(Photo: Christina @ wocintechchat.com pour Unsplash)
RECRUTEMENT. La pénurie de main-d’œuvre fait rage ; les recruteurs croulent sous les requêtes des employeurs. S’ensuit une cascade de publications LinkedIn pour trouver la – ou les – perle rare. Or, emportés par la frénésie des postes à pourvoir, les recruteurs n’ont pas toujours le temps de réfléchir à comment les candidats se sentent.
« LinkedIn n’est pas un tableau d’affichage, rappelle Vincent Mazrou, consultant en marque employeur et en marketing RH. C’est un média social. Donc, les messages d’approche des recruteurs devraient complètement changer. Plutôt que de dire : “J’ai une offre pour toi”, on devrait commencer par s’intéresser à la personne en face de nous. »
Se mettre dans la peau de la personne courtisée en prenant un pas de recul et en inversant la perspective : c’est un peu tout cela, s’intéresser à l’expérience candidat. « La notion vient du marketing », souligne Caroline Boyce, directrice du recrutement et de la sélection de personnel à Loto-Québec et chargée de cours à HEC Montréal. « Pour mieux comprendre, on peut se référer à la définition de l’expérience client, une notion chère aux chefs d’entreprise, ajoute-t-elle. Le but est de faire en sorte que le “client candidat” soit charmé et revienne vers nous. »
Plus largement, précise-t-elle, l’expérience candidat comprend l’« ensemble des ressentis du candidat tout au long du processus de recrutement », du premier contact sur les médias sociaux, un site d’emploi ou un site d’entreprise, jusqu’au moment où la candidature est retenue… ou rejetée.
Dans un scénario comme dans l’autre, les entreprises ont intérêt à soigner l’expérience, car les candidats qui se sentent lésés n’hésiteront pas à s’en plaindre à leur entourage ou, pire, sur les médias sociaux. « Les humains ont un biais de négativité, rappelle Vincent Mazrou. Les bonnes nouvelles, ils ont tendance à les passer sous silence, alors que les mauvaises, ils se font une joie d’en parler. Une mauvaise expérience candidat peut donc facilement ternir une marque employeur. »
Pour arriver à créer une expérience candidat positive, Vincent Mazrou propose à ses clients de commencer par la fin. « Je crois que l’on a intérêt à être très intentionnel dans notre démarche de recrutement : quelles émotions veut-on susciter chez le candidat ? Comment veut-on qu’il se sente à la fin du processus ? Qu’aimerait-on lire sur [le site d’évaluation d’environnements de travail] Glassdoor, si un candidat décidait de nous évaluer ?»
L’étape suivante est de cartographier le processus en place et de noter chaque interaction avec le candidat. « Parfois, le seul fait d’arrêter certaines pratiques a plus d’impact que de lancer de grands chantiers », rappelle le consultant. Réduire le nombre de clics menant à la page Carrière ou retirer le formulaire d’application en ligne en faveur du seul CV ou d’un lien vers le profil LinkedIn sont des actions simples qui facilitent grandement la vie des candidats, illustre-t-il.
Des affichages plus incarnés
Avant d’aborder la mécanique de leur expérience candidat, certaines entreprises auront d’abord besoin de clarifier leur raison d’être et leur identité d’entreprise, souligne Vincent Mazrou. « Si on ne sait pas qui on est et pourquoi on agit, on ne parviendra pas à articuler un message qui se démarque », insiste-t-il. Il donne l’exemple d’un client, la firme de consultants en informatique Pyxis Technologies, qui a revu l’an dernier son processus de recrutement de fond en comble. C’est finalement l’étape de réflexion sur l’identité d’entreprise qui s’est révélée la plus utile pour revamper ses affichages de poste.
« Nous avons une magnifique culture d’entreprise, affirme Muriel Sans d’Agut, CRHA, directrice des talents et de la culture de cette PME lavalloise. La direction agit avec bienveillance, les employés sont engagés. Or, rien de tout cela ne filtrait dans nos affichages de postes. » L’équipe des ressources humaines avait effectivement davantage tendance à mettre l’accent sur les conditions de travail plutôt que sur la culture et les valeurs d’entreprise.
Désormais, l’argumentaire des affichages et du contenu de marque s’articule autour de faits et d’anecdotes réelles. Pour promouvoir sa politique d’horaire flexible, Pyxis Technologies a par exemple choisi de raconter l’histoire d’un collègue développeur qui a pu prendre congé de son poste pendant tout l’été, parce qu’il désirait travailler à l’extérieur… comme installateur de piscine!
Les résultats de cette nouvelle approche ne se sont pas fait attendre. « Depuis ce changement de discours, nous recevons plus de CV. Surtout, les CV que nous recevons sont de meilleure qualité », se réjouit Muriel Sans d’Agut.
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L’art de convertir
Un candidat satisfait de son expérience de recrutement a 38 % plus de chance d’accepter une offre d’emploi qu’un candidat insatisfait.
Source : « The far-reaching impact of candidate experience », IBM, étude menée en 2016 auprès de 7000 candidats provenant de 45 pays et territoires.
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Parlez-en bien, parlez-en mal
Parmi les candidats ayant vécu une expérience de recrutement positive :
— 77 % en parleront dans leur entourage
— 57 % en parleront publiquement sur les médias sociaux
— 66 % accepteront de recommander des gens de leur réseau pour le poste
Parmi les candidats ayant vécu une expérience de recrutement négative :
— 52 % en parleront dans leur entourage
— 31 % en parleront publiquement sur les médias sociaux
Source : « The 2020 North American Candidate Experience Research Report », une étude menée par l’organisme Talent Board auprès de 152 000 candidats provenant de 133 entreprises en Amérique du Nord, publié en février 2021