en prend pour preuve une analyse des données sur un horizon de 15 ans tirées du Baromètre des affaires. Si on exclut l’année 2020 — où on a fermé l’économie —, la confiance des PME serait « au plus bas ». La pénurie de main-d’œuvre qualifiée, même si elle est moins aiguë que l’année dernière, reste plus élevée que la moyenne historique [51 % versus 39 %]. À cela s’ajoute une hausse des tarifs d’électricité, des coûts d’emprunt, des charges salariales et du prix du carburant. « La pression monte de partout ! » s’exclame-t-il. Conséquence : les entreprises diminuent leurs investissements privés, alors qu’elles ont besoin de prendre le virage de l’automatisation.

Pour François Vincent, une large part de la solution viendrait du gouvernement provincial, qui doit alléger le fardeau fiscal et aussi bureaucratique des entreprises. « Les PME québécoises ont un taux effectif d’imposition 30 % plus élevé que la moyenne canadienne (13,3 % versus 10,1 %), souligne-t-il. Le gouvernement se doit de créer un environnement fiscal compétitif qui stimule l’investissement privé. » François Vincent accroche aussi une clochette sur la question de la « paperasse » gouvernementale, qui gagnerait à être réduite.

« Le gouvernement a un bon plan d’action en matière d’allègement administratif et réglementaire, avec le projet de loi 51 dans l’industrie de la construction, qui vise à faire le ménage dans les formalités administratives, explique-t-il. Toutefois, nous voyons un problème dans la méthodologie : pour qu’il y ait un allègement, il faut la présence d’un formulaire, alors que plusieurs nouvelles obligations réglementaires ne découlent pas d’un formulaire. » Le VP cite en exemple la réforme en santé et sécurité au travail ainsi que la loi sur la protection des données, qui ajoutent des responsabilités administratives sur les épaules des chefs d’entreprise déjà bien occupés.

 

Pas juste une question d’« argent »

Pascal Harvey, directeur général du Réseau des SADC (Sociétés d’aide au développement des collectivités) et des CAE (Centres d’aide aux entreprises), souscrit à l’idée que les entreprises ont « besoin d’aide », mais, pour lui, la question n’est pas que financière. « Le financement est présent sur le marché, tant sur le plan des institutions financières traditionnelles que sur le plan du gouvernement ou des prêteurs non traditionnels que sont les MRC, les SADC, les CAE. L’argent est disponible », assure-t-il.

« Ce que les entreprises ont besoin, poursuit-il, c’est de l’aide technique. Et nous pouvons les aider avec nos services gratuits. » Surtout présentes en région, les SADC ont une équipe comprenant 350 professionnels pouvant conseiller les PME au chapitre des RH, du recrutement, du virage numérique et en matière de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), fait-il valoir. « Malgré le ralentissement économique, le virage numérique et le virage vert sont encore nécessaires. Quand l’économie va se relever, les entrepreneurs qui auront avancé dans ces dossiers seront mieux positionnés dans le marché. C’est là-dessus que nous voulons tabler dans les prochains mois. »

La FCEI, quant à elle, établit trois chantiers « prioritaires » pour le gouvernement en 2024 : freiner l’augmentation des coûts, créer un environnement fiscal compétitif et réduire le fardeau administratif des PME. Étant donné les réponses limitées que nous a données le budget provincial de mars 2024, voyons (dans ce dossier) comment les entreprises peuvent trouver elles-mêmes des réponses à ces trois défis.