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Miser sur les familles pour soutenir la rétention

Ruby Irene Pratka|Édition de la mi‑septembre 2022

Miser sur les familles pour soutenir la rétention

Il y a environ huit ans, Ubisoft a commencé à offrir des cours de français facultatifs en milieu de travail à ses employés internationaux. Depuis, les cours sont aussi devenus accessibles aux conjoints des employés. (Photo: 123RF)

RECRUTEMENT. À Québec, les offres d’emploi poussent comme des champignons, et ce, dans une foule de secteurs. Le recrutement des travailleurs internationaux est donc devenu incontournable, selon Marie-Josée Chouinard, directrice principale de l’attraction et de la rétention de talents de Québec International, un organisme qui aide les employeurs de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches à attirer des talents d’ailleurs. 

Pour une entreprise, embaucher un employé à l’international représente un investissement de plusieurs milliers de dollars et une attente pouvant aller jusqu’à deux ans. Pour un employé, cela représente une transition majeure dans sa vie. « Il y a tout un contexte d’intégration et de relocalisation de la famille à prendre en compte, observe Marie-Josée Chouinard. Quand les employés décident de retourner [dans leur pays d’origine], la raison principale, c’est la non-intégration de la famille. »

« Des fois, c’est la conjointe qui ne s’adapte pas, ce qui fait en sorte que la famille quitte la région ou le pays », illustre Ann Gervais, conseillère en main-d’œuvre et en immigration du Centre local du développement (CLD) de Rouyn-Noranda. Surtout qu’en Abitibi, la proximité de la frontière ontarienne — avec la possibilité de travailler en anglais et un temps d’attente beaucoup plus court pour l’obtention de la résidence permanente — en incite certains à changer de province.

Les deux spécialistes encouragent donc les employeurs et recruteurs à poser des questions sur le bagage professionnel du conjoint et à se servir de leurs réseaux ou des organismes locaux d’aide aux immigrants pour faciliter son intégration professionnelle. « Si une personne travaille dans une petite ville, et que son conjoint a un diplôme en muséologie, par exemple, il n’y a pas beaucoup de débouchés, mentionne Marie-Josée Chouinard. Cela dit, j’ai aussi vu des conjoints se réinventer professionnellement. »

 

Francisation en milieu de travail

La langue est aussi l’un des nerfs de la guerre de la rétention. Au studio du créateur de jeux vidéo Ubisoft, à Québec, environ un employé sur six a été recruté à l’international. De ces recrues, le quart ne sont pas francophones à leur arrivée, estime Mélanie Boulanger, spécialiste en mobilité internationale à Ubisoft Québec. 

Dans le monde des jeux vidéo, il est possible de fonctionner au travail sans maîtriser le français, même à Québec, concède-t-elle. Or, à l’extérieur du studio, ce n’est plus le cas. Et le français est généralement incontournable pour l’intégration professionnelle du conjoint.

Il y a environ huit ans, le studio a commencé à offrir des cours de français facultatifs en milieu de travail à ses employés internationaux. Depuis, les cours sont aussi devenus accessibles aux conjoints des employés. Une cinquantaine de personnes s’en prévalent actuellement, et le studio a embauché une coordonnatrice permanente et deux professeures contractuelles « presque à temps plein ».

« Les cours commencent au niveau débutant et continuent aussi longtemps que l’employé veut y participer, précise Mélanie Boulanger. Certaines personnes s’en servent pour se préparer pour leur examen dans le cadre du processus de résidence permanente et d’autres pour discuter. Les gens embarquent, parce qu’ils savent qu’à Québec, le français est important. »

 

L’approche holistique de Desjardins

De l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, au quartier général du Mouvement Desjardins, à Lévis, l’équipe mise sur une approche holistique pour retenir les talents venus d’ailleurs. Un centre d’accompagnement en matière d’immigration (CAMI) y a été lancé en août dernier. Les 11 personnes — des avocats et des consultants en immigration — qui y sont affectées aident les employés et les candidats à se retrouver dans le système de l’immigration, mais facilitent aussi l’intégration des familles, explique Marie-Huguette Cormier, première vice-présidente aux ressources humaines et aux communications du Mouvement. 

Plus de 2000 employés d’une trentaine de nationalités sont actuellement suivis par le CAMI. Le Centre a développé plusieurs partenariats internes et externes avec les organismes locaux d’accueil des immigrants partout au Canada. Les conjoints des employés bénéficient de permis de travail de conjoint accompagnant, ainsi que l’ensemble de l’offre de services des partenaires. En parallèle, les programmes de parrainage et d’équité, de diversité et d’inclusion encouragent une culture d’inclusion au sein de l’entreprise, relate Marie-Huguette Cormier.

 

Inviter les PME à se regrouper

Pour chaque Ubisoft ou Desjardins, il existe bien sûr des dizaines de petites entreprises pour qui employer un expert en immigration ou en francisation en interne est impossible. Dans leur cas, Ann Gervais et Marie-Huguette Cormier soulignent la valeur des partenariats. 

« Pensez à vous mettre ensemble — trois ou quatre entreprises d’une même région — pour embaucher un spécialiste », suggère Marie-Huguette Cormier. Elle insiste sur l’importance de prioriser la transition vers la résidence permanente et l’intégration des familles. Ainsi que sur la création d’une « terre d’accueil fertile et ouverte à la différence ».

« Que votre entreprise ait 6 ou 56 000 employés, il faut trouver des solutions, parce que si on ne fait rien, on en perdra », assure-t-elle.