(Photo : Nesa by Makers pour Unsplash)
PROFESSION : INGÉNIEUR EN 2019. Chaque année, des ingénieurs étrangers viennent au Québec afin d’y pratiquer leur profession. Des ingénieurs québécois font aussi le chemin inverse. La profession s’est mondialisée, et les règles s’adaptent en conséquence.
Au Québec, la rareté de la main-d’oeuvre en génie rend le recours aux ingénieurs étrangers fort utile. C’est d’autant plus vrai que plusieurs firmes qui pratiquent au Québec, comme WSP Global, AECOM ou Tetra Tech, ont des bureaux dans plusieurs pays. Et elles souhaitent maximiser l’expertise disponible dans leurs réseaux. «Les ingénieurs étrangers répondent à nos besoins de main-d’oeuvre et à la recherche d’expertises très pointues lorsqu’elles ne sont pas disponibles dans nos bureaux au Québec», explique Catherine Devost, gestionnaire, Mobilité internationale chez WSP Canada.
La firme compte plus de 47 000 employés répartis dans une quarantaine de pays. Depuis deux ans, environ 20 % de ses professionnels en génie dans la province ont été recrutés à l’étranger. Ces dernières années, la demande d’expertise en géotechnique, en ports et activités marines ainsi qu’en eau et eaux usées est notamment en hausse.
Phénomène marginal
Pour pratiquer au Québec, les ingénieurs étrangers doivent obtenir un permis temporaire lié à un projet spécifique. Le processus est plus simple lors d’une mutation à l’intérieur d’une même firme, à condition que l’ingénieur soit à son emploi depuis au moins un an, et que des conditions de réciprocité assurent que les ingénieurs canadiens peuvent aussi aller pratiquer dans d’autres pays.
Les permis temporaires sont valables un an et renouvelables trois fois. Si l’affectation au projet dure plus de quatre ans, il faut demander un permis régulier. Un coup d’oeil aux six dernières années montre une certaine tendance à la hausse – le nombre de permis temporaires délivrés à des ingénieurs étrangers est passé de 52 l’an dernier à 88 cette année (voir tableau).
Cette hausse est liée au grand nombre de chantiers en cours au Québec, notamment à la construction du pont Samuel-De Champlain. L’Ordre des ingénieurs du Québec confirme avoir délivré 21 permis temporaires pour ce projet. Il traite présentement plusieurs demandes liées au Réseau express métropolitain (REM).
Cela demeure toutefois un phénomène marginal. En 2019, ces ingénieurs ne représentaient que 0,1 % des membres de l’OIQ.
Les ingénieurs québécois sont aussi nombreux à être domiciliés à l’étranger, signe que la mondialisation de la profession ne se fait pas à sens unique. On dénombre 2 385 membres de l’OIQ qui habitent à l’extérieur du Québec, soit 3,6 % du total des membres. Le phénomène est plus marqué chez les ingénieurs anglophones, dont pas moins de 13 % habitent à l’extérieur du Québec.
Les ingénieurs québécois de WSP Canada ont par exemple l’occasion d’aller travailler à l’étranger régulièrement. «Parfois, cela se traduit par des rencontres ponctuelles avec des clients d’autres pays, précise Mme Devost, mais des projets internationaux peuvent nécessiter des transferts temporaires ou encore des transferts sur une base permanente durant lesquels nos employés auront la chance d’échanger dans leur domaine d’expertise ou de développer de meilleures pratiques dans des secteurs stratégiques pour WSP.»
S’établir au Québec
Des ingénieurs formés à l’étranger souhaitent aussi s’établir au Québec pour de bon. L’Ordre a beaucoup travaillé à simplifier les procédures d’accès à la profession pour eux, sans faire de compromis sur le plan de la protection du public. Depuis mai 2018, il applique donc un nouveau règlement sur les normes d’équivalence de diplôme et de formation.
«Le processus est plus personnalisé et nous tenons compte davantage du parcours professionnel individuel de chaque candidat [qu’avant], explique Kathy Baig, présidente de l’OIQ. Les candidats ont désormais la chance de démontrer dans leur demande de permis les compétences acquises au cours de leur parcours professionnel, après leurs études.» Ils ont aussi accès à des cours universitaires et à des stages supervisés pour obtenir leur permis.
Depuis la mise en place de ces changements, le temps d’obtention des permis pour les candidats formés à l’étranger a fondu de moitié.
L’OIQ demande maintenant au gouvernement de lui accorder le droit de délivrer des permis restrictifs permanents, une formule qui existe ailleurs au Canada, notamment en Ontario et en Alberta. «Certains candidats ne possèdent pas l’ensemble des compétences pour avoir un permis d’exercice régulier, mais ont une expertise pointue dans un domaine comme l’ergonomie ou la conception de trains d’atterrissage, et souhaitent seulement exercer dans ce domaine», illustre Mme Baig. En ce moment, c’est impossible. Tout au plus peuvent-ils obtenir un permis restrictif temporaire, ce qui les place dans une situation d’incertitude.
«Les candidats venus de l’étranger et ceux qui possèdent une expertise pointue dans certains secteurs constituent un vivier intéressant pour combler les besoins en main-d’oeuvre dans le secteur du génie au Québec», conclut la présidente de l’Ordre.