Le ratio prêt-revenu s’emploie généralement au moment de l’émission d’un nouveau prêt hypothécaire. (Photo: 123RF)
Avec les taux d’intérêt qui ont grimpé rapidement au cours de la dernière année, bien des yeux sont rivés sur le marché immobilier et sur les finances des emprunteurs. Pour évaluer les risques, le ratio prêt-revenu est un outil utile. Survol du ratio et de quelques indicateurs connexes.
Le ratio prêt-revenu s’emploie généralement au moment de l’émission d’un nouveau prêt hypothécaire. Plutôt simple à calculer, on l’obtient en divisant le montant du prêt par le revenu brut déclaré par l’acheteur au moment de sa demande de prêt.
«C’est un indicateur qui mesure l’abordabilité, mais aussi la vulnérabilité des ménages face à un choc sur leurs finances, comme un choc de revenu ou de taux d’intérêt», explique Stéphanie Lapierre, économiste principale de la Division de l’analyse du marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).
Effectivement, une étude de la Banque du Canada réalisée en septembre 2021 par Olga Bilyk, Ken Chow et Yang Xu montrait que les acheteurs qui détiennent un prêt hypothécaire dont le ratio prêt-revenu est plus élevé sont plus vulnérables aux tensions financières. Plus spécifiquement, les analyses ont montré que les acheteurs très endettés sont plus susceptibles de prendre du retard dans le paiement de leurs dettes s’ils subissent un choc de revenu négatif ou si leur taux hypothécaire augmente.
«Nous, à l’APCIQ, on suit ce ratio pour déterminer si le marché est équilibré, dit Stéphanie Lapierre. Pour que des transactions se réalisent, il faut qu’il y ait des premiers acheteurs capables de faire des transactions.»
Signe de tensions
Qu’est-ce qui peut être considéré comme un drapeau jaune ou rouge? La Banque du Canada considère qu’un ratio supérieur à 450 % est le signe d’un ménage vulnérable. Selon les chiffres les plus récents de la banque, 20,3% des nouveaux prêts hypothécaires se trouvaient dans cette zone de vulnérabilité au troisième trimestre de 2022 — du jamais-vu au cours de la période analysée par la banque (2014-2022).
C’est nettement plus élevé qu’avant la pandémie, par exemple, alors que cette proportion avait atteint un creux de 12,9% au deuxième trimestre de 2018.
«Si on calcule le ratio prêt-revenu pour l’ensemble du Québec, on trouve un ratio de 481%. C’est un petit peu alarmant parce que ça signifie qu’il y a des problèmes d’abordabilité et de vulnérabilité financière», explique Stéphanie Lapierre. Pour Jean-René Ouellet, stratège d’investissement chez Desjardins Gestion de patrimoine, le ratio prêt-revenu en dit long non seulement au sujet de la santé du marché immobilier, mais également sur l’économie au sens large.
«Cet indicateur nous informe de la santé financière d’un ménage, de sa capacité à faire face à des chocs et à consommer davantage ou, à l’inverse, à devoir se serrer la ceinture.»
Un ratio plus large
Pour avoir une meilleure vue d’ensemble — le ratio prêt-revenu s’intéresse seulement aux nouveaux prêts hypothécaires —, le ratio dette-revenu peut nous donner une bonne idée de la santé du marché immobilier de façon plus large. On le calcule en divisant la dette des ménages sur le marché du crédit par le revenu disponible.
Attention, toutefois, aux comparaisons entre pays, insiste Jean-René Ouellet. «On a souvent comparé notre ratio avec celui des États-Unis. Mais comme on a, au Canada, des dépenses assumées par l’État, comme la santé et l’éducation, cette comparaison n’est pas vraiment valable.»Il vaut mieux, estime-t-il, utiliser ce ratio pour établir des comparatifs tem-porels. Au troisième trimestre de 2022, par exemple, le ratio s’est établi à 183,3%, un chiffre historiquement très élevé bien qu’il soit un cheveu sous le sommet record de 184,6% atteint au troisième trimestre de 2018.
De tels chiffres indiquent-ils que le marché de l’immobilier est surévalué ? Pas nécessairement, répond Jean-René Ouellet. «Toutefois, si tout le monde est très endetté, l’acheteur marginal a une capacité moindre de venir surenchérir sur les propriétés, dit-il. Autrement dit, si les finances de tout le monde sont étirées au maximum, on approche peut-être néanmoins d’un sommet sur le plan des valeurs immobilières.»
Des indicateurs connexes
Au-delà de ces deux ratios, plusieurs autres indicateurs peuvent nous renseigner sur la santé du marché immobilier.
Stéphanie Lapierre note que la Banque du Canada suit par exemple le ratio du service de la dette hypothécaire, qui mesure la part du revenu qu’un acheteur consacre à ses versements hypothécaires.
«On pourrait s’intéresser aussi à la proportion des ménages accusant des retards de paiement, dit-elle. C’est d’ailleurs un indicateur que l’on va suivre beaucoup au cours des mois qui viennent.»Quant aux fonds de placement immobiliers (FPI), il faudrait alors se tourner davantage vers un ratio comme celui des emprunts sur la valeur marchande (loan-to-value ratio), qui indique si ces fonds ont un recours excessif, ou non, au levier financier.
«Dans l’ensemble, quand on prend tout en considération, on ne s’attend pas à un effondrement du marché, dit Stéphanie Lapierre. On entrevoit plutôt un atterrissage en douceur, un retour à la normale.»