BRP: la perturbation de la chaîne durera plus longtemps que prévu
La Presse Canadienne|Publié le 03 juin 2022L’action de BRP effaçait plus de 10% de sa valeur, en avant-midi vendredi, malgré une baisse du bénéfice moins mauvais que prévu et une demande vigoureuse. (Photo: 123RF)
Le grand patron de BRP ne craint pas que la hausse des taux d’intérêt vienne tempérer l’appétit des consommateurs pour ses véhicules récréatifs. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement devraient toutefois continuer de limiter la capacité de l’entreprise de satisfaire pleinement la demande pour encore plusieurs mois.
«Nos clients ont des revenus plutôt élevés, souligne le président et chef de la direction de BRP, José Boisjoli, en entrevue, vendredi, dans le cadre du dévoilement des résultats du premier trimestre et de l’assemblée annuelle de l’entreprise. À ce stade-ci, on ne voit pas de ralentissement de la demande.»
Lorsque les banques centrales resserrent leur politique monétaire pour contenir l’inflation, la hausse des taux d’intérêt provoque généralement un ralentissement de l’économie et des dépenses discrétionnaires.
José Boisjoli souligne que les taux sont encore relativement bas, même s’ils progressent. Les véhicules de BRP, soit ses motoneiges Ski-Doo, ses motomarines Sea-Doo ou ses véhicules sur route, ont un prix d’entre 10 000 $ et 25 000 $. La hausse des taux d’intérêt n’a donc pas un effet trop important sur les paiements mensuels pour les emprunteurs. «L’acceptation des demandes d’emprunt pour nos clients va très bien.»
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement continueront de plafonner la croissance de la société de Valcourt tandis que les concessionnaires ont moins de véhicules en inventaire pour satisfaire la demande. La société a mentionné que les précommandes ont progressé de 80 % au premier trimestre (terminé le 30 avril), mais le rétablissement des inventaires des concessionnaires demeure graduel. Il est en hausse de 20 % par rapport à l’an dernier, mais il demeure toujours inférieur de 67 % à son seuil d’il y a deux ans.
La direction croit que la situation difficile perdurera plus longtemps que prévu. «On le vit depuis l’été 2021, rappelle José Boisjoli. On avait planifié que les six premiers mois de l’année seraient difficiles, mais que ça s’améliorerait à l’automne. Présentement, avec ce qu’on voit, on pense que ça va rester plus difficile que ce qu’on avait anticipé.»
Plus tôt vendredi, le dirigeant avait dit avoir été surpris par les mesures de confinement en Chine, lors d’une conférence téléphonique avec les analystes financiers. «Ça a créé plus de perturbations pour nous, mais aussi pour certains fournisseurs.»
En entrevue, le dirigeant a expliqué que le plus grand irritant se trouvait du côté de l’approvisionnement en puces électroniques. La situation de l’approvisionnement en matières premières s’est stabilisée. La logistique du transport demeure complexe, mais la société parvient à contourner le problème en adoptant des routes alternatives plus coûteuses. La rareté de main-d’œuvre continue d’être un enjeu au Canada et aux États-Unis, confirme le dirigeant. Il y a 250 postes ouverts à l’usine de Valcourt, en Estrie, où travaillent 1500 personnes.
BRP est toutefois dans une posture relativement favorable pour naviguer à travers les vents défavorables, croit le dirigeant. Il souligne que les ventes au détail de ses produits sont en baisse de 9 % en Amérique du Nord au cours du premier trimestre. Cela se compare à une baisse de 20 % pour l’industrie.
La méthode de production modulaire utilisée pour ses produits lui permet aussi de s’ajuster aux aléas de la chaîne d’approvisionnement, ajoute-t-il. «Le cadran qu’il y a sur une motoneige, c’est le même que sur une motomarine et c’est le même que sur un véhicule côte à côte. On a commencé la production de motoneiges, mais on n’a pas besoin des motoneiges. Donc, les cadrans, on les dédie à des produits où la saison s’en vient comme les motomarines. Donc, on a la flexibilité de s’ajuster en fonction des saisons.»
Inquiétudes des investisseurs
L’action de BRP effaçait plus de 10 % de sa valeur, en après-midi vendredi, malgré une baisse du bénéfice moins pire que prévu et une demande vigoureuse.
Le bénéfice ajusté dilué par action s’établissait à 1,66 $, en baisse comparativement au 2,53 $ enregistré à la même période l’an dernier. Le recul est moins important que la prévision de 1,13 $ formulée par le consensus des analystes avant la publication des résultats, selon la firme Refinitiv.
Les revenus, pour leur part, se sont établis à 1,8 milliard de dollars, en légère baisse de 700 000 $ par rapport à l’an dernier.
La direction a réitéré son objectif de générer une croissance des revenus de 24 % à 29 % au cours de l’exercice. Elle prévoit aussi une augmentation du bénéfice normalisé par action de 11 % à 14 %.
L’analyste Brian Morrison, de Valeurs mobilières TD, croit que l’atteinte de cette cible est toujours possible, mais il souligne que l’opération sera difficile et nécessitera une augmentation du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de 45 % à 50 % au cours de la deuxième moitié de l’année. «Dans le contexte macro-économique, je crois que le potentiel haussier pour l’action est limité», commente-t-il.
En après-midi, l’action perdait 10,27 $, ou 10,21 %, à 90,31 $ à la Bourse de Toronto.