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Le Québec, petite fourmilière de la robotique

Claude Fortin|Édition de la mi‑mai 2022

Le Québec, petite fourmilière de la robotique

RobotiQ conçoit, développe et fabrique des «mains» pour bras robotisés dans ses locaux du secteur Saint-Nicolas, à Lévis. (Photo: Courtoisie)

PRODUCTION MANUFACTURIÈRE. Les pays qui viennent à l’esprit lorsqu’on pense à la fabrication de robots sont à peu près toujours les mêmes: le Japon, la Chine, l’Allemagne et les États-Unis. De plus petits joueurs s’insèrent toutefois dans ce monde que nous imaginons habituellement habité par des géants. C’est le cas du Danemark, mais aussi du Québec.

«Au Canada et au Québec, en particulier, en termes de recherches en robotique et d’avancement, on est vraiment très forts comparativement à notre poids démographique dans le monde», soutient Clément Gosselin, professeur au Département de génie mécanique et directeur du Centre de recherche en robotique, précision et intelligence machine de l’Université Laval. «On a des entreprises comme Mécadémic, Kinova et RobotiQ qui fabriquent des robots ou des systèmes robotiques dont la technologie se retrouve un peu partout dans le monde», ajoute le chercheur, qui rêve manifestement d’une plus grande reconnaissance du génie local.

«Ce qu’il faut comprendre, et peut-être que les entrepreneurs ne le réalisent pas tout le temps, c’est que ce sont des entreprises qui sont vraiment des chefs de file dans leur domaine, poursuit-il. Ce n’est pas pour rien qu’elles vendent un peu partout dans le monde et qu’elles sont reconnues.»

 

Chefs de file

RobotiQ fait partie de ces chefs de file identifiés par Clément Gosselin. La PME conçoit, développe et fabrique des «mains» pour bras robotisés dans ses locaux du secteur Saint-Nicolas, à Lévis. «Un robot, c’est une machine à répéter des mouvements et qui se déplace dans l’espace», explique Samuel Bouchard, PDG de RobotiQ, qu’il a fondé avec Jean-Philippe Jobin et Vincent Duchesne, tous les trois issus du laboratoire universitaire de Clément Gosselin. «Ce qu’on essaie de faire, c’est de régler le problème de main-d’œuvre, mais avec une solution simple pour que les travailleurs de l’usine soient capables d’opérer la technologie», précise-t-il en pointant un bras robotisé fabriqué au Danemark, et doté d’une «main» aux doigts en ventouse destinée à la palettisation de boîtes de carton. «Ce qu’on fait, c’est l’outillage, des capteurs, puis les applications qu’on ajoute au système d’exploitation.»

Selon RobotiQ et les autres développeurs québécois de solutions robotisées à qui Les Affaires a parlé, la pénétration du marché local tient davantage de facteurs culturels qu’à la concurrence internationale. Ce que propose la firme de Lévis se détaille autour de 100 000$, par exemple, pour un retour sur investissement «d’une à deux années», selon le secteur d’activité. 

«Il y a beaucoup d’éducation à faire», observe Jean-François Dupont, PDG d’AV&R, de Saint-Bruno-de-Montarville, qui fabrique des robots spécialisés dans la finition et l’inspection de pièces. «Le défi, c’est de montrer que ça fonctionne, que tu n’es pas obligé d’avoir un spécialiste pour faire fonctionner le robot et qu’il s’agit de technologies faciles à intégrer à la production.»

«La grande entreprise québécoise, qui est exposée à l’international, investit année après année afin de s’automatiser, se robotiser et se numériser», souligne pour sa part Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ). «Quand on demande aux PME pourquoi elles investissent moins dans l’intégration de nouvelles technologies, ce qui ressort c’est qu’elles font souvent du “sur mesure” ainsi qu’une grande variété de produits, mais dans de petits lots», relate-t-elle. 

Véronique Proulx, PDG, Manufacturiers et exportateurs du Québec (Photo: MEQ)

C’est justement le cas de Ventimétal, de Laval. La PME de 15 employés fabrique des conduites de ventilation sur mesure, un défi lorsqu’on songe à robotiser la production. «On ne fabrique pas un produit semblable», explique Jean-Paul Lizotte, fondateur de l’entreprise familiale en activité depuis 44 ans. «Ça complique la robotisation parce que les robots aiment bien les tâches répétitives. Mais on a ouvert des portes et on s’est rendu compte qu’on peut trouver des façons de faire qui impliquent possiblement la robotisation.» 

Ces portes, ce sont celles du Regroupement des entreprises en automatisation industrielles (REAI). Avec son concept d’usine «bleue», l’organisme veut convaincre plus de manufacturiers à automatiser leur production, idéalement avec des robots fabriqués ici. «On est là pour accompagner les PME qui sont à leur premier, deuxième ou troisième projet d’automatisation, incluant de la robotique, explique son directeur général, Carl Fugère. On prépare un cahier de projet préliminaire dans lequel on décortique l’enjeu de l’entreprise. On s’organise pour cristalliser l’idée de l’entrepreneur et pour répondre à toutes les questions qu’il se pose en amont d’un projet.» 

Le REAI observe une forte croissance de la demande de robots chez les manufacturiers québécois. L’organisme dit constater une augmentation de 25% à 30% du chiffre d’affaires des fabricants de robots et des intégrateurs de ces mêmes technologies en entreprise.

 

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En chiffres…

 

RobotiQ

Nombre d’employés: 130

Dernière année de production: 5 000 unités vendues

Prix approximatif du robot: 100 000$

Retour sur investissement moyen: 18 à 24 mois

Marchés: États-Unis (40%) ; Europe (40%) ; Asie, Canada et reste du monde (20%)

 

AV&R

Nombre d’employés: 70

Prix de départ du robot: 200 000$

Nombre de robots vendus espérés: 30

Temps de production: 8 à 12 semaines

Cycle de vente manufacturier: 6 à 8 mois