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Les leaders transformationnels en pleine émergence

Kévin Deniau|Édition d'avril 2023

Les leaders transformationnels en pleine émergence

Céline Huot, associée du cabinet Brio (Photo: courtoisie)

RECRUTEMENT. Votre organisation possède-t-elle son ou sa responsable de la transformation ? Ce nouveau type de gestionnaire fleurit progressivement dans les entreprises, à en croire les experts du secteur. « À l’origine, cette fonction est apparue dans les grandes entreprises en lien avec des questions numériques. Aujourd’hui, on la voit dans des firmes de taille moyenne avec des responsabilités plus larges », constate Xavier Thorens. Président du cabinet de chasseurs de têtes Thorens Solutions, il s’attend à devoir gérer plus de mandats liés à ce type de poste dans les années à venir. 

La raison de l’émergence de ce rôle voué intégralement à la « transformation » tient à la rapidité d’évolution et à la plus grande complexité des environnements d’affaires. Auparavant occasionnels, les changements systémiques d’une organisation sont désormais un processus continu. Au point de justifier la création d’un poste, voire d’une équipe pour mener ce travail d’adaptation permanente. 

« C’est un vrai défi de réussir à maintenir ses opérations courantes et de mener sa transformation en parallèle. D’où la nécessité de scinder les deux, pour consacrer le temps nécessaire à l’une et à l’autre », explique Céline Huot, associée du cabinet Brio. 

Elle prend l’exemple d’un client qui souhaite proposer une expérience client fluide, alors que ses canaux de distribution actuels (numérique, téléphonique et en personne) fonctionnent en silo. « La transformation souhaitée nécessite d’agir en transversalité et de repenser son organisation en tant que système, précise la responsable de la boutique de management montréalaise. Elle va changer les métiers, les objectifs de vente, voire le modèle financier et marketing de l’entreprise. »

 

Des compétences de gestion différentes 

En ce sens, les compétences requises pour être leader transformationnel diffèrent de son pendant opérationnel. Xavier Thorens cite une PME qui souhaite tendre vers l’usine 4.0 en collectant des données de ses équipements afin d’amener plus d’automatisation et, « in fine », d’augmenter sa productivité. « Cela prend des personnes [aux compétences] techniques, mais qui ont aussi et surtout une grande compréhension du facteur humain », indique-t-il. 

Maryse Leduc, responsable de l’expertise leadership et transformation culturelle de Brio, énumère les qualités nécessaires : la capacité à insuffler une direction, à mobiliser un collectif dans cette direction et à transformer l’effort et l’énergie des équipes en actions concrètes. « Je parle de direction et non de vision, car la destination n’est pas forcément connue au début. Il faut ainsi être créatif, ouvert et curieux pour pouvoir constamment apprendre dans l’action et bâtir le plan au fur et à mesure que l’on avance », ajoute-t-elle. 

Il s’agit d’un métier difficile destiné à des personnalités qui savent faire preuve de résilience et de détermination, poursuit sa collègue Céline Huot. « Responsable de la transformation est le poste le moins aimé de l’entreprise : la personne est très visible et vient sortir ses collègues de leur zone de confort, sans toutefois disposer d’autorité hiérarchique sur eux », affirme-t-elle, en parlant d’un style de leadership ferme mais mobilisant.

 

Des gestionnaires non hiérarchiques

Cette posture, qui peut paraître contradictoire, réclame des qualités de communicateur et de vulgarisateur afin de renverser les vents contraires habituels de la résistance au changement. « Il s’agit souvent de nouveaux muscles à développer, car les leaders n’ont généralement pas l’habitude de devoir mobiliser sans hiérarchie et sans grande équipe directe, juste grâce à leur capacité d’influence et de conviction », témoigne Céline Huot. Elle se rappelle un gestionnaire qu’elle a accompagné qui lui confiait honnêtement : « Si j’avais su que c’était aussi difficile, je ne sais pas si j’aurais signé en bas de la page. » 

En contrepartie de cette lourde tâche énergivore, les leaders transformationnels peuvent s’attendre, en cas de réussite, à laisser un legs précieux à leur organisation… en plus d’une belle ligne très valorisée sur un CV. « Cela peut être une propulsion de carrière menant à un poste de direction », estime Xavier Thorens, pour qui les meilleurs profils viennent souvent du monde de la consultation, avec un regard de généraliste autant sur les différents métiers d’une organisation que des besoins des clients.

Selon les experts interrogés, un élément se révèle déterminant dans la réussite de ces gestionnaires : l’appui de la haute direction de l’entreprise. « Le leader transformationnel va venir perturber les opérations courantes, voire casser des choses qui fonctionnent bien. Le comité de direction, dont il doit faire partie, doit ainsi le protéger et le soutenir afin que ses priorités ne soient pas sans cesse remises en question. »