(Photo : 123RF)
PROFESSION : INGÉNIEUR EN 2019. L’image des ingénieurs québécois est ressortie très entachée de la commission Charbonneau. Ces professionnels doivent maintenant retrouver leur crédibilité aux yeux du grand public, et regagner leur respect.
L’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) lance ces jours-ci une vaste campagne de valorisation de la profession d’ingénieur, qui se poursuivra jusqu’en juin. Un nouvel effort pour redorer une image abîmée par la commission Charbonneau ainsi que par la mise sous tutelle de l’Ordre pendant plus de deux ans et demi.
«Cette campagne vient directement d’une demande des membres, qui ont d’ailleurs payé une cotisation spéciale pour la financer», révèle Kathy Baig, présidente de l’OIQ.
Il faut dire que les Québécois n’ont pas toujours fait la distinction entre les nombreux scandales mettant en cause des firmes d’ingénierie et leurs administrateurs et la profession d’ingénieur elle-même. Dans la foulée de ces affaires très médiatisées, le niveau de confiance du public à l’égard des ingénieurs a donc chuté à un creux historique de 49 % en 2013, avant de remonter à 73 % en 2017, selon un sondage Ipsos.
L’OIQ souhaite continuer d’améliorer l’image de cette profession, et surtout la démystifier. «Un ingénieur, ce n’est pas comme un médecin ou un avocat qui a beaucoup de contacts directs avec le public, rappelle Mme Baig. Ils sont souvent dans l’ombre et les gens ne savent pas vraiment ce qu’ils font.»
La campagne se fera en deux phases : à l’automne 2019 et à l’hiver 2020. Des clips de différentes longueurs seront diffusés à la télévision et sur le Web. Des publicités apparaîtront aussi ailleurs, notamment dans les transports en commun. Son message central : les ingénieurs contribuent à changer le monde.
La célébration des 100 ans de l’OIQ donnera également lieu à des Soirées reconnaissance. Ces dernières, qui visent à commémorer un siècle de génie québécois, se tiendront dans différentes régions du Québec.
Transformation en profondeur
La campagne à venir se veut l’aboutissement de plusieurs années de transformation à l’Ordre. Réduction de la taille du conseil d’administration, renouvellement de l’équipe de direction, redressement des finances, réduction significative des délais d’enquête du syndic – passés de 18 mois en 2018 à 9 mois en 2019 – et augmentation du nombre d’inspections professionnelles : les gestes pour améliorer le fonctionnement ont été nombreux.
La restructuration du syndic a été la pierre angulaire de cet édifice, entre autres grâce à l’embauche de nombreuses ressources supplémentaires. L’OIQ a notamment renforcé sa collaboration avec des experts externes spécialisés dans les enquêtes sur les cas de collusion et de corruption, une expertise dont il disposait peu auparavant. Quant à l’augmentation des inspections professionnelles, elle vise surtout à améliorer la capacité de l’OIQ à faire de la prévention. L’Ordre souhaite inspecter environ 3 000 membres annuellement.
C’est cette nouvelle image que l’OIQ souhaite transmettre à la population, en insistant sur le travail réalisé sur le terrain par les ingénieurs. Un effort de revalorisation auquel viennent nuire de vieilles histoires de corruption, qui ressurgissent dans les médias au rythme de procès qui traînent en longueur.
Celle de SNC-Lavalin, qui a déjà causé toute une tourmente médiatico-politique avant même de s’amorcer, en constitue un exemple frappant. «C’est sûr que ça complique les choses pour nous, admet Mme Baig. Chaque fois que des dirigeants de firme sont accusés ou condamnés dans des histoires de collusion ou de corruption, ça jette un voile sur la profession.»
Un fossé à combler
L’OIQ peut-il espérer redresser l’image de la profession dans de telles circonstances ? «Il est toujours possible de rétablir une réputation, à condition d’adopter la bonne approche et d’y consacrer suffisamment de ressources», croit le stratège en communication d’entreprise Jean Gosselin.
Selon lui, le principal obstacle auquel l’Ordre fait face actuellement est la distance qui s’est créée entre sa mission de protection du public et la perception de son rôle dans l’opinion publique. Comme c’est le cas pour d’autres professions – médecins, avocats ou pharmaciens, par exemple -, certaines personnes ont l’impression que l’Ordre protège davantage ses membres que le public.
«C’est fort probablement une perception éloignée de la réalité, mais la réputation est directement liée aux perceptions», explique M. Gosselin. Pour trouver les bons arguments, un organisme comme l’OIQ doit donc très bien connaître l’opinion que le public se fait de la profession qu’il représente.
Le stratège ajoute que la promotion de la profession, certes utile, ne suffira pas à redorer son blason. Surtout dans un contexte où une publicité positive pourrait être suivie d’une manchette négative liée au dossier SNC-Lavalin ou à d’autres histoires peu reluisantes, tels le scandale des compteurs d’eau montréalais et la collusion dans l’octroi de contrats dans plusieurs municipalités. «L’Ordre doit savoir communiquer rapidement et avec transparence lorsqu’un ingénieur est condamné ou fait l’objet d’une enquête, afin de montrer que ces professionnels ne sont pas au-dessus de la loi et que l’Ordre protège le public, dit-il. Ce sont surtout ses actes qui convaincront les citoyens de la probité de la profession et c’est un travail de longue haleine.»