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S’enraciner en Abitibi grâce à Ilec Industries

Ruby Irene Pratka|Édition de la mi‑septembre 2022

S’enraciner en Abitibi grâce à Ilec Industries

Hama Lankoandé, technicien en génie mécanique d’origine burkinabè, exerce son métier à Ilec Industries, à Macamic. (Photo: courtoisie)

RECRUTEMENT. Il y a deux ans, Hama Lankoandé ne pouvait pas situer l’Abitibi sur une carte. Aujourd’hui, le technicien en génie mécanique d’origine burkinabè est bien installé dans la région avec sa famille. Il exerce son métier à Ilec Industries, à Macamic. 

En 2019, le technicien travaillait à Bobo-Dioulasso, deuxième plus grande ville du Burkina Faso, en Afrique de l’Ouest. Certains de ses amis étaient déjà partis à l’étranger, mais à l’époque, il n’avait pas très envie de voyager et se méfiait des nombreuses escroqueries entourant les offres de travail à l’étranger dans sa région. Or, quand un ami l’a mis en contact avec l’Agence de placement et de développement internationale (APDI), dirigée par Marc Blais, il a décidé d’envoyer son CV. 

Après deux ans de démarches — ralenties par la pandémie —, Hama Lankoandé est arrivé au Québec en mars 2021. Puis, après deux semaines de quarantaine dans un hôtel montréalais, troisième vague oblige, il a entrepris le long voyage jusqu’en Abitibi.

À Macamic, le recrutement local était déjà au point mort depuis un bon moment. « On affichait des postes de soudeur, de machiniste et de technicien sans recevoir un seul CV, se souvient la coordonnatrice aux ressources humaines à Ilec Industries, Marie-Pier Plante. Le seul moyen d’embaucher un machiniste local aurait été d’en voler un [d’une autre entreprise]. Mais si on l’avait fait, on nous aurait volé quelqu’un par la suite ! »

Le PDG de l’entreprise, Ivan Lecours, connaissait Marc Blais. Il a donc décidé de faire appel à APDI pour recruter trois soudeurs et un technicien en génie mécanique, faire le tri des CV et coordonner les processus d’entrevue, de vérification et d’évaluation des compétences. « Les démarches bureaucratiques sont complexes, et il y a toujours de nouveaux programmes gouvernementaux qui sont mis sur pied ou d’autres qui ferment, observe Marie-Pier Plante. L’avantage de travailler avec une agence, c’est que les experts se chargent de la bureaucratie. »

 

Le temps de prendre sa place

Une fois les travailleurs burkinabè arrivés, le Service des ressources humaines d’Ilec a collaboré avec le Carrefour jeunesse-emploi de la région afin de permettre aux quatre hommes de se familiariser avec la petite ville abitibienne et les services qui y étaient offerts.

Ivan Lecours a misé sur ces travailleurs parce qu’ils parlaient français et que beaucoup d’entre eux avaient déjà une certaine expérience dans la fabrication d’équipements miniers. « Leurs employeurs précédents n’ont pas nécessairement les mêmes équipements que nous, donc on doit les former, ce qui prend de quatre à six mois, précise le PDG. Mais après six mois, ils peuvent vraiment prendre leur place. C’est moins long que de former une personne qui sort de l’école. »

Dans l’entreprise, il a fallu procéder à une certaine adaptation, notamment expliquer aux travailleurs locaux la nécessité de recruter à l’étranger et apprendre à communiquer avec eux. Bien que les Burkinabè soient francophones, ce n’est pas toujours tout à fait la même langue. « Ils s’habituent [à notre façon de parler] assez vite, mais c’est une question d’accent et d’expressions », observe Ivan Lecours. 

Il a décidé de jumeler les nouveaux arrivants aux travailleurs expérimentés, et l’intégration sur le plancher du travail s’est bien passée. « Tout le monde aime partager ses connaissances », souligne-t-il. 

Hama Lankoandé, pour sa part, admet qu’il était « un peu sonné » à son arrivée en Abitibi, tant par la météo et la nourriture que par la solitude. Cependant, malgré les mesures sanitaires qui limitaient les occasions d’interaction sociale, il a pu compter sur le soutien de ses collègues et voisins. La propriétaire de son premier appartement l’a même invité en camping avec des amis. « J’ai vu que les gens étaient prêts à s’ouvrir à nous si on s’ouvrait à eux, se rappelle-t-il. Les Burkinabè et les Québécois ont ça en commun. » 

Avec le soutien de son employeur, il a commencé ses démarches pour obtenir la résidence permanente pour lui-même et sa famille. Sa conjointe et leurs deux enfants sont venus le rejoindre en mars dernier. L’aîné va déjà à l’école, et la famille commence à s’enraciner. « L’essentiel, c’est d’être réunis ; tout le reste est facultatif », sourit le père de famille.

Pour Ilec Industries, l’intégration des quatre recrues ouest-africaines s’est si bien passée que l’entreprise a commencé des démarches pour en recruter quatre autres. Étant donné les délais de traitement, Marie-Pier Plante ne sait pas exactement quand ils arriveront, mais elle a hâte. « Ce n’est pas la solution parfaite, mais c’est une bonne solution, admet-elle. Maintenant, on sait à quoi s’attendre. » Avec la fin des mesures sanitaires, elle espère pouvoir organiser plus d’activités sociales pour faciliter l’intégration des futurs employés.

La coordonnatrice aux ressources humaines salue la détermination de ses nouveaux collègues. « Ils ont décidé de venir travailler au Canada en pleine pandémie, de quitter de bons emplois sans savoir s’ils allaient aimer leur travail ici. Refaire sa vie, ça prend du courage. »