L’ingénieure devenue financière de la transition énergétique
Jean-François Venne|Publié le 16 Décembre 2019Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée directeure de Cycle Capital (Photo: courtoisie)
PROFESSION : INGÉNIEUR EN 2019. Formée en physique et en génie, c’est pourtant du côté de la finance et des affaires qu’Andrée-Lise Méthot exerce ses talents. À la tête du plus grand fonds de capital de risque en technologies propres au pays, elle combat la crise climatique en finançant des entrepreneurs qui proposent des solutions techniques innovantes.
Cela lui réussit bien, apparemment. Les honneurs s’accumulent en effet ces derniers temps pour la fondatrice et associée directeure de Cycle Capital. En 2018, elle a été nommée au grade d’Officière de l’Ordre national du Québec, la plus prestigieuse des distinctions honorifiques décernées par l’État québécois. Elle s’est aussi mérité le Grand Prix d’excellence professionnelle de l’Ordre des ingénieurs du Québec plus tôt cette année.
« Le génie m’a formée en début de carrière et m’a donné une grande rigueur, confie la diplômée en génie géologique de l’Université Laval. Cela m’a aussi permis de développer ma connaissance des questions environnementales. »
L’environnement a toujours été au cœur de ses préoccupations. Pour Mme Méthot, la destinée de la Terre est entre les mains des humains, et particulièrement des plus puissants d’entre eux. « La crise climatique vient directement du fait que les gens en position d’autorité n’ont pas pris les décisions qui s’imposaient par le passé », juge-t-elle. Ce point de vue critique a aussi son corollaire positif : les humains peuvent se sortir de cette crise en innovant, en prenant les bonnes décisions et en modifiant certains comportements.
Heureux accident
L’argent constitue un levier majeur pour arriver à ce résultat. Andrée-Lise Méthot se réjouit de pouvoir financer des entrepreneurs innovants, qui développent des solutions pour répondre à cette crise, par l’entremise du fonds Cycle Capital. Fondé en 2009, il est la plus importante plateforme privée de capital de risque en technologies propres au Canada. Il compte un demi-milliard de dollars sous gestion, et a contribué à investir plus d’un milliard de dollars dans une cinquantaine d’entreprises, dont Enerkem, Agrisoma Biosciences et Les Fermes Lufa.
Un résultat colossal pour une femme arrivée en finance un peu par accident. « Plus jeune, j’avais plutôt un profil technique et scientifique, et mon engagement pour l’environnement se faisait davantage dans la contestation, dit-elle. La finance et les affaires ne m’attiraient pas. Je les voyais même un peu comme le côté sombre de la force ! »
Jusqu’au jour où elle se voit confier la gestion du Fonds d’action québécois pour le développement durable, doté d’une enveloppe budgétaire de 45 millions de dollars et d’un petit volet d’investissements privés. Cette expérience l’amène à penser qu’il y a là une voie intéressante pour alimenter la transition énergétique. Elle apprend aussi beaucoup, notamment grâce à l’appui de Léopold Beaulieu, PDG de Fondaction, d’Henri Massé, à l’époque président du conseil du Fonds de solidarité de la FTQ, de Richard Legault de Brookfield, d’Alain Lemaire de Cascades ou encore de Sophie Brochu de Gaz Métro (Énergir).
« J’ai réalisé que poser le diagnostic sur la crise climatique est important, mais insuffisant, raconte Mme Méthot. Il faut ensuite décider quoi faire et exécuter. Or, la finance est un levier d’exécution très puissant. »
Soutenir la diversité
Cycle Capital continue d’évoluer avec le temps. En février, l’organisation présentait son nouveau Fonds Cycle Capital IV, qui investira dans les entreprises de technologies propres innovantes en phase de croissance et de commercialisation. Un passage souvent ardu pour les entreprises et pas toujours aussi bien soutenu que la phase de recherche et développement.
Cycle Capital travaille également à l’élaboration d’un hub de technologies propres, qui deviendrait un lieu physique de rencontre entre les industriels, les financiers et les jeunes pousses à Montréal. Celui-ci sera situé dans le projet du Silo no 5, au bassin Peel.
La dirigeante s’intéresse aussi à la question de la représentation des femmes dans les affaires et les finances, où elles demeurent fortement minoritaires. Elle a d’ailleurs enrôlé Cycle Capital dans l’initiative The Billion Dollar Fund For Women (TBDF), visant à réduire l’écart entre les hommes et les femmes dans l’accès au capital de risque. Un écart rien de moins qu’abyssal. Selon la Canadian Venture Capital Private Equity Association, les femmes auraient reçu un maigre 4 % du total des investissements en capital de risque au Canada en 2018. TBDF vise à mobiliser un milliard de dollars à investir dans les entreprises des femmes.
« Tant en génie qu’en finance ou en affaires, il faut apprendre à vaincre les biais et à faire plus de place à la diversité, croit Andrée-Lise Méthot. Il n’est pas seulement question des femmes, mais de toutes les personnes qui ont un profil différent et peuvent faire l’objet de discrimination. »