Les CPA souhaitent être plus présents dans les débats sociaux
Jean-François Venne|Édition de la mi‑novembre 2019L’Ordre des CPA a entre autres été interpellé par la volonté gouvernementale de modifier le droit familial en vigueur au Québec. En mai dernier, il est intervenu dans ce débat, conjointement avec la Chambre des notaires, lors des consultations publiques. (Photo: 123RF)
PROFESSION: COMPTABLE. Les comptables professionnels agréés (CPA) souhaitent faire reconnaître le rôle qu’ils peuvent jouer dans la société québécoise, autant en participant aux grands débats entourant les politiques publiques et le développement durable qu’en soutenant le travail des organismes communautaires et culturels.
Au cours des derniers mois, l’Ordre des CPA du Québec a fait entendre la voix de ses quelque 40 000 membres sur de nombreux enjeux sociaux. Une attitude directement alignée sur sa volonté de montrer que les comptables peuvent être des agents de changement, notamment dans des situations où la protection du public est en jeu.
«La mission première d’un ordre professionnel est de protéger le public, et cela passe par une présence forte dans les débats publics, pour mettre en évidence certains enjeux, explique Geneviève Mottard, présidente et chef de la direction de l’Ordre. C’est un axe stratégique majeur pour nous.»
Lutter contre la maltraitance financière
Le dossier de la maltraitance des personnes vulnérables constitue un bon exemple. L’Ordre des CPA avait dénoncé avec une certaine virulence l’absence de la maltraitance matérielle et financière dans le projet de loi no 115, déposé en octobre 2016, qui visait à soutenir la lutte contre la maltraitance envers les aînés et les personnes vulnérables. Il s’attaquait surtout au sort réservé aux personnes âgées dans les établissements du réseau de la santé et les services sociaux, mais passait sous silence l’exploitation financière.
Pourtant, selon le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, un tiers des appels à la Ligne Aide Abus Aînés concerne la maltraitance financière, et la grande majorité des dossiers ouverts à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse liés à l’exploitation des aînés concerne aussi cette forme d’abus.
«Nos discussions avec le gouvernement ont contribué à modifier cette démarche et à élargir la définition de la maltraitance dans un nouveau projet de loi, pour y inclure la maltraitance financière et matérielle, une avancée majeure», souligne Mme Mottard.
Elle rappelle que les comptables ont l’habitude de gérer l’argent des autres, de remplir des déclarations d’impôt, de faire des vérifications financières ou encore de conseiller des gens sur des questions de succession. Ils sont ainsi très bien placés pour suggérer des pratiques afin de repérer ou de prévenir les cas d’abus financier.
Harmoniser le droit de la famille et la fiscalité
L’Ordre des CPA a aussi été interpellé par la volonté gouvernementale de modifier le droit familial en vigueur au Québec. En mai dernier, il est intervenu dans ce débat, conjointement avec la Chambre des notaires, lors des consultations publiques menées par la ministre de la Justice Sonia LeBel. Les comptables tenaient à souligner qu’une actualisation du droit familial doit aller de pair avec une adaptation des règles fiscales qui influencent certains choix des familles.
Mme Mottard donne l’exemple de quelques incohérences qui subsistent aujourd’hui, tel le fait que selon la Loi sur les impôts, un enfant est considéré financièrement indépendant de ses parents dès l’âge de 18 ans, alors que dans les faits, peu de jeunes adultes de cet âge ont la capacité de l’être. Autre exemple d’incongruité : en cas de décès, une personne peut laisser des biens en héritage à son conjoint sans payer d’impôt, mais pas à ses enfants. Ce qui signifie qu’un parent monoparental est désavantagé, puisqu’il ne peut céder ses biens à ses enfants pour profiter de cet avantage fiscal.
Mieux encadrer la copropriété
L’encadrement de la copropriété est un autre dossier chaud qui retient l’attention des CPA. «Il y a beaucoup d’histoires d’horreur dans la gestion des copropriétés, et c’est en partie en raison d’un manque d’encadrement clair sur le plan des questions financières», avance Mme Mottard.
En mai dernier, l’Ordre des CPA relevait que le projet de loi 16 déposé pour revoir notamment l’encadrement de la copropriété divise laissait en plan de graves lacunes du cadre juridique actuel. Il regrettait que la qualité et la pertinence de l’information financière de la copropriété n’y soient pas définies, car il n’est actuellement pas clair quelles informations financières sont exigées ni quelles normes comptables doivent être appliquées par tous les syndicats de copropriété.
Par ailleurs, n’importe qui peut présentement se déclarer assez expert pour gérer une copropriété, ce qui ouvre la porte à des erreurs, mais aussi à des abus ou à des malversations. L’Ordre des CPA souhaite voir la certification des gestionnaires de copropriété être confiée à des ordres professionnels ou à un organisme d’autoréglementation.
«L’absence d’encadrement représente un risque pour la protection du public, notamment sur les plans de la formation des gestionnaires, de l’inspection et de la détention de fonds en fidéicommis», prévient Mme Mottard. Cette dernière ajoute que contrairement à l’Ontario, le Québec n’a pas d’autorité compétente en matière de copropriété. La protection des copropriétaires et des futurs acquéreurs en souffrirait, puisqu’en l’absence d’une telle instance, l’encadrement législatif et réglementaire reste insuffisant.
«L’expertise des CPA est très utile pour éclaircir les enjeux financiers dans ces dossiers et aider le gouvernement à améliorer la protection du public», conclut-elle.