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Sans avocat, point de salut juridique?

Jean-François Venne|Édition de janvier 2020

Sans avocat, point de salut juridique?

(Photo: 123RF)

PROFESSION : AVOCAT. Les Québécois connaissent très peu le droit, et ce manque de connaissances limite fortement leur accès à la justice. D’autant que le droit repose sur la capacité à lire et à comprendre des textes complexes. Or, plus d’un million d’adultes québécois de 16 à 65 ans éprouvent de grandes difficultés à lire et à écrire, selon le plus récent Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA).

«Le vocabulaire très opaque et difficile à comprendre complique à la fois la recherche d’information et leur compréhension», souligne Emmanuelle Bernheim, professeure au département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal. Elle étudie depuis plusieurs années la question de l’accès à la justice au Québec.

Lorsqu’ils se retrouvent confrontés à un problème juridique, les citoyens ont donc besoin de l’aide d’un avocat. Une grande partie de la population n’a toutefois pas les moyens de se payer ce type de service. Comme la définition des actes réservés aux membres du Barreau du Québec est beaucoup plus étendue que dans d’autres provinces, les citoyens qui n’ont pas d’avocat se retrouvent un peu laissés à eux-mêmes.

«Les avocats [québécois] qui travaillent dans des centres de justice de proximité ou dans des organismes à but non lucratif (OBNL) n’ont pas le droit de donner des conseils juridiques, mais seulement de l’information juridique», précise Mme Bernheim. Ils peuvent par exemple expliquer ce qu’une loi stipule. Le citoyen a ensuite la charge de décider ce que cela signifie pour son propre cas.

Les mêmes limites s’appliquent aux étudiants en droit et aux techniciens juridiques.

Les règles sont bien différentes en Ontario, où un étudiant en droit supervisé par un avocat peut même offrir des conseils juridiques. «Donc, au Québec, si vous ne pouvez pas payer pour des conseils juridiques, vous n’obtiendrez que de l’information juridique», conclut la professeure.

Avocats impliqués dans Hochelaga-Maisonneuve

Mme Bernheim espère voir la définition des actes réservés évoluer dans la province. Cela aiderait les cliniques juridiques et autres initiatives du même acabit à avoir plus d’impact auprès des citoyens. La plus récente de ces initiatives est en voie de création dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Une trentaine d’avocats et de notaires habitant ce secteur ont décidé de se regrouper pour offrir gratuitement des conseils juridiques aux résidents, aux OBNL et aux PME en démarrage de ce quartier.

L’idée a germé en août dernier dans la tête de Me Émilie Therrien, résidente du quartier montréalais depuis sept ans et avocate au cabinet montréalais Gascon depuis mai 2019. Contente de voir arriver la Coop Couturières Pop dans un secteur plutôt dénué de commerces, elle leur a offert ses services à titre bénévole. «Je me suis demandée s’il n’y avait pas d’autres avocats qui auraient envie de donner de leur temps pour aider dans le quartier, avec lesquels je pourrais créer un regroupement», raconte-t-elle.

Avec son ami Me Yoann Gauthier, conseiller juridique chez Dorel Industries, Me Therrien lance alors un appel sur quelques pages Facebook. De nombreux avocats y répondent. Le 27 novembre dernier, HocheLégal a officiellement reçu ses lettres patentes, ce qui signifie qu’il peut agir en tant qu’OBNL.

Loin de faire cavalier seul, les avocats du regroupement – auxquels se sont joints quelques notaires – ont rencontré des acteurs importants du quartier, comme la Société de développement commercial, la Table de quartier, le député provincial Alexandre Leduc et la clinique Juripop. L’idée étant de bien cibler leurs futures interventions.

Le regroupement d’Hochelaga-Maisonneuve s’inspire aussi d’autres expériences semblables, comme la Clinique juridique de Saint-Michel, officiellement active depuis le 28 août dernier.

Toutefois, contrairement à cette dernière, le nouveau regroupement n’a pour l’instant pas de locaux permanents. Il entend d’abord offrir des cliniques juridiques afin de répondre aux questions des citoyens et de les orienter vers les bonnes ressources.

Bientôt une première clinique

La première clinique est justement prévue «en février ou début mars». Me Therrien s’attend à recevoir beaucoup de demandes en droit de la famille, du logement et de l’immigration. Le regroupement réfléchit actuellement à la manière d’y associer des étudiants en droit.

Des avocats offriront quant à eux des banques d’heures aux OBNL intéressés, ou encore piloteront gratuitement pour eux des mandats précis. Ces derniers pourraient par exemple porter sur les négociations de bail, la gouvernance, le droit du travail et la négociation de contrats avec des partenaires ou des fournisseurs.

Un volet destiné aux PME en démarrage dans Hochelaga- Maisonneuve est également en développement. «Il existe des ressources comme PME MTL qui aident déjà ces entreprises, alors nous souhaitons bien circonscrire les besoins qui restent à combler afin d’être vraiment utiles», précise Me Therrien. Les entreprises pourraient bénéficier de conseils de base, par exemple au moment de la négociation du bail.

 

Revenus annuels bruts donnant accès à l’aide juridique gratuite

Personne seule : 22 750$

Famille formée d’un adulte et d’un enfant : 27 834$

Famille formée d’un adulte et de deux enfants ou plus : 29 714$

Famille formée de conjoints sans enfant : 31 661$

Famille formée de conjoints avec un enfant : 35 424$

Famille formée de conjoints avec deux enfants ou plus :
37 306$

Source : ­Commission des services juridiques

 

66,72 %

des particuliers québécois gagnaient moins de 50 000 $ lors de l’année d’imposition 2017.

Source : ­Revenu ­Québec