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L’art de tenir ses promesses

Philippe Jean Poirier|Édition de la mi‑octobre 2021

L’art de tenir ses promesses

Vincent Mazrou, consultant en marque employeur et en marketing RH (Photo: courtoisie)

RECRUTEMENT« Les bottines doivent suivre les babines », dit l’adage. En recrutement, c’est en quelque sorte l’inverse qui doit se produire. Les promesses des employeurs doivent faire écho à une réalité tangible. Autrement, ceux-ci se condamnent à l’échec. 

« Je caricature un peu, mais les entreprises pensent que pour attirer un candidat, elles doivent lui promettre la lune », lance Vincent Mazrou, consultant en marque employeur et en marketing RH. Toutefois, constate-t-il, des problèmes surviennent lorsqu’une entreprise tente d’articuler un message de recrutement orienté sur ce que les candidats veulent entendre, plutôt que sur qui elle est vraiment. En résulte une pluie d’affichages de postes annonçant des milieux de travail « hypercool », des politiques de travail « ultraflexibles » et des gestionnaires « bienveillants », sans que ça corresponde toujours à la culture de l’entreprise.

En agissant ainsi, les entreprises risquent de perdre ou de s’aliéner des employés, échaudés par des promesses en l’air, prévient Vincent Mazrou. Différentes études ont d’ailleurs montré les conséquences néfastes d’une telle pratique. La chercheuse Jacqueline Coyle-Shapiro, professeure de comportement organisationnel à la London School of Economics, a entre autres avancé, en 2018, que les employés floués par un employeur « doivent fournir de l’énergie mentale additionnelle pour comprendre la situation et tenter d’y donner un sens ». Il en résulte de la frustration, de la colère et une propension à « prendre des raccourcis dans la prise de décision ».

« Dans un monde idéal, l’entreprise communiquerait qui elle est, et si le candidat se retrouve dans le message, il se joint à l’aventure et tout le monde est gagnant », explique Vincent Mazrou, en admettant que sa vision puisse avoir quelque chose de romancé. C’est tout de même la voie qu’il propose. Quand il amorce un mandat de promotion de la marque employeur, il commence donc par s’assurer que l’identité d’entreprise est claire et que les valeurs véhiculées par la direction sont partagées par les employés. « Quand on a une équipe de gestionnaires alignée sur les mêmes valeurs et le même message, c’est plus facile de tenir ses promesses. »

 

Le rôle des recruteurs

Lorsque le mandat est confié à un recruteur, celui-ci aura bien évidemment un rôle à jouer dans la promesse d’emploi faite au candidat. « Ma responsabilité est de m’assurer qu’il y a une adéquation entre le message que je fais passer dans mon « pitch » de vente du poste et l’expérience qui sera vécue dans l’entreprise », explique Sandrine Théard, recruteuse et fondatrice de l’école de recrutement Les Sources humaines.

Pour y arriver, le recruteur doit se fier à l’information qu’il obtient du gestionnaire direct, et non aux bonnes intentions exprimées par la direction. « Si je rencontre un gestionnaire et qu’il me fait le portrait d’un département surmené, alors que la direction prône des valeurs d’équilibre travail-famille, la promesse que je vais faire au candidat sera celle d’un poste qui demande beaucoup de travail et d’implication », illustre-t-elle. 

La fondatrice des Sources humaines invite d’ailleurs les recruteurs à fréquenter davantage les entreprises qu’ils représentent. « Connaître le client, ça fait partie de son intelligence d’affaires, estime-t-elle. C’est important d’être curieux et de savoir ce qui se passe ; ça donne des éléments de vente pour le poste. »

 

Aider l’entreprise à s’aider

Une fois le contrat d’embauche signé, le jeu de vérité commence. Les deux parties apprennent à se connaître. Pour faciliter l’entrée en poste du candidat, il y a aussi certaines choses que le recruteur peut faire.

Sandrine Théard conseille de faire un suivi « 3-3-3 » auprès du candidat, c’est-à-dire trois jours, trois semaines et trois mois après l’embauche. Ces moments sont l’occasion de demander au nouvel employé s’il a besoin de quelque chose pour faciliter son intégration et si le poste correspond bien à ses attentes. « On est au début de la relation, rappelle la recruteuse. On peut encore se rattraper. » 

Idéalement, ce suivi sera fait conjointement avec le gestionnaire direct. Bien entendu, le recruteur peut aussi « lever un drapeau rouge » à la direction de l’entreprise s’il constate que certains engagements ne sont pas tenus.

Ultimement, c’est à l’employeur lui-même de faire « vivre » la promesse d’embauche, rappelle toutefois la fondatrice des Sources humaines. C’est lui qui en a les moyens, et c’est son entière responsabilité.