(Photo: 123RF)
RECRUTEMENT. Avec la pandémie, recruter virtuellement est devenu le quotidien de plusieurs employeurs, dont la Société des alcools du Québec (SAQ). Chaque été, la société d’État doit embaucher 500 saisonniers pour l’ensemble de son réseau de 400 succursales. Cette année, la crise a fait doubler ce nombre. Sans compter les ventes en ligne qui ont grimpé en flèche, entraînant le recrutement d’environ 130 nouveaux préposés dans ses centres de distribution de Montréal et de Québec.
Pour pourvoir ces postes, la SAQ a complètement revu son processus, raconte Valérie Desgens Beaudin, conseillère en acquisition de talents. «Avant, les entrevues se faisaient en personne, directement en succursale, et c’était les directeurs qui s’en occupaient, explique-t-elle. Pendant la crise, nous voulions leur enlever cette charge, tout en limitant les contacts sur le terrain.»
Ainsi, la sélection a été rapatriée au sein du Département des ressources humaines, qui a constitué une équipe de 14 recruteurs. «Il a fallu nous adapter pour être plus rapides, efficaces et agiles», ajoute Valérie Desgens Beaudin. L’utilisation de la visioconférence s’est donc imposée. L’équipe a aussi resserré ses schémas d’entrevues, raccourcies pour l’occasion.
Une bonne préparation
D’ailleurs, plusieurs organisations ont réalisé qu’une bonne préparation était de mise pour ces entretiens à distance, note Anne Bourhis, professeure au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal. «Quand le gestionnaire et le recruteur sont en ligne, il faut prévoir ses interventions, car on ne se voit pas.» Dans ce contexte, difficile de laisser place à l’improvisation, au risque de devenir rapidement cacophonique.
D’où l’importance d’établir un plan de match plus précis. C’est une bonne nouvelle, selon Anne Bourhis, alors que certaines entreprises renâclaient à l’idée de mettre de côté la spontanéité dans leurs échanges. «Pourtant, toutes les études montrent que les entrevues structurées ont une meilleure capacité à prédire la performance en emploi des candidats.»
En plus d’augmenter l’efficacité et la rapidité du processus il n’y a pas de battement entre les rendez-vous , ce mode offre aussi une plus grande souplesse, a constaté Irene Mascolo, vice-présidente aux ressources humaines à Pharmascience. Cette société canadienne qui compte quelque 1350 employés au Québec recrute à distance depuis mars. «Avant, les candidats devaient se déplacer pour nous rencontrer, souvent le midi ou après les heures de bureau. Maintenant, plus besoin de se préoccuper de la circulation. Tout le monde a plus de flexibilité dans son horaire grâce au télétravail.»
La crise aura aussi permis à l’équipe de revoir ses méthodes de recrutement et d’intégration de A à Z. L’entreprise a offert des stages en télétravail et recrute maintenant lors de foires virtuelles de l’emploi. Même les tests, dont certains s’effectuaient en usine, s’effectuent maintenant en ligne, explique la vice-présidente. Et la formule fonctionne. «Il faut dire que ce n’est pas le seul élément sur lequel on se base pour évaluer un candidat.»
Cap sur l’innovation
Plusieurs entreprises ont également profité de l’occasion pour optimiser leurs processus d’embauche. De son côté, la SAQ a décidé de tester AppyHere, une nouvelle plateforme de recrutement québécoise destinée au recrutement pour des emplois peu spécialisés dans des domaines comme la logistique, la restauration, les services et la fabrication. Calendriers, entrevues vidéo, contacts, suivis: tout est intégré dans cette application dite «sans CV», explique Valérie Desgens Beaudin. Un gain en efficacité qui a entre autres permis d’«embaucher une personne en 40 minutes seulement», témoigne la conseillère.
À l’instar d’AppyHere, de nombreuses solutions technologiques permettent d’accélérer le recrutement, soutient Jean-Baptiste Audrerie, chef de pratique au Service des technologies et de la transformation RH à Horizon RH. Le spécialiste cite Hyumeet, nouveauté québécoise qui jumelle chercheurs d’emplois et recruteurs, également sans CV.
«L’application fait une présélection des candidats en fonction de différents critères, comme leurs profils de personnalité et intérêts», explique-t-il. D’autres, comme Mouse At Work, classent automatiquement les candidatures selon leur pertinence, grâce à l’intelligence artificielle.
«Le processus de recrutement est constitué de plusieurs points de contact avec le futur employé, du moment où il voit l’annonce jusqu’à la signature du contrat», affirme Jean-Baptiste Audrerie. Par conséquent, la technologie permet non seulement d’accélérer le processus, mais aussi d’améliorer l’expérience candidat. Une notion importante, notamment auprès des plus jeunes.
Pour le moment, à la SAQ comme à Pharmascience, on ne sait pas encore comment ces nouvelles technologies réinventeront le futur du recrutement. Une chose est certaine, plusieurs méthodes se révèlent très efficaces, assure Irene Mascolo, et pourraient perdurer. «Maintenant, il faut s’assurer de conserver le juste équilibre pour maintenir le côté humain.»